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Créer un ePub avec Google Docs

Pour commencer

Pour les besoins de cet atelier, nous demanderons à chatGPT (Poe) de créer l’histoire. Voici la conversation avec le bot et voici le prompt initial : Écris une histoire de zombies dans laquelle un père tente de survivre avec son fils dans un monde apocalyptique. Il aura fallu éditer un peu le résultat pour éviter quelques clichés ou pour avoir quelques descriptions.

Comment créer son livre ?

Créer un ePub avec Google Docs est très facile. Il suffit de créer un document comme vous le feriez pour taper du texte.

Simplement, quand vous aurez fini d’insérer le texte (et les images si vous le souhaitez), cliquez sur File > Download > EPUB publication (.epub).

Export

Ne soyez pas surpris. Vous n’aurez aucune option de paramétrage lors de l’import contrairement à ce que vous pouvez faire avec Pages. On ne peut pas, par exemple, créer de couverture, ce qui est dommage quand on sait ce que l’on peut faire avec Canva.

Changer la couverture

Toutefois, il existe des solutions si vous tenez à insérer cette belle couverture que vous avez conçue. Vous pouvez, par exemple, Online Converter et la fonction Change EPUB Cover. Choisissez simplement votre livre et votre couverture et cliquez sur Convert.

Vous pouvez aussi utiliser Calibre. Importez votre livre, faites un clic droit sur celui-ci et choisissez Edit metadata > Edit metadata individually et ajoutez votre couverture.

Calibre

En revanche, on peut créer une table des matières.

Créer la table des matières

Pour la créer, il faut utiliser les styles. Voyez le gif ci-dessous.

Styles

En somme, il faut sélectionner le titre et le formater en tant que titre. Chaque partie ou chapitre sera identifiée en tant que heading. Cela aura pour effet de générer automatiquement votre table des matières.

La mise en forme du contenu

Je vous invite à faire très simple, car de toute façon le format ePub ne sera pas en mesure d’afficher des polices rares par exemple (en tout cas, pas de cette façon).

Même chose pour les images. Privilégiez une mise en page simple.

Je vous propose de les générer avec Canva.

Illustration faite avec Canva

Et c’est à peu près tout.

Google Docs ne nous permet pas de faire beaucoup plus, mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas aller plus loin.

Des quiz

On peut, par exemple, tirer parti des extensions pour créer du contenu supplémentaire comme des quiz. Ainsi, l’extension Brisk, que vous pouvez télécharger sur le Chrome web store, vous permet de générer très rapidement un petit questionnaire qui viendra enrichir votre livre.

Une fois l’extension installée, cliquez sur son icône en bas à droite et entrez les consignes qui vous permettront d’obtenir votre questionnaire. Puis cliquez sur Next puis sur Brisk it.

Brisk
Brisk
Brisk

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What is an ePub file and why you are going to love it

What’s an ePub?

That is a fact: teachers love books. But for whatever reason it is, when they have to deliver content to their students, their first choice is a Word document, a PDF or maybe a website such as Google site, not a book. To be honest, I have not the faintest idea why.

But you should give it a try. Write your first ePub (short for /electronic publication/), the standard digital format for ebooks? I promise you, you are going to enjoy it.

As it is a standard, ePubs can be read anywhere: on a PC, on a Mac, on an Android tablet or even better an e-reader, which offer great comfort for your eyes.

Why ePubs?

Think about it. When you do, students get great rich content.

In an ePub, students will be able to:

  1. Use the built-in dictionary.
  2. Highlights what they find important.
  3. They will be able to take notes and even export them.
  4. They can change the font or increase the font size if they want (handy for those who are dyslexic).
  5. Disabled students will be able to take advantage of Speak Selection which can read the text to you.

Epub

On top of that, you can insert audio content and even videos to your ePub. You can even find software allowing you to insert quizzes in your book.

In addition, if you provide an ePub with all the content say for the next week or maybe the next term, you won’t rely on the wifi anymore. Students download their digital book. They have it on their tablet or computer. So if the connection fails, students still have access to your content and learning can still happen.

So ePub is a pretty obvious choice. Go for it.

