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Itinéraire d’un lecteur gâté : Readwise & Obsidian

Sixième épisode

Épisode 6 Podcast

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Dans l’article précédent, nous avons expliqué que nous étions parvenu à un point fondamental dans la description de l’écosystème que constitue la lecture numérique laquelle se fait, le plus souvent, par le truchement de ce petit iPad et parfois encore via ma liseuse qui s’accommode décidément bien mieux que ma tablette de l’éclat du soleil lorsque je lis sur une terrasse.

Cette expérience de lecture dont vous lisez aujourd’hui la sixième partie est d’ailleurs assez curieuse à définir ou du moins à représenter. On a pu en effet voir avec la Kindle que son interface en apparence sommaire voire pauvre était en fait le résultat de la volonté affirmée de faire disparaître l’interface, ce dont témoigne cette conférence assez ancienne de Jeff Bezos que vous pourrez regarder sur YouTube et dans laquelle il explique

we really wanted to capture what we thought was the essential element of the physical book which is that the book disappears. It disappears in your hands. You aren’t thinking about the glue and the paper and the ink. All those things go away. And what remains is the author’s world. 1

Il s’agit donc de faire disparaître le livre lequel fait apparaître à son tour le monde de l’auteur. Intéressant, non ? Mais tout aussi intangible que cette interface transparente sont ces applications qui vont enrichir l’expérience utilisateur du lecteur, le livre ne constituant qu’une étape dans ce processus de transmission qui mène de la pensée de l’auteur à celle de son lecteur.

Or nous avons mentionné combien ce processus pouvait s’avérer fragile, volatile et éphémère. Nous avons heureusement, faute de mots plus convaincants, des méthodes mais aussi des outils qui nous permettent de trouver une solution à ce problème responsable de l’oubli dans lequel sombre la plupart des choses que nous lisons.

De ce point de vue, Readwise et Obsidian tiennent tous deux une place fondamentale dans cet écosystème. Le premier, peut-on lire sur leur blog, agrège tous les passages que vous avez soulignés ou annotés.

Readwise is software built on top of existing reading platforms — such as Amazon Kindle, Apple iBooks, and Instapaper — that conveniently resurfaces all the things you found important while reading. 2

Le second est une application de prise de notes d’un type qui, avec les autres Notion, Roam, Logseq, connaît en ce moment un certain succès. Il se trouve qu’Obsidian est également capable de se synchroniser avec Readwise, et donc de récupérer mes citations favorites et autres passages soulignés.

Voyons comment tout cela fonctionne et comment ces deux applications m’aident à inscrire durablement dans ma petite boîte crânienne le souvenir de mes lectures passées.

Readwise, l’aspirateur à soulignements

Readwise récupère donc tout ce que j’ai souligné ici ou là. Il se synchronise avec à peu près toutes les applications de lecture que vous pouvez connaître : Kindle, Kobo, Books, Instapaper, Pocket, Matter, etc.

L’objectif consiste à capturer ces idées que vous découvrez dans les livres que vous lisez et à faire ressurgir du passé les passages lus et ainsi vous aider à les mémoriser. La porte d’entrée de ce travail de mémorisation commence avec une fonction baptisée Daily review.

Daily review

Je reçois une sélection quotidienne (intitulée donc Daily review) quelque peu aléatoire de passages que j’ai lus, soulignés ou annotés. Vous choisissez : 5, 6, 7 ou 8 ou 10 citations vous seront rappelées soit dans l’application par le biais d’une notification soit par mail. Encore une fois, c’est vous qui choisissez.

C’est, nous dit-on, basé sur la recherche. Cela s’appelle la répétition espacée qui facilite la mémorisation. Justin Reich le résume ainsi dans Failure to disrupt :

[…] people remember things better when they practice recalling them over a long period of time rather than through cramming. If you have a choice between studying for an hour one day before a test or studying for twenty minutes each of the three days before a test, the spaced practice is almost universally better. 3

Il en va de même pendant la lecture. Vous plongez ardemment dans votre lecture pendant une semaine, deux ou trois et puis le livre disparaît de votre vie en tout cas matériellement, même s’il subsiste dans votre esprit, mais, on le sait, son souvenir s’estompe inéluctablement pour le plus souvent s’évanouir complètement.

Heureusement, Readwise se charge de vous aider à garder vivace son souvenir grâce à cette revue quotidienne.

Daily Review

Lors de cette revue, vous pouvez

  • Copier vos citations pour les insérer dans un article, un mémoire, un email…
  • Les partager sur les réseaux sociaux (de jolis modèles proposent de jolies images de vos citations)
  • Les éditer (vous pouvez supprimer un passage, le modifier s’il y a une coquille ou autre chose qui vous gêne)
  • Les annoter pour éventuellement inscrire et retenir durablement ce qui vous intéressait dans ce passage ou préciser ce que vous en pensez
  • Les mettre en favoris (ce faisant, Readwise vous proposera régulièrement ces passages qui vous tiennent à cœur)

Il faut bien comprendre comment une chose aussi simple que Readwise peut relever sinon du miracle du moins de la prouesse technologique. Si l’on voulait faire la même chose avec du papier, cela prendrait beaucoup de temps, et surtout ce ne serait pas « cherchable ». Je ne pourrais pas faire une requête dans Readwise et dire « Donne-moi toutes les citations dans lesquels se trouvent tels mots ».

Mais il y a plus.

Readwise permet de combiner deux passages séparés pour en faire une seule citation. Je suis sûr que vous avez déjà été confronté à ce petit souci. Vous lisez une phrase que vous souhaitez mémoriser. Vous la soulignez, et la fin de la phrase qui vous intéresse se trouve 10 lignes plus bas, et vous n’avez que faire de ce qui se trouve entre deux. Eh bien, Readwise vous procure un moyen de concaténer les deux passages pour en faire une seule citation. Il suffit d’annoter le premier passage et d’ajouter une note dans laquelle vous ajoutez .c1 puis d’annoter le second passage que vous voulez combiner avec le premier en ajoutant .c2.

Concaténer deux passages pour en faire une seule citation

Et il y a encore plus.

Flashcards

On peut même transformer ces citations en flashcards. Cela porte le doux nom d’apprentissage par la maîtrise. Il suffit pour cela de

  1. Sélectionner les mots que vous voulez retenir
  2. Ils sont remplacés par un trou
  3. Plus tard, quand la citation vous est proposée, vous devez deviner les mots manquants
  4. Cliquez sur Révéler la phrase clé pour les afficher
  5. Choisissez enfin la fréquence avec laquelle vous voulez revoir cette citation

Flashcards

Si vous estimez que c’est bon, que la citation est désormais bien connue de vous et que vous n’avez pas besoin qu’on vous la resserve sur un plateau à intervalles réguliers, alors vous pouvez congédier ladite citation et Readwise vous proposera désormais d’autres choses à mémoriser.

Theme Reviewed

On peut aussi avoir plusieurs « reviews » c’est-à-dire qu’on peut personnaliser cette sélection de citations quotidienne. J’en ai à peu près cinq :

  • Daily review bien sûr
  • Une dédiée à la technologie
  • Une autre aux romans
  • Une autre consacrée à l’éducation, etc.
  • Enfin j’ai une boîte de réception provisoire pour stocker les choses sur lesquelles je travaille. J’y place toutes les citations que Readwise fait remonter à la surface et que je sens pouvoir trouver place dans tel ou tel article que j’écris.

Theme Reviewed

Pour que cela fonctionne, il vous faut attribuer des tags à vos citations. Par exemple, tous les passages de romans que je lis portent le tag roman, tous les livres en rapport avec la pédagogie ou l’école ont le tag éducation. On peut faire ça très rapidement en quelques clics. C’est très intéressant, les tags ! Ils vont me permettre de chercher, par exemple, tous les passages soulignés dans les romans que j’ai lus, disons, en français, et donc portant les tags « roman » et « français » et je peux affiner ma sélection en ajoutant les tags « policier » et « historique » pour mettre la main sur les ouvrages relevant à la fois du roman historique et du genre policier.

Les tags dans Readwise

Enfin, de la même manière qu’il est possible de transporter vos soulignements de votre Kindle à Readwise, il est possible d’envoyer tout ce qui se trouve dans Readwise vers Obsidian.

En effet, grâce au plugin Readwise pour Obsidian, il m’est possible de rapatrier tous ces passages dans mon application de prise de notes qui se trouve être par la même occasion mon traitement de texte, et je peux donc les insérer dans ce que j’écris très facilement. C’est le premier bénéfice que j’en tire. Le second est que si je me désabonne de Readwise ou que j’abandonne ma Kindle (ou l’app Kindle se trouvant sur l’iPad), je conserve tout de même mes précieuses citations.

Readwise dans Obsidian

Obsidian

De Readwise à Obsidian

Tout ce que j’ai noté ou souligné se trouve donc dans Obsidian et je peux plonger dans mes notes facilement et rapidement pour retrouver ce que je cherche. Il est alors facile de citer et d’insérer ce contenu dans n’importe quel texte que je suis en train d’écrire (un article de blog, un essai, un livre…).

Tout cela est complété par les notes que je continue à prendre manuellement. Par exemple, quand je lis un ouvrage que j’utiliserai pour mon travail, pour faire une formation ou pour partager une lecture que je souhaiterais recommander, je prends des notes dans Obsidian.

Mon Wikipédia personnel

Ce qui a fait la fortune (ou du moins la réputation) d’Obsidian tient à la capacité de lier les notes les unes aux autres. Cette fonction est souvent rapprochée de la méthode Zettelkasten. Il s’agit, un peu comme dans Wikipédia, de créer un lien menant à une autre note. Pour cela, il suffit de taper dans la Note 1 ceci :

[[Note 2]]

Et sur la note 1 apparaîtra un lien menant à la note 2. On appelle cela les wikilinks. Chaque note peut alors être liée à une autre pour établir des ponts entre les idées.

Le Graph View d’Obsidian (littéralement, la vue graphique) donne une représentation très visuelle de cet ensemble de notes où chaque point représente une note ou un document. Ce Graph view permet également de visualiser les relations entre les notes.

Le Graph view dans Obsidian

C’est en somme mon petit Wikipédia personnel qui donne à voir l’esprit en formation : chercher, lire, noter, conserver, absorber, penser, lier. À ce propos, j’aime bien rappeler l’étymologie du mot intelligence qui vient de inter legere, ce qui signifie faire des liens entre. Je ne sais pas si Obsidian y parvient, mais j’ai le sentiment qu’il me rend plus intelligent au moins étymologiquement quand il me permet de faire des liens entre les choses que je lis, annote et mémorise.

Reste que cette galaxie de notes n’est pas sans me rappeler ce tweet proposant un parallèle entre la lecture et l’écriture via un petit schéma sous lequel est écrit : "Read to collect the dots, write to connect them" 4. Comment ne pas faire le lien entre Obsidian et ses wikilinks d’un côté et l’activité d’écriture qui chez moi se déroule dans la même application où j’écris mes tutoriels, essais, newsletters et autres articles de blog ? et qui est le témoignage tangible de ce mouvement de l’esprit qui va de la lecture et à l’écriture en un seul espace, car, vous l’aurez compris, ma machine à lire est aussi ma machine à écrire. Cette double machine est aussi la reconnaissance sans cesse renouvelée de ce que je dois à autrui, de ce que je puise dans mes lectures, que j’absorbe et assimile et fais mien.

Read to collect the dots, write to connect them

Après tout, nous ne sommes que des nains juchés sur des épaules de géants, n’est-ce pas ? Ou pour le dire comme Stanislas Dehaene dans La plus belle histoire de l’intelligence :

C’est Newton qui aurait dit : « J’ai vu loin parce que je suis monté sur les épaules de géants. » Peut-être aurait-il dû dire : « Je suis monté sur une pyramide de nains. » Nous sommes tous des nains, mais l’effet cumulatif de la culture humaine nous porte vers le haut.

Notes

1 : « nous voulions vraiment capturer ce que nous pensions être l’élément essentiel du livre physique, à savoir que le livre disparaît. Il disparaît dans vos mains. Vous ne pensez plus à la colle, au papier et à l’encre. Toutes ces choses disparaissent. Et ce qui reste, c’est le monde de l’auteur. »
2 : « Readwise est un logiciel qui s’ajoute aux plateformes de lecture existantes – comme Amazon Kindle, Apple iBooks et Instapaper – et qui permet de faire réapparaître de manière pratique toutes les choses que vous avez trouvées importantes pendant votre lecture. Cela interrompt le processus naturel d’oubli et crée des occasions répétées de faire quelque chose de ce que vous avez lu. »
3 : « les gens se souviennent mieux des choses lorsqu’ils s’entraînent à les rappeler sur une longue période plutôt qu’en bachotant. Si vous avez le choix entre étudier pendant une heure un jour avant un examen ou étudier pendant vingt minutes chacun des trois jours précédant l’examen, la pratique espacée est presque universellement meilleure. »
4: « Lire pour rassembler les points, écrire pour les relier »

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Itinéraire d’un lecteur gâté : Conserver, trier, retrouver, mémoriser & partager

Cinquième épisode

Épisode 5 Podcast

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Comme nous l’expliquions précédemment, nous atteignons à présent un point essentiel. Je dirais même que c’est la clef de voûte de l’édifice que représente cette machine à lire qu’est l’iPad, et il nous faudra bien deux parties pour en venir à bout.