But how can you create an ePub? Is that difficult? How can you read an ePub? And where can you download books?

All these questions are answered down below. Most of the time, things are pretty self-explanatory and I wanted to make this short and as simple as possible. In fact, you just write, click Export and that’s it. Moreover, you will find animated GIFs so you know how to get things done.


Create an ePub with a word processor

Google Docs

Create an ePub with a dedicated app

Create an ePub online

Create an ePub on an iPad

Create an ePub on an Android tablet

Export into ePub format

Convert

Edit an ePub on your computer

Sigil

Useful sites about ePubs

Avoid Grammar & Spelling mistakes

Pick a license

Where to publish?

Where can you download ePubs?

Download an ePub reader

Read ePubs right into your web browser

Google Chrome

Firefox


Still there?

If you have reached these lines, it means that you are genuinely interested in the ePub format and that you are ready to start creating your first book. So let me give you one or two pieces of advice.

Where to start?

The first tip I’d like to give, for this very first book, is to keep things as simple as you can: no fancy font, no exotic color, reduce a little bit your images so they fit the page format. This advice will be helpful if you plan to create an ePub with a lot of text. And for your first book, don’t bother. Just use a word processor. It’s a great way to start and to be honest, it’s more than enough. I’m not using anything else.

Creating a table of contents

To create a table of contents, just use styles. It will automatically be added to your ePub.

Styles

Design your cover

With Pages, you can do pretty much everything. Just have a look.

Pages

Complicated formatting?

If you have a pretty complex layout with graphics, tables, columns, large image, then you need to learn something more: the difference between reflowable and fixed-layout ePubs.

Apple explains it in a very simple way:

Reflowable: if you want your content to accommodate different devices and orientations, choose Reflowable. In a Reflowable EPUB, text size scales and content repaginates according to the reader. Reflowable is best for documents that are mostly text.

Fixed layout: if you want the layout of each page in your document to stay the same, regardless of the device or orientation, choose Fixed layout. In a Fixed layout EPUB, users can zoom in and out, but text and content positions are fixed and don’t reflow. Fixed layout is best for image-heavy or multi-column documents.

You can easily create fixed-layout ePubs with apps like Pages or Book Creator. I strongly recommend these two apps. And do remember that you don’t need a Mac to create your ePub with Pages, you can simply head to https://www.icloud.com/ and edit your ePub in your browser.

What if I am a math teacher?

If you are a math teacher, you’ll probably want to insert mathematical expressions using LaTeX. Actually, this is very easy. In Pages, just press Insert then Equation.

HackMd

You may also use HackMd, an online word processor. You can render LaTeX/mathematical expressions using MathJax. Just insert a $ before and after your formula as shown down below.

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Itinéraire d’un lecteur gâté : De la liseuse à l’iPad

Deuxième épisode

Épisode 2 Podcast

🎙️ Écoutez cet épisode sur Apple Podcast ! ou ci-dessous si vous le préférez. 👇

Et enfin vint la liseuse

La liseuse est entrée dans ma vie, si ma mémoire ne me joue pas des tours, en 2014.

Rien ne nous destinait à nous aimer. Tout nous opposait ou presque. Je ne lisais que des livres sur papier et je trouvais les liseuses moches. J’aimais les rayonnages des bibliothèques et la dématérialisation des livres me semblaient une bizarrerie que je n’essayais pas même d’interroger.

Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé. Peut-être, comme on se prend d’affection pour un affreux bâtard au poil roussi, on peut s’emmouracher d’un truc laid fait de plastique bon marché dont l’écran n’affiche qu’un maigre dégradé de noir et blanc.

Pourtant c’est probablement cela qui a fait que cet appareil est devenu si important dans ma vie de lecteur : une interface dont la pauvreté ne résultait pas de médiocres choix ou performances technologiques, mais dont la simplicité était voulue. Il s’agissait de faire oublier l’interface de façon à ce que l’expérience utilisateur – celle de la lecture – soit la meilleure possible, celle d’une concentration sur le contenu et rien d’autres, une expérience similaire à celle que l’on peut éprouver à la lecture d’un texte sur papier, mais sur un écran. Nous y reviendrons.