Car il faut bien le reconnaître, les avantages que l’on a identifiés comme étant l’apanage du dispositif numérique, qu’il s’agisse de la liseuse ou de la tablette, ne sauraient se résumer à des questions de poids ou d’accès facilité à un dictionnaire que l’on aurait la paresse d’aller consulter. Ce n’est même pas le fait de l’avoir avec soi partout, tout le temps. Non, ce n’est pas non plus tous ces modes de lecture autrement disparates dont nous avons parlé longuement la dernière fois. Non, il y a autre chose.

Il y a plus.

Disons-le tout de go, ce plus réside dans la capacité de la technologie à nous donner les moyens de vaincre l’Ennemi, le monstre que tout lecteur se doit d’affronter, cette inéluctable érosion de ce que nos faibles cerveaux engrangent à longueur de temps et que j’appelle plus prosaïquement le syndrome du poisson rouge ou pour le dire encore plus platement, l’oubli.

Oui, je suis sûr que, comme moi, vous souffrez de ce mal que vous peinez à avouer ou alors honteusement. Vous ne mémorisez rien. Vous oubliez tout, et c’est normal.

La courbe de l'oubli

Selon cet article de Wikipédia, la courbe de l’oubli montre que les informations retenues diminuent de moitié après chaque jour. Dès lors, à quoi servent toutes ces heures de lecture si tout sombre et disparaît dans les limbes de notre esprit ? Parfois les gens rient de ce qu’ils n’ont rien retenu de ce que l’école enseigne, mais peut-être vous dites vous que vous en avez quand même profité pour former votre esprit critique (qui ne se souvient de rien mais qui est maintenant capable de penser) ou vous vous dites que c’est ainsi que vous avez obtenu un travail (et que c’est en somme un mal nécessaire).

On dit souvent qu’il reste quand même toujours quelque chose (vous savez le fameux la culture c’est ce qui reste quand on a tout oublié), mais je ne veux pas qu’il reste quelque chose. Je veux pouvoir garder vivaces, utilisables, mobilisables ces connaissances que j’ai accumulées. Je veux me souvenir de ce que j’ai lu, de ce que j’ai parfois péniblement trouvé, de ce que j’ai des fois eu du mal à comprendre et qui m’a donc demandé des efforts. En fait, j’attends un petit peu une sorte de retour sur investissement. Un esprit mesquin ajouterait que, vu ce que j’ai payé en matière de tablettes et de liseuses, il est normal que j’espère un retour, même minime.

Enfin, bref, pour lutter contre le syndrome du poisson rouge, j’utilise toute une flopée d’applications afin d’éviter que ma mémoire ne ressemble à un vaste désert dont il ne reste que de minces bribes de lecture (dans le meilleur des cas).

Things

L’application à laquelle tout le monde pense, quand il s’agit de retenir quelque chose, est probablement l’application du type gestionnaire de tâches appelée aussi « to-do list apps ». Sur l’iPad, il y a bien sûr l’application Rappels, mais j’utilise Things que je trouve diablement élégant et dont l’organisation me convient.

Things

Sur la capture d’écran ci-dessus, vous pouvez voir une liste d’ouvrages que je souhaite lire. Ils sont classés selon qu’ils appartiennent à tel ou tel genre littéraire. Je peux noter différentes choses (comme le nom de la personne qui m’a conseillé tel livre ou le lien y menant), je peux ajouter des tags me permettant de retrouver l’ensemble des œuvres portant sur tel domaine, inclure des dates, etc.

Things et les tags

Mais en fait se retrouvent dans Things, les recommandations ou idées de lecture qui ont passé la barrière d’une première sélection. Ce sont les lectures à faire si possible dans un futur assez proche et si ce futur est assez urgent, alors j’inclus une date butoir et donc un rappel. Pour tout le reste, eh bien, cela se passe comme suit.

Goodreads, GoodLinks et les autres

J’utilise les quatre applications suivantes pour mémoriser, trier, retrouver et partager le fatras de mes lectures quotidiennes. À qui s’étonnerait de trouver autant d’applications pour simplement organiser ses lectures ou de vulgaires liens glanés sur le net, je dirais tout d’abord ceci.

J’en suis venu à prendre en haine la multitude d’onglets ouverts dans mon navigateur. D’abord, ils me procurent une culpabilité à la limite du supportable. Je les vois s’empiler tout en sachant que je n’aurai probablement pas le temps de les consulter avant longtemps. De surcroît, les saligauds me bouffent une mémoire vive hallucinante. Nos ordinateurs sont aujourd’hui plus puissants que ceux qui ont permis d’aller sur la lune et c’est tout juste si on peut ouvrir deux apps Electron et 10 onglets dans Chrome ! Alors dès que je peux, je suis sans pitié avec l’onglet. Je le ferme ! Mais je veux quand même tirer toute la substantifique moelle des idées que le pauvre onglet promettait d’offrir. Alors j’ai recours aux applications ci-dessous.

Goodreads GoodLinks Surfed Dynalist
Réseau social servant essentiellement à enregistrer l’avancée de ma lecture et à découvrir ce que les autres lisent. Sorte de boîte de réception accueillant tous les liens que j’ouvre quotidiennement, en attente d’être lus, analysés, organisés, etc. Tout mon historique de navigation qu’il est possible de trier automatiquement, taguer ou analyser. Site web permettant de faire des listes au format Markdown et de les partager.

Goodreads

Si je ne dis pas n’importe quoi, Goodreads appartient à Amazon. C’est un réseau social dédié à la lecture dont je n’utilise probablement pas le quart des fonctions mais qui me plaît pour les raisons suivantes :

  • J’aime à découvrir ce que lisent les autres (et je peux vous dire qu’ils ne sont pas nombreux, les utilisateurs que je connais et qui me connaissent sur Goodreads. Venez s’il vous plaît !)
  • J’aime encore plus (on a de ces petits plaisirs qui viennent comme ils peuvent) à indiquer la progression de ma lecture, et cela m’amuse encore plus, de temps en temps, de me dire « Ah ! Tiens ! C’est vrai ! J’ai lu ça en septembre 2017 ! »
  • J’aime moins, parce que je perds systématiquement, m’imposer un petit challenge : lire cette année 30 livres, l’année prochaine quarante, etc.

Pour ma défense, je ferais valoir que, souvenez-vous du précédent épisode, la lecture n’est pas que livresque, que je lis énormément de choses sur le web, que mon abonnement au New York Times m’invite à lire pleins d’articles passionnants et que pour toutes ces raisons et plein d’autres encore, je peine à honorer les défis que je m’impose.

Goodreads

GoodLinks

C’est mon réceptacle à liens. J’ai ouvert une page dont je ne sais que faire (enfin je veux dire par là, une page qui présente un certain intérêt mais que mon esprit excessivement sollicité échoue à traiter dans l’immédiat) ? Direction GoodLinks. J’aimerais beaucoup me rassasier de toutes les fonctionnalités que l’app offre, mais outre la sauvegarde des articles pour une lecture hors ligne, je n’utilise vraiment que les tags qui me permettent d’obtenir un semblant de rangement dans cette succursale de Safari dans laquelle patientent ces articles que j’ai butinés.

GoodLinks

Vous trouverez peut-être quelques-unes de ces fonctions intéressantes parmi lesquelles la possibilité d’exporter le texte au format PDF ou Markdown ou la possibilité de créer des raccourcis et automatiser certaines actions, ce qui peut se faire également avec Apple Script. Nous en reparlerons.

Il y a tout de même une fonction que je devrais davantage utiliser et je ne comprends pas trop pourquoi je ne m’en sers pas plus souvent. Ce sont les URL Scheme. En gros, chaque article possède un lien. Je ne parle pas du lien menant à l’article sur internet mais à un lien qui, quand on le clique, mène à l’article sauvegardé dans GoodLinks même. Par exemple, le lien qui mène à l’article que vous pouvez voir sur la capture d’écran ci-dessus est

goodlinks://x-callback-url/open?id=00bfb5d1a27021b7e26425c26bcaec55

Cela signifie que je peux créer un rappel dans Things et indiquer une date limite pour lire tel article. En cliquant sur le lien, cela lancera automatiquement GoodLinks, lequel affichera l’article à lire, même si j’ai zéro connexion, ce qui arrive de moins en moins souvent, il est vrai.

Things URL

Surfed

J’ai découvert récemment Surfed qui n’est en apparence qu’une banale application enregistrant tout l’historique de navigation, mais en l’ouvrant on voit rapidement que c’est bien plus que ça.

Surfed

D’abord, l’application se synchronisant avec iCloud, c’est tout mon historique de navigation que je retrouve quel que soit l’appareil que j’ai utilisé. J’utilise surtout les « Smart Collections » qui sont un moyen très pratiques d’organiser mon historique. Vous pouvez en ajouter en sélectionnant celles qui ont déjà été créées pour vous ou les créer vous-même. Pour ma part, j’en utilise pour le moment quatre qui classent automatiquement les liens en rassemblant par exemple tous ceux menant à Amazon ou tous les liens menant à feu Twitter. Quand on fait un peu d’archéologie dans son historique, c’est très pratique.

On peut faire bien d’autres choses encore, mais ayant découvert l’app il y a peu, je n’ai pas pris le temps de me familiariser avec ses fonctions. La liste est vraiment impressionnante et mérite qu’on s’y attarde, notamment en matière d’automatisation. On trouve, entre autres, ce qui s’appelle les « Web Trigger». Là encore, un catalogue vous permet d’aller puiser dans ceux qui sont déjà construits, mais vous pouvez construire les vôtres. Cela ouvre des possibilités intéressantes. Par exemple, si vous activez le Web Trigger Copy HTML Link, pour chaque page que vous visitez, sera copié dans le presse papier l’URL et le titre sous la forme d’un lien HTML, comme ceci :

<a href="https://www.convai.com/">Convai - Conversational AI for Virtual Worlds</a>

Si vous avez beaucoup de liens à partager, écrivez un article de blog ou une newsletter, ça peut vous faire gagner un temps considérable.

Dynalist

Quand j’ai trouvé un article ou une ressource et que je souhaite justement la partager, je la place dans une liste que je génère avec Dynalist. J’en ai un peu pour tout et vous voyez ci-dessous, par exemple, ma liste dédiée à l’intelligence artificielle. Dynalist est un site web dont les auteurs ne sont autres que ceux d’Obsidian, dont il sera bientôt question. Il existe également une app pour iPad et iPhone.

Dynalist

Je ne peux pas expliquer pourquoi je continue à la préférer à l’excellent Raindrop, mais c’est ainsi et cela peut toujours changer. En tout cas, sachez qu’on ne manque pas d’options dès lors que l’on veut sauvegarder, organiser et partager ses trouvailles sur le net. Un point important en faveur de Dynalist est que la personne accédant à votre liste peut à son tour en copier le contenu et l’intégrer dans sa propre liste. C’est ce que j’appelle un vrai partage.

Ce petit panorama d’applications ne serait pas complet sans l’application qui a bouleversé mon rapport à lecture (oui, oui, n’ayons pas peur d’un peu d’emphase) et qui a pour nom Readwise. Seulement, si je ne veux pas donner à cette section une longueur démesurée, il me faut arrêter là et consacrer un article tout entier à cette application.

Je vous donne donc rendez-vous la semaine prochaine et nous parlerons, non sans trémolos dans la voix, de Readwise d’une part, mais aussi d’Obsidian d’autre part que j’utilise conjointement.

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Lecture Technologie

Itinéraire d’un lecteur gâté : Applications de lecture et widgets

Quatrième épisode

Épisode 4 Podcast

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Nous avons vu que l’iPad mini était une machine de faible encombrement et que grâce à la protection qui opacifie l’écran, on n’est plus gêné par les reflets sur la vitre et que de multiples réglages vous offrent la sérénité à laquelle vous aspirez en quelques clics. Nous avons enfin parlé de Dark Noise, et c’est la seule application que j’ai mentionnée jusqu’ici, mais ô combien précieuse !

Voyons à présent quelles sont ces autres applications peuplant cet iPad, celles-ci consacrées à la lecture.

La lecture, une activité protéiforme et fragmentée

On assimile la lecture à celle des livres, mais la réalité est qu’on lit aussi beaucoup sur internet (la presse par exemple), qu’on y télécharge des documents comme des PDF (des rapports, des comptes-rendus…) et qu’avant même tout ça, on a pu commencer sa veille par aller faire un tour sur son réseau social favori, si tant est qu’une telle chose existe encore aujourd’hui. La lecture est donc une activité protéiforme et fragmentée.

Je suis sûr que cela désespérerait Montesquieu qui disait des livres dans les Lettres Persanes :

la nature semblait avoir sagement pourvu à ce que les sottises des hommes fussent passagères ; et les livres les immortalisent.