Kindle sur Instagram

Mais il s’est passé autre chose.

It fades, fades and fades

Vous avez peut-être lu Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. À un moment, Barthes parle du « fading » qu’il définit ainsi.

“FADING. Épreuve douloureuse selon laquelle l’être aimé semble se retirer de tout contact, sans même que cette indifférence énigmatique soit dirigée contre le sujet amoureux ou prononcée au profit de qui que ce soit d’autre, monde ou rival.

Cet anglicisme vient d’une publicité, « une firme américaine vantait le bleu délavé de ses jeans : it fades, fades and fades. L’être aimé, ainsi, n’en finit pas de s’évanouir, de s’affadir ».

Assez curieusement, c’est un sentiment similaire qui s’est emparé de moi vis-à-vis du livre objet, matériel, physique. Je pense que les multiples déménagements ont fini par me faire prendre en horreur cette quantité démesurée de livres que j’avais amassés avec les années. Il fallait les mettre en carton. Pas trop lourds, les cartons s’il vous plait, sinon c’est intransportable. Et lors de l’emménagement, des heures en perspective de travail : remonter les étagères, placer les livres, les trier, etc.

Et ensuite, s’est passé cette autre chose étonnante. Ces livres auxquels je tenais fermement, toutes ces éditions originales que j’avais achetées souvent fort cher, eh bien ces livres faisaient littéralement l’objet d’un abandon. Ils trônaient sur l’étagère, mais c’est tout ce qu’ils faisaient. La raison en était simple. On ne trimballe pas dans son sac une édition originale. On ne l’annote pas. Parfois, on la manipule avec hésitation car elle est ancienne, fragile. En somme, on ne les lit pas ou peu. Je leur préférais alors leur équivalent de poche, qui étaient mes vrais compagnons de lecture et que je ne craignais pas d’abîmer.

De ce constat découlent deux choses. La première est que notre rapport à la culture est souvent celui d’un collectionneur qui s’accompagne d’un désir d’appropriation de la connaissance sous forme d’objets occupant un territoire bien délimité. C’est aussi une forme d’apparat que l’on exhibe fièrement : voyez ma belle bibliothèque donnant une visibilité tangible de l’étendue de mes connaissances. La seconde est que le ver était dans le fruit. En passant du beau livre à son équivalent de poche (qui a tant fait pour la démocratisation de la lecture mais dont la qualité peut laisser à désirer), je préparais sans le savoir l’étape suivante. Je me dirigeais lentement vers une autre métamorphose, celui de la dématérialisation. Et de repenser au fading de Roland Barthes :

Dans le texte, le fading des voix est une bonne chose ; les voix du récit vont, viennent, s’effacent, se chevauchent ; on ne sait qui parle ; cela parle, c’est tout : plus d’image, rien que du langage.

Cela parle, c’est tout.

On pouvait essayer autre chose, l’essentiel étant que cela parle. Ce serait la liseuse.

Le confort du papier et la plus-value du numérique

Je ne me souviens pas si l’encre électronique était un argument fort pour moi à l’époque. Je crois me souvenir que, à l’époque, la lecture sur iPad se limitait à la lecture d’articles sur le web ou des réseaux sociaux, mais pour la lecture longue, l’iPad ne me paraissait absolument pas adapté du fait de sa vitre et de ses nombreux reflets. De plus, une telle tablette devenait inutilisable au soleil, l’écran n’étant pas assez lumineux en plein jour et l’étant trop la nuit. L’encre électronique offrait une alternative séduisante : le confort du papier avec les possibilités du numérique.

Ces possibilités, je les ai décrites dans un article écrit en février 2016 et intitulé Qu’est-ce que lire au XXIe siècle ?. Je ne vais pas vous les détailler à nouveau. Je pense qu’elles sont désormais bien connues, mais rappelons les principaux avantages de la liseuse.