Mais qu’importe !

De cette activité protéiforme et fragmentée, j’ai longuement parlé lors de ma conférence à Ludovia à Papetee, ce que vous pouvez voir sur la diapositive ci-dessous, et vous pouvez aussi vous infliger mon babillage si le cœur vous en dit en regardant cet enregistrement.

Présentation Papetee

Quoi qu’il en soit, et fort heureusement, mon iPad est un appareil syncrétique. Il me procure un accès aux livres, au web, aux PDF ainsi qu’aux réseaux sociaux, ce que le tableau ci-dessous montre en indiquant les applications utilisées à cet effet.

Livres Web PDF Réseaux sociaux
Kindle Safari PDF expert LinkedIn
Books Reeder X
Google Play Books Readwise reader Threads
Mastodon
Bluesky

Passons tout cela brièvement en revue.

Lire des livres sur l’iPad

Disons-le d’emblée, l’essentiel de mon activité de lecture passe par l’application Kindle. L’application Books d’Apple ou Google Play Books me servent occasionnellement, mais très rarement.

App Kindle

Il existe de très nombreuses applications permettant de lire des livres numériques (lesquels sont maintenant pratiquement tous au format ePub), mais la raison qui me pousse à utiliser l’application Kindle est tout simplement que je possède une liseuse Kindle, et que

  1. Ma lecture est synchronisée entre tous mes appareils. L’étourdi que je suis a toujours au moins avec lui son téléphone et je peux reprendre ma lecture là où je me suis arrêté si c’est tout ce dont je dispose.
  2. La liseuse Kindle possède dans ses entrailles un fichier intitulé My clippings. Il est au format texte (.txt) et contient l’ensemble de mes annotations et des extraits que j’ai soulignés. Nous en reparlerons, mais c’est là un élément essentiel de mon adoption du numérique.

Les avantages sont ceux que j’ai mentionnées dans la partie intitulée De la liseuse à l’iPad. Il me semble juste que l’accès au dictionnaire, à la traduction ou à Wikipédia sont plus rapides, car l’iPad est une machine plus puissante que la liseuse.

Lecture du web

Trois applications se tirent la part du lion.

Safari

Sur mon iPad dédié à la lecture (ma machine à lire), j’ai certes supprimé de nombreuses choses, mais j’ai gardé un navigateur, qui me permet de faire quelques recherches et de lire quelques articles. À dire vrai, à moins que cette lecture ne soit l’aboutissement d’une recherche qui a commencé avec justement un moteur de recherche, la lecture sur le web passe essentiellement par les flux RSS ou les réseaux sociaux.

Reeder

Si ces trois lettres ne vous disent rien, voici une brève définition :

Un fil ou flux RSS (acronyme de Really Simple Syndication) est une technologie de veille informationnelle qui détecte les dernières nouveautés ajoutées dans un site Internet et permet d’être avisé dès qu’ils sont mis à jour par le biais d’un fichier XML. Vous pouvez ensuite accéder au contenu d’un fil RSS par la voie d’un lecteur RSS ou d’un agrégateur.

C’est très pratique. Au lieu d’aller parcourir vos 24 sites web préférés, vous utilisez un lecteur de flux RSS qui vous présente toutes les nouveaux articles de vos sites webs préférés.

Pour ce faire, j’utilise Feedly, mais comme je ne suis pas un grand fan de leur application, j’utilise Reeder. Mais que ce soit pour Safari ou Reeder, ma fonction préférée est le mode lecteur. À dire vrai, elle appartient avant tout à Safari, mais elle se retrouve dans toute application intégrant le navigateur d’Apple.

En activant le mode lecteur (Reader View en anglais), on

  • Supprime le menu de navigation, les publicités et autres distractions
  • Obtient uniquement le texte et les illustrations s’il y en a
  • Bénéficie du mode sombre si on le souhaite et de quelques réglages supplémentaires de mise en page

Lisez, par exemple How to enable Reader View automatically for websites in mobile and desktop Safari, si vous souhaitez en apprendre davantage. De cet article, j’ai retenu que l’on pouvait activer le mode lecteur automatiquement. Par exemple, si vous ne voulez jamais vous infliger les choix esthétiques du Monde ou de Libération, vous pouvez arriver directement sur une mise en page épurée qui ne sera pas sans vous rappeler le papier.

Mode lecteur

Évidemment, je me suis empressé d’activer automatiquement le mode lecteur dans Reeder 5. Ainsi, le site à consulter apparaît rapidement dans une mise en page sombre et virant sans vergogne tout ce qui n’est pas l’article lui-même.

Si vous souhaitez reproduire la chose, suivez les étapes ci-dessous.
Reeder Mode lecteur

PDF Expert

Durant mes pérégrinations sur le world wide web, il n’est pas rare que j’ai la chance de tomber sur le dernier rapport de l’UNESCO. Pour lire ces 400 pages inattendues qui arrivent toujours au moment où le désœuvrement vous offre le plus de loisir d’avaler le pensum de vos rêves, j’ai recours à l’application PDF Expert.

PDF Expert

C’est une merveilleuse application qui présente tout ce dont vous pouvez rêver et qu’Adobe se propose de vous vendre (enfin louer) assez cher. Récemment l’entreprise ukrainienne est passée à l’abonnement. Aujourd’hui, chez Apple, on ne veut quasiment plus rien vous vendre, mais vous le louer, ce qui est bien compréhensible. Pourquoi acheter une fois quand on peut le faire tous les mois ? Comme je suis un utilisateur de longue date, je bénéficie de fonctions que j’avais auparavant achetées. Je n’ai pas accès à l’inévitable intégration de l’intelligence artificielle, mais comme j’ai déjà un abonnement à chatGPT, je n’en ai pas vraiment besoin.

Reste que souligner et annoter les passages importants et les retrouver sur tous ses appareils est l’une des innombrables possibilités offertes, pardon vendues, pardon louées par PDF Expert.

Readwise Reader

Par le passé, j’ai eu recours à de nombreuses applications du type read-later :

J’ai retenu Readwise Reader, ce que je vous expliquerai plus en détail ultérieurement, mais retenez pour l’instant que comme le mode lecteur de Safari, Readwise Reader ou tout type d’application de ce genre vous permet de lire un texte et rien que le texte, c’est-à-dire une version épurée de tout ce qui abîme aujourd’hui le web et qu’on nomme pop-up, cookies, publicités, menus, commentaires, suggestions, etc. Et de cela aussi nous parlerons bientôt.