  1. La liseuse est un appareil léger. Par contraste, l’édition Folio du Comte de Monte Cristo est aujourd’hui composée d’un seul volume, ce qui doit représenter (à vue de nez) un pavé d’une bonne dizaine de centimètres d’épaisseur au bas mot. Et c’est un seul ouvrage ! Partez en voyage avec d’autres ouvrages de Dumas et il vous faudra faire l’acquisition d’une valise supplémentaire.
  2. On trouve les livres facilement. Certains aiment se déplacer chez leur libraire favori. C’est un luxe que je n’ai pas toujours eu. Si vous habitez dans un lieu isolé comme une île, vous savez de quoi je parle. Télécharger un livre et l’obtenir instantanément devient alors une commodité dont on se passe mal une fois qu’on l’a goûtée.
  3. Le crayon devient inutile. Avec une liseuse, on souligne avec son doigt. Cela peut paraître complètement anodin, mais il me plait de voir mon index gagner quelques capacités supplémentaires. La possibilité de souligner est liée à d’autres fonctions que je développerai par la suite.
  4. Le dictionnaire intégré et la traduction m’ont permis d’affronter des ouvrages en langue anglaise que je n’aurais ou pas même ouverts ou lus avec beaucoup plus de difficultés. On se rit parfois des enfants qui, habitués aux écrans tactiles et à la manipulation au doigt de l’interface, reproduisent ces modes d’interaction avec des machines qui ne requièrent pas ces usages, mais je peux vous assurer que je fais pareil quand j’ai entre les mains un ouvrage papier. Je voudrais cliquer sur le mot pour obtenir des informations supplémentaires. Je confesse avoir envie de zoomer également quand d’aventure les caractères sont trop petits.
  5. Synchroniser ses appareils vous permet de lire partout tout le temps. Commencez votre lecture sur la liseuse et poursuivez sur votre téléphone si c’est tout ce que vous avez sous la main. Infiniment pratique dans les transports en commun.
  6. Lire dans le noir. C’est un argument amusant parce qu’il renverse ou neutralise celui des fervents partisans du papier qui vous expliquent doctement qu’il faut charger sa liseuse alors que pour le livre dit « normal » cela ne serait pas nécessaire. D’une part, la batterie d’une liseuse tient des semaines et d’autre part, pour lire la nuit, vous avez besoin d’électricité ! On ne se rend jamais bien compte à quel point nos activités reposent sur la technologie.
  7. Trouver un mot ou une phrase en quelques secondes est probablement, pour moi, l’argument ultime. Je me souviens quand je préparais des cours et que je cherchais un exemple, une phrase, une figure de style et que je passais des heures à chercher le bon ouvrage, la bonne page. Parfois, ma recherche n’était couronnée d’aucun succès, et j’avais cherché en vain. Avec une liseuse, on a l’équivalent du ctrl + f sur une page web. On tape les mots que l’on cherche et ceux-ci apparaissent instantanément.

Les liseuses sont donc, pour toutes ces raisons, des appareils précieux. Et nous n’avons pas même mentionné toutes les fonctionnalités d’accessibilité. Pourtant, je ne regarde plus ma Kindle avec les yeux de Chimène, et je lui préfère à présent mon iPad mini. Que s’est-il passé ? Pourquoi abandonner une machine réunissant tant de qualités ? Je vous l’explique.

En route pour la pomme

Il y a désormais un peu plus d’un an, j’ai acheté la nouvelle Kindle d’Amazon, la Kindle Scribe. C’était un achat prometteur. J’avais déjà eu plusieurs Kindle. J’avais une Oasis. J’étais plutôt comblé.

Mais le grand format de la nouvelle liseuse annonçait des heures heureuses de lecture de PDF et peut-être de BD également. Le stylet qui l’accompagnait me laissait envisager des prises de notes nombreuses, inscrivant mes réflexions sur le vif, avec célérité et efficacité. On pourrait toujours exporter, utiliser un OCR, etc.

kindle sur la plage

Las ! Les possibilités d’export sont quasi nulles. L’application de prise de notes est d’une pauvreté affligeante, le copier coller – comme au temps de l’iPhone premier du nom – n’existe pas et les mises à jour qui vous procurent tout de même quelque maigre espoir sont aussi rares que les cheveux sur le crâne d’un vieillard touchant à sa centième année.

Je regrettais mon achat et maudissais le choix qui m’avait fait repousser la reMarkable quand je comprenais que je ne serais pas plus heureux avec une telle tablette. Là aussi, les possibilités d’export sont minces. Faites votre choix : Google Drive, OneDrive ou Dropbox. C’est pourtant essentiel et ce d’autant plus que la reMarkable est vendue avec 8 maigres petits gigaoctets. Certes, les livres au format ePub ne pèsent généralement pas lourd, mais les PDF peuvent l’être 1.

Je lorgnais alors du côté de la BOOX Tab Ultra C qui offre deux arguments de poids : l’encre électronique est en couleur et, comme c’est une version d’Android (bien ancienne malheureusement), on peut installer des applications, ce qui me permettait d’envisager des applications de prises de notes plus riches que celles d’Amazon (pas dur) et même de télécharger d’autres applications de lecture qui viendraient enrichir l’expérience. Las (encore) ! La tablette s’avérait être un véritable veau. Sa lenteur était désespérante. C’en était trop. Ma décision était prise et je me dirigeai d’un pas alerte vers l’Apple Store le plus proche, acquérir un iPad mini.

Je vous explique, dans le prochain épisode, pourquoi le bonheur (onéreux) était à portée de pomme.

Notes

1 : Je sais bien que ce n’est pas le cas de la majorité des PDF, mais je viens de télécharger sur Gallica Le Larousse du XXe siècle. 717,12 Mo le volume !

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Itinéraire d’un lecteur gâté : Du papier à la machine à lire

Introduction

Épisode 1 Podcast

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Chronique en 10 épisodes

Ami lecteur, toi qui commences la lecture de ces quelques mots, tu t’apprêtes à lire une série d’articles tous consacrés à la lecture numérique et ce que tu lis en est l’introduction. Apprends donc dans quoi tu t’embarques : dix longs articles narrant l’expérience d’un lecteur ayant éhontément abandonné le papier pour lire sur une tablette. Il n’est pas trop tard pour faire demi-tour.

Kindle Oasis

Quelques considérations avant de commencer

Cette série d’articles n’a pas pour ambition de te convaincre. Il ne s’agit pas de t’inviter à délaisser les livres papier. Si tu aimes les objets encombrants jaunissant avec le temps, prenant la poussière, sentant l’acarien, perdant leurs pages, portant le témoignage d’un doigt effaçant sans vergogne l’encre bon marché, alors je n’ai évidemment pas mon mot à dire. Tu fais ce que tu veux. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, disait l’autre.

En réalité, cette série d’articles dont tu commences aujourd’hui la lecture n’a pas d’autre ambition que de proposer le témoignage d’un lecteur heureux ayant le sentiment d’être devenu un meilleur lecteur du fait de son adoption du numérique. Mais, encore une fois, peut-être es-tu parfaitement heureux avec les livres tels que tu les utilises, et je ne vois pas du tout pourquoi je m’efforcerais de te les faire abandonner. En revanche, si tu aimes le plastique bon marché, les nuances de gris, les objets condamnés à une obsolescence non programmée mais inéluctable et préfères les GAFAM aux libraires, tu te laisseras peut-être convaincre à adopter une liseuse ou faire de ta tablette ce que j’ai appelé La machine à lire.

L'iPad, la machine à lire

Et si tu n’as pas été rebuté par les quelques provocations ci-dessus, tu seras peut-être intéressé à l’idée de découvrir les raisons qui m’ont amené à totalement abandonner les livres dans leur version papier pour adopter pleinement des appareils du type liseuse ou tablette.

Mais encore ?

Si je ne veux pas te convaincre et que j’entends te laisser en paix avec tes habitudes, quels objectifs se donnent ces articles ? Pourquoi se donner la peine de produire une dizaine d’articles sur des pratiques forcément personnelles et donc subjectives ? Ne s’agit-il que de te raconter comment je lis ? Est-ce là un simple témoignage ?