Readwise

Je sauvegarde dans Readwise Reader les articles que j’ai glanés dans Safari ou mes flux RSS et dès que je vois que cette lecture prend un certain temps ou que l’article mérite d’être sauvegardé, soit pour une lecture hors ligne (rien de tel qu’un voyage en avion pour rattraper son retard), soit pour être conservé car le web est volatile et les ordinateurs sont de vrais cimetières à favoris, marque-pages ou je ne sais quel nom on leur donne ici ou là, bref dès que je vois, disais-je, que je vais lire longtemps ou qu’un article est digne d’être enregistré, je recours à Readwise Reader. Enfin, cerise sur le gâteau, en procédant ainsi, je vais pouvoir souligner, comme avec l’application Kindle, tous les passages que je veux mémoriser ou garder et les annoter au besoin.

Readwise

Comme je l’ai dit plus haut, il existe de nombreuses autres fonctionnalités que nous évoquerons plus tard. En tout cas, les applications du type read-later, après une longue traversée du désert, semblent être revenues à la mode et un petit nouveau, Omnivore, me fait de l’œil. L’application est open source et gratuite (pour l’instant). Affaire à suivre.

Il nous reste les réseaux sociaux, qui sont une source d’informations considérables (n’ayons pas peur des portes ouvertes) et qui constituent de ce fait un passage obligé pour tout lecteur.

Les réseaux sociaux

Il fut un temps où Twitter constituait ma principale source d’information. J’y possédais des listes qui étaient des trésors en la matière et puis Elon Musk s’est décidé à débourser des milliards pour casser son joujou, le rebaptiser d’un nom ridicule et provoquer une diaspora inédite qui mène les uns sur Mastodon, les autres sur BlueSky, etc.

De fait, aujourd’hui, j’utilise un peu tout ça : Bluesky, Mastodon, Threads, X, LinkedIn.

Les réseaux sociaux

Pour continuer à enfoncer quelques portes ouvertes, je dirai que les réseaux sociaux sont un espace où on fait de belles découvertes, et je fais le plein d’idées qu’il me restera à expliquer comment je stocke dans un article à venir.

Mon expérience de lecteur ne s’arrête pas là. Il y a évidemment plein d’autres applications, parmi lesquels on trouvera notamment Apple News que je ne fréquente pas suffisamment ou l’application du New York Times. Oui, je tiens à dire que j’ai gagné un abonnement au New York Times. Je crois que c’est la première fois que je gagne quelque chose dans ma vie et je m’empresse donc de le dire à tout le monde : j’ai gagné un abonnement au New York Times.

Mais il n’y a pas que le New York Times (pour lequel j’ai gagné un abonnement), il y a aussi les widgets.

Les widgets

Les widgets sont assez anciens dans le monde Android, moins dans le monde Apple.

Comme le dit le site de la pomme,

Avec les widgets, vous obtenez des informations opportunes de vos applications préférées en un coup d’œil sur votre écran d’accueil, votre écran verrouillé ou l’affichage du jour.

widgets.png

J’y vois une parfaite occasion de combler une lacune de mon petit univers dédié à la lecture en créant une sorte de kiosque numérique. C’est comme si je pouvais flâner dans les rayons et me saisir d’un journal ou d’un titre. Aucune app à ouvrir. On l’a vu, c’est accessible même sur l’écran verrouillé. Certains widgets en cachent même d’autres, et je peux ainsi les « feuilleter ». Certains de ces widgets sont juste des liens menant à des flux RSS, à des articles mis en avant par Apple News. D’autres extraient des citations de livres ou d’articles que j’ai lus, etc.

Ceux que vous apercevez sur la capture d’écran ci-dessous ont une fonction bien pratique. Le premier puise dans l’application GoodLinks (dont il sera question bientôt) un article au hasard. Il permet de lutter contre l’oubli dans lequel ce type d’application peut les jeter. Le second est le widget de l’application Kindle et affiche le livre que je lis en ce moment. Il est cliquable et me mène directement au livre que je lis quotidiennement.

J’aimerais juste que le New York Times propose davantage de widgets. Certaines applications sont très généreuses et en proposent de toute taille offrant différentes possibilités. Malheureusement, celui du New York Times est un tout petit widget donnant à voir les titres les plus importants du moment, et j’aimerais bien bénéficier de davantage d’options.

Deux widgets

Nous allons à présent entamer un chapitre essentiel, le point d’orgue de la construction de ma machine à lire et intitulé Conserver, trier, retrouver, mémoriser.

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Lecture Technologie

Itinéraire d’un lecteur gâté : confort de lecture et concentration

Troisième épisode

Épisode 2 Podcast

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Au risque de décevoir les courageux lecteurs qui se sont aventurés jusqu’ici, nous ne commencerons pas par le commencement, lequel serait : pourquoi l’iPad ? Qu’y trouve-t-on qui justifie son adoption ? Qu’y trouve-t-on qu’on ne trouve pas sur une liseuse ?

Cet insoutenable suspense ne sera résolu que dans les articles à venir.

Non, pour commencer, j’aimerais dire comment l’iPad peut parfaitement être utilisé pour la lecture ou pour le dire autrement je voudrais expliquer de quelle façons l’iPad est devenu la machine principale me procurant un accès à la lecture, alors que la chose ne va pas de soi. Il y a là en effet un certain paradoxe à affirmer qu’une telle tablette peut être le support approprié à une pratique nécessitant confort et concentration, lesquels seraient l’apanage du papier voire de la liseuse.

ipad.png

Il vous faut tout d’abord savoir que j’ai opté tout récemment pour l’iPad mini. Son écran de 7.9 pouces en fait un appareil à peine plus grand qu’un livre et est parfaitement maniable d’une seule main. Je sais bien que les livres qu’on lit d’une seule main ne sont pas spécialement recommandables, mais d’une part, je crois comprendre que les sites comme Pornhub ont déclassé les livres érotiques et que d’autre part, la taille et le poids sont des facteurs non négligeables pour le grand lecteur que vous êtes. Si de surcroît, vous êtes un grand voyageur, vous savez de quoi je parle.

Bref, j’ai fait l’acquisition d’un iPad et j’ai enlevé la plupart des applications qui ne servaient ni à la lecture (quelle qu’elle soit) ni à la prise de notes ou au partage.

La protection de l’écran

L’iPad a toutefois un inconvénient (de taille celui-ci). Il est affublé d’une vitre qui vous poignarde les pupilles d’incessants reflets. Raison pour laquelle mon premier achat a été une protection opacifiant l’écran comme celle-ci. L’écran protecteur de Moshi a le bon goût de conserver ses propriétés collantes, ce qui fait que non seulement on peut le retirer, le laver et même le remettre en place. Il améliore le sentiment au toucher quand on utilise un stylet et je me demande, en écrivant ces lignes, pourquoi je n’ai pas encore fait l’acquisition d’une protection similaire à mettre sur l’écran de mon Mac.

Nous avons maintenant éliminé les reflets, mais quid de la luminosité de l’écran ? Évidemment, vous pouvez diminuer celle-ci. Rien n’est plus simple. Cela se fait même automatiquement (il y a « un capteur de lumière ambiante pour ajuster les niveaux de luminosité en fonction des conditions d’éclairage ambiantes », explique Apple). Mais le soir ? N’est-on pas aveuglé par la lumière de l’écran et ses innombrables LED malgré le travail réalisé par ledit capteur ?

Night Shift et le mode sombre

En fait, le soir, un processus qui se déroule en deux temps protège mes yeux. Le premier se déroule automatiquement. Il s’appelle, en anglais, Night Shift. Le second est le mode sombre.

Night Shift

Chez moi, Night Shift est programmé pour commencer à 19 heures. Selon Apple,

Ce mode adapte […] automatiquement les couleurs de votre écran pour afficher des tons plus chauds. Le matin, l’affichage reprend naturellement ses réglages par défaut.

C’est nettement moins aveuglant. Du coup, je l’utilise le matin également au réveil pour ne pas être heurté par une lumière trop crue.

Le petit frère (ou le cousin) de Night Shift s’appelle True Tone.

Non seulement True Tone réduit la fatigue oculaire, mais il adapte également la température de couleur et l’intensité de l’affichage de votre appareil à la lumière ambiante de votre environnement. Cet article d’iMore nous explique la différence.

Night Shift ajuste le point blanc de votre écran et est destiné à être utilisé la nuit, lorsque la lumière naturelle est faible et que la fatigue oculaire due à la lumière blanche de l’écran est plus importante.
True Tone fait à peu près la même chose. Mais contrairement à Night Shift, pour lequel vous définissez une seule préférence de température de couleur, True Tone fonctionne de manière dynamique. C’est comme Night Shift avec intelligence et nuance. Alimenté par un capteur multicanal, True Tone fonctionne tout au long de la journée en ajustant dynamiquement la température, l’intensité et le pourcentage de lumière blanche sur l’écran de votre iPhone, iPad ou MacBook Pro en fonction de l’environnement dans lequel vous vous trouvez. L’objectif est de rendre les ajustements de l’écran de votre appareil plus naturels, avec un effet similaire à celui que l’on obtient en plaçant une feuille de papier blanc sous différents types de lumière.
(Why you should use True Tone on your iPhone, iPad, or MacBook Pro)

Le mode sombre

Le mode sombre procure plusieurs avantages. Tout d’abord, l’affichage d’une page blanche ne m’aveugle pas. Ensuite, ma tablette n’agit pas comme un phare dans la nuit, éclairant tout dans le balayage du faisceau qu’elle projette et réveillant ainsi la personne qui s’efforce de dormir à mes côtés. Enfin, le mode sombre (en tout cas, c’est ce que je comprends) élimine (tout ou partie, je ne sais pas exactement) la fameuse lumière bleue qui fait couler plus d’encre qu’elle n’affecte mon sommeil 1.

Comme je ne sais jamais quand j’aurai besoin du mode sombre, j’ai créé un raccourci me permettant de basculer d’un mode à l’autre, effectuant en un clic plusieurs actions. Par exemple, de jour, on s’assure que Night Shift est activé, True Tone également alors que pour le mode sombre, on sera en mode silencieux, la luminosité sera à 50%, etc.

Le mode concentration

L’argument que brandissent les contempteurs des « zécrans » et autres adorateurs du livre papier, c’est que la tablette contient moult distractions qui vous empêchent de vous concentrer sur l’ouvrage qu’autrement vous liriez avec cette intensité qui vous fait, en temps normal, avaler tout Schopenhauer en quelques heures.

Comme si lire sur papier ne vous empêchait pas d’être distrait par la jolie fille qui passe devant vous ou même, plus banalement hélas, par l’inopportune mouche qui s’évertue à vous taquiner ! On objectera que si en plus on reçoit des notifications en permanence (vous avez reçu un mail vous avertissant d’une promotion imminente sur des chaussures), on n’est pas prêt de finir Schopenhauer !

Rappelons que l’on peut désactiver tout ou partie des notifications et qu’Apple a peaufiné son mode Ne pas déranger rebaptisé en Mode concentration lequel peut être customisé selon ses besoins. J’ai ainsi un mode lecture qui se déclenche automatiquement quand je lis. Plus aucune notification ne me parvient, plus aucun badge n’apparaît sur les icônes des applications. Certains écrans n’apparaissent plus et n’affichent donc plus certaines applications.

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Avant de terminer ce troisième article, je voudrais mentionner une autre forme de distractions pour laquelle mon iPad m’a apporté une solution inattendue.

Dark Noise

J’aime lire un peu partout. J’aime lire dans le métro. J’aime lire dans la salle d’attente du médecin. J’aime lire dans des cafés. Malheureusement, on se trouve toujours à côté d’une personne hurlant sa conversation au téléphone ou d’une autre qui est parvenue à économiser 1200 euros pour acheter un iPhone 15 Pro Max mais pas 10 pour acheter des écouteurs. Ou alors dans le café il y a le dernier morceau nullissime de musique diffusé par des individus qui vouent une haine implacable au silence.

Ne pouvant et ne voulant pas vivre une vie de moine, étant donc obligé de renoncer aux joies de la vie monacale pour goûter aux plaisirs de la lecture, il me fallait soit renoncer à lire dans les lieux publics, soit trouver une solution en sachant que (souvenez-vous de la mouche susmentionnée) la moindre chose me perturbe.

C’est là que j’ai découvert l’application Dark Noise. J’ai tout d’abord pensé à une blague. En gros, des personnes l’utilisent pour se détendre ou s’endormir. Au choix, on peut écouter une berceuse ou une tondeuse à gazon. Mais on peut aussi écouter et combiner toutes sortes de bruits. J’ai par exemple un mix de pluie qui tombe, d’éclairs que l’on perçoit au loin et du ressac de la mer (« Homme libre… »). On me l’aurait conseillé que j’aurais ri au nez de l’impertinent, mais il se trouve que ça marche. C’est un bruit suffisamment discret pour occulter les nuisances sonores et pas assez « signifiant » pour me distraire (je ne peux pas écouter de la musique pour travailler par exemple). Joints à l’annulation de bruit de mes écouteurs, je jouis d’une quiétude quasi totale tant pour travailler que pour lire.