À dire vrai, j’entreprends aussi de faire un sort à quelques idées reçues. Il n’est pas rare de lire des articles ayant toutes les apparences du plus grand sérieux et se faisant l’écho de LA recherche et qui entonnent des couplets bien connus : le papier, c’est mieux. Les écrans, c’est mal. On peut le lire aujourd’hui 1. On le lisait déjà il y a dix ans 2, et on paraît ressasser la chose à l’envi, redécouvrant encore et encore les mêmes refrains. Après tout, des figures d’autorité comme Umberto Eco n’ont-elles pas expliqué que le livre était comme la roue ou la cuillère ? Ce sont, ce seraient, des objets dont la forme est parfaite et de ce fait indépassable 3. Fin du débat !

Je suis justement souvent abasourdi par la pauvreté de certains arguments quand on discute d’un tel sujet. En général, un amateur du papier croit pouvoir plier ledit débat en affirmant sa préférence pour l’objet physique et son besoin de toucher ou tourner les pages. En fait, pourquoi pas ? Mais, en général, une personne recourant à cet argument semble se prévaloir d’une tradition pluricentenaire qui lui vaudrait la supériorité du collectionneur féru de beaux ouvrages, laissant le partisan du numérique dans le camp peu enviable des pervers férus du plastique produit par des entreprises assoiffées de DRM, une sorte d’irresponsable qu’on peut réduire à quia en lui faisant comprendre que le beau et le bon sont d’un côté et pas de l’autre.

Pire encore, personne n’est assez patient pour écouter les arguments de celui qui s’aventurerait à décrire les contours d’un écosystème invisible qui est le propre de la lecture numérique, laquelle est protéiforme, omniprésente et riche de possibilités innombrables et inédites que son jumeau de papier n’est pas en mesure d’offrir. Mais n’anticipons pas. Nous y viendrons.

Évolution des pratiques de lecture

Avant de t’exposer tout cela, essayons de nous représenter la chose suivante. Ce que nous appelons « lecture » est une pratique qui n’est pas immuable. Certes, pour beaucoup, elle semble être parvenue à une forme que l’on n’éprouve pas le besoin de changer. Tant et si bien qu’elle ressemble à la représentation qu’en donne le peintre Fragonard. Pourtant, la forme que nous attribuons au livre, le symbole que représente le livre n’est rien moins que figé. Du volumen (le livre enroulé) au codex (le livre à feuilleter), il y a là une belle histoire que la BNF s’est empressée de raconter.

La liseuse de Fragonard

Au reste, au XIIe siècle, la plupart des gens ne savent pas lire. La lecture est de fait essentiellement orale. Au Moyen Âge, un roman est alors un ouvrage en vers écrit en langue romane (d’où son nom). Il est lu à voix haute généralement durant un banquet où on écoute l’histoire. Près de dix siècles plus tard (c’est-à-dire maintenant), on retrouve un peu de cette dimension orale à travers les audiobooks.

Aujourd’hui, la lecture est une activité qu’il est difficile de définir. On ne lit pas que des livres. On vient de le dire, on les écoute également. C’est surprenant mais ce qui était auparavant purement audio peut à présent être lu. Apple Podcast permet maintenant de lire la transcription de chaque épisode, un peu comme on affiche les paroles d’un morceau de musique. De plus, la lecture ne se résume pas à celle des livres. On lit aussi des articles sur le web, des flux RSS (enfin je l’espère), des PDF, des newsletters, des tweets (que je m’obstinerai à appeler ainsi). Souvent ce qui sépare l’un de l’autre est assez flou. On peut en effet légitimement se demander ce qui sépare un thread sur Twitter d’un article de blog.

Apple Podcast

Il est donc bien hasardeux de prétendre que la lecture ne se fait que par les livres. De fait, il nous faut trouver les supports idoines, au risque d’avoir une lecture fragmentée, disparate, dispersée, mais de cela aussi, je te parlerai longuement dans les lignes qui vont suivre.

Du papier à la liseuse, de la liseuse à l’iPad

Pourtant mes propres pratiques ont évolué assez récemment.

En fait, la chose n’allait pas de soi. À dire vrai, la lecture sur papier a longtemps été pour moi le dernier bastion, le dernier résistant dans la bataille que se livraient, dans mon petit cœur de geek, le numérique et le papier. Comme vous le voyez dans mon tout premier post Instagram ci-dessous, la lecture a longtemps été pour moi synonyme de papier et puis un jour j’ai découvert un objet que je tenais à distance, qui faisait de ma part l’objet d’un injuste mépris quand je comparais son plastique médiocre à l’objet rutilant que constituait l’iPad. Pourtant, dès le début (nous sommes en 2010), l’iPad ne me paraissait pas approprié à la lecture. Et c’est précisément cet iPad qui est aujourd’hui ce que j’appelle, non sans une pointe d’émotion, ma machine à lire.

Mon premier post Instagram

Alors que s’est-il passé ? Comment suis-je passé du livre de poche à la liseuse puis à l’iPad ? Quels sont les avantages d’une lecture totalement numérisée ? Y a-t-il des inconvénients et si oui, est-il possible de les surmonter ? C’est ce que je te propose de t’expliquer dans une série d’articles dont le premier fera le récit palpitant qu’est l’irruption de la Kindle dans ma vie.

Pour que tu saches ce qui vient ensuite, voici une brève description des articles qui s’en suivront.

Après cette passionnante introduction (1re partie), après donc avoir discuté des intérêts de la liseuse mais aussi de ses manques (2e partie), je te parlerai ensuite de confort et de capacité de concentration, histoire de battre en brèche quelques idées reçues (3e partie). Ce n’est qu’ensuite que nous ferons le détail des applications qui se trouvent sur ma tablette (4e partie). À la suite de quoi, l’on verra comment conserver, trier, retrouver, mémoriser ces choses innombrables qu’on lit et oublie aussitôt (5e partie). Deux applications constituant le point d’orgue de mon édifice seront ensuite évoquées. Au cas où le suspense serait absolument intolérable, sache qu’il s’agit d’Obsidian et de Readwise (6e partie). Subséquemment, nous nous poserons la question suivante : la lecture devient-elle une affaire de geek ? Il sera alors question d’automatisation, d’intelligence artificielle, de scripts (7e partie). Dictionnaires et applications de traduction seront l’objet de l’article suivant (8e partie). Afin de ne point être accusé d’ignorer les problèmes qui ne manquent pas d’émailler nos vies numériques, l’avant-dernière partie est intitulée Les maux du numérique (9e partie donc). On en profitera pour voir comment les affronter. Il sera alors temps de conclure (et c’est la 10e partie).

Notes

1: Voir par exemple Les écoles doivent privilégier le papier et le crayon dont le sous-titre est « La lecture à l’écran est nuisible alors que la prise de notes au clavier n’apporte aucun avantage, selon un rapport de l’INSPQ. »
2: Lire sur support papier, meilleur pour la compréhension des textes ?
3: Lire mon article intitulé Umberto Eco et le livre indépassable

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Le livre numérique est né au Moyen Âge

Une exposition à la Bodleian Library

En passant à Oxford (que c’est beau !), et au hasard d’une promenade, j’ai eu la chance de voir une exposition sur le livre à la Bodleian Library. Mon attention a tout d’abord été attirée par une vidéo racontant l’incroyable processus de création d’un livre manuscrit. Non pas qu’on y apprenne grand-chose de nouveau, mais cela m’a inspiré quelques réflexions.

On le sait, le livre est un objet incroyablement complexe. L’ensemble du processus rend compte de sa richesse : de l’animal dont on a récupéré la peau, à sa longue préparation (comme le rappelle l’exposition avec humour, « l’animal ne naît pas rectangulaire »), en passant par la constitution de l’encre, la taille de la plume, l’écriture patiente et soignée, les emplacements laissés à l’enlumineur dessinant, peignant à grosses gouttes puis appliquant ses feuilles d’or et, pour finir, le travail de reliure des feuillets à la grosse aiguille et l’épaisse couverture protégeant le tout et souvent accompagné d’un fermoir savamment ouvragé. On voit bien à quel point le livre était un bel ouvrage (désolé pour la tautologie).

Métamorphoses du livre

Naturellement, le livre tel qu’on le connaîtra ensuite tout au long des siècles qui ont suivi la découverte de l’imprimerie subira bien des métamorphoses. Il aura fallu inventer le papier, matière première indispensable pour que les orfèvres travaillant le métal appliquent leur savoir-faire à la création des fontes (lisez L’Apparition du livre de Lucien Febvre et Henri-Jean pour en savoir plus sur le sujet).

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La confection de l’objet connaîtra une nette accélération malgré une confection encore très artisanale pendant des années et des années, et puis, dans les années 1950, on en est arrivé à la démocratisation de la chose. Un jour, le livre est devenu livre de poche. Papier recyclé, colle séchant précocement et cassant, encre s’effaçant au contact du pouce ; objet devenu courant et accessible mais devenu si laid et ayant perdu sa consistance ; il semble à peine le reflet de ses illustres ancêtres.

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Le livre et la nymphe

Ce n’est pas que je regrette que seule une maigre aristocratie ait les moyens de commander et acheter de rares et splendides ouvrages, mais il m’apparaît à présent avec évidence que le livre est un peu comme la nymphe Écho. Malheureuse de ne pas être aimée du beau Narcisse auquel elle ne peut s’adresser, elle dépérit, maigrit et perd son corps pour n’être plus qu’un son. Le livre, aujourd’hui, c’est un peu la même chose. On est passé du superbe objet fait de cuir et de vélin au petit format du Folio et puis il est devenu fichier numérique. Il est presque intangible et ne pèse désormais que quelques kiloctets. À peine. C’est devenu un bien immatériel.

Et vous savez quoi ? Eh bien, c’est tout à fait normal. Ça va dans le sens de l’histoire. Beaucoup de gens expriment leur amour du livre, du papier, de l’objet palpable, lourd et manipulable. Mais cet objet prétendument aimé a commencé à disparaître il y a déjà plusieurs siècles. Précisons dans une parenthèse que je vais très vite refermer que les beaux livres ont trouvé refuge dans les catalogues d’exposition, les livres d’art ou la littérature de jeunesse richement illustrée. Seulement, ce n’est pas la majorité des livres. Notre objet de consommation n’est pas le beau livre. C’est un ersatz qui s’il disparaît un jour face au livre numérique ne saurait vraiment être regretté.

Mais on sait bien qu’il n’y aucune raison pour que le livre même de médiocre qualité disparaisse. C’est même plutôt fortement improbable. Il n’y a d’ailleurs aucune raison de l’opposer à son avatar numérique. Mais ce qui me frappe à présent, c’est combien le livre numérique ressemble à son vénérable ancêtre médiéval. L’exposition que je viens de voir me confirme à quel point le livre ressemble à internet depuis… le Moyen Âge.

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Par exemple (voir ci-dessus), on associe la possibilité de laisser un commentaire au site web ou au blog, mais les manuscrits du Moyen Âge offraient déjà cette possibilité aux lecteurs en insérant une large marge dans laquelle on pouvait inscrire quelques ajouts ou surligner les passages importants pour les futurs lecteurs.

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On voit dans cet ouvrage que l’écriture à plusieurs mains n’était pas l’apanage de Wikipédia. Un livre pouvait être commencé par tel scribe et être poursuivi par tel autre. Un siècle plus tard, un lecteur ajoutait une traduction dans les marges.

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Dernier exemple (ci-dessus) parmi une kyrielle d’autres que je n’ai pas pris en photo : dans cette bible latine, les scribes ont glissé quelques traductions en anglais un peu à la façon d’une Kindle où l’on peut insérer dans les interlignes des traductions pour aider le lecteur à surmonter les difficultés linguistiques.

De fait, je ne saurais finir sans un clin d’œil amusé à tous ces gens — et ils sont légion — qui craignent que le livre disparaisse alors que la parenté du format ePub avec ses prédécesseurs manuscrits est si évidente ! Si l’évolution du livre vous effraie ou vous horripile, apprenez que cette évolution a commencé bien avant votre naissance. En fait, elle était contenue en germe dès la naissance du livre.