Parfois, alors que je descends de la rame de métro, je prends subrepticement conscience que j’ai gardé mes écouteurs qui me bercent au doux bruit de la marée, et que j’évolue dans une bulle où persiste le souvenir des dernières lignes que j’ai lues.

Voilà ! Nous sommes arrivés au terme de cet article. Dans le suivant, nous parlerons des nombreuses applications de lecture qui occupent l’écran d’accueil de cet iPad mini.

Notes

1 : En tout cas, l’on sait que les lunettes que l’on vend plus cher pour contrer ses effets ne servent à rien (lire Blue-light glasses may not reduce eye strain from screens, study says – The Washington Post ). Au reste, si l’on en croit cet article, « Le mode sombre est en effet capable de réduire à néant la lumière bleue affectant la rétine. » (Smartphone : le mode sombre est-il vraiment bon pour nos yeux ?). Cela semble en partie confirmé par l’académie américaine d’ophtalmologie qui affirme que cela diminue la lumière bleue : "Because blue light has been proven to affect the body’s circadian rhythm, our natural wake and sleep cycle, limiting screen time to one to two hours before bed and using night mode on electronic devices is a good idea for minimizing blue light exposure affecting our ability to fall asleep." (Should You Use Night Mode to Reduce Blue Light?).

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Itinéraire d’un lecteur gâté : De la liseuse à l’iPad

Deuxième épisode

Épisode 2 Podcast

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Et enfin vint la liseuse

La liseuse est entrée dans ma vie, si ma mémoire ne me joue pas des tours, en 2014.

Rien ne nous destinait à nous aimer. Tout nous opposait ou presque. Je ne lisais que des livres sur papier et je trouvais les liseuses moches. J’aimais les rayonnages des bibliothèques et la dématérialisation des livres me semblaient une bizarrerie que je n’essayais pas même d’interroger.

Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé. Peut-être, comme on se prend d’affection pour un affreux bâtard au poil roussi, on peut s’emmouracher d’un truc laid fait de plastique bon marché dont l’écran n’affiche qu’un maigre dégradé de noir et blanc.

Pourtant c’est probablement cela qui a fait que cet appareil est devenu si important dans ma vie de lecteur : une interface dont la pauvreté ne résultait pas de médiocres choix ou performances technologiques, mais dont la simplicité était voulue. Il s’agissait de faire oublier l’interface de façon à ce que l’expérience utilisateur – celle de la lecture – soit la meilleure possible, celle d’une concentration sur le contenu et rien d’autres, une expérience similaire à celle que l’on peut éprouver à la lecture d’un texte sur papier, mais sur un écran. Nous y reviendrons.

Kindle sur Instagram

Mais il s’est passé autre chose.

It fades, fades and fades

Vous avez peut-être lu Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. À un moment, Barthes parle du « fading » qu’il définit ainsi.

“FADING. Épreuve douloureuse selon laquelle l’être aimé semble se retirer de tout contact, sans même que cette indifférence énigmatique soit dirigée contre le sujet amoureux ou prononcée au profit de qui que ce soit d’autre, monde ou rival.

Cet anglicisme vient d’une publicité, « une firme américaine vantait le bleu délavé de ses jeans : it fades, fades and fades. L’être aimé, ainsi, n’en finit pas de s’évanouir, de s’affadir ».

Assez curieusement, c’est un sentiment similaire qui s’est emparé de moi vis-à-vis du livre objet, matériel, physique. Je pense que les multiples déménagements ont fini par me faire prendre en horreur cette quantité démesurée de livres que j’avais amassés avec les années. Il fallait les mettre en carton. Pas trop lourds, les cartons s’il vous plait, sinon c’est intransportable. Et lors de l’emménagement, des heures en perspective de travail : remonter les étagères, placer les livres, les trier, etc.

Et ensuite, s’est passé cette autre chose étonnante. Ces livres auxquels je tenais fermement, toutes ces éditions originales que j’avais achetées souvent fort cher, eh bien ces livres faisaient littéralement l’objet d’un abandon. Ils trônaient sur l’étagère, mais c’est tout ce qu’ils faisaient. La raison en était simple. On ne trimballe pas dans son sac une édition originale. On ne l’annote pas. Parfois, on la manipule avec hésitation car elle est ancienne, fragile. En somme, on ne les lit pas ou peu. Je leur préférais alors leur équivalent de poche, qui étaient mes vrais compagnons de lecture et que je ne craignais pas d’abîmer.

De ce constat découlent deux choses. La première est que notre rapport à la culture est souvent celui d’un collectionneur qui s’accompagne d’un désir d’appropriation de la connaissance sous forme d’objets occupant un territoire bien délimité. C’est aussi une forme d’apparat que l’on exhibe fièrement : voyez ma belle bibliothèque donnant une visibilité tangible de l’étendue de mes connaissances. La seconde est que le ver était dans le fruit. En passant du beau livre à son équivalent de poche (qui a tant fait pour la démocratisation de la lecture mais dont la qualité peut laisser à désirer), je préparais sans le savoir l’étape suivante. Je me dirigeais lentement vers une autre métamorphose, celui de la dématérialisation. Et de repenser au fading de Roland Barthes :

Dans le texte, le fading des voix est une bonne chose ; les voix du récit vont, viennent, s’effacent, se chevauchent ; on ne sait qui parle ; cela parle, c’est tout : plus d’image, rien que du langage.

Cela parle, c’est tout.

On pouvait essayer autre chose, l’essentiel étant que cela parle. Ce serait la liseuse.

Le confort du papier et la plus-value du numérique

Je ne me souviens pas si l’encre électronique était un argument fort pour moi à l’époque. Je crois me souvenir que, à l’époque, la lecture sur iPad se limitait à la lecture d’articles sur le web ou des réseaux sociaux, mais pour la lecture longue, l’iPad ne me paraissait absolument pas adapté du fait de sa vitre et de ses nombreux reflets. De plus, une telle tablette devenait inutilisable au soleil, l’écran n’étant pas assez lumineux en plein jour et l’étant trop la nuit. L’encre électronique offrait une alternative séduisante : le confort du papier avec les possibilités du numérique.

Ces possibilités, je les ai décrites dans un article écrit en février 2016 et intitulé Qu’est-ce que lire au XXIe siècle ?. Je ne vais pas vous les détailler à nouveau. Je pense qu’elles sont désormais bien connues, mais rappelons les principaux avantages de la liseuse.

  1. La liseuse est un appareil léger. Par contraste, l’édition Folio du Comte de Monte Cristo est aujourd’hui composée d’un seul volume, ce qui doit représenter (à vue de nez) un pavé d’une bonne dizaine de centimètres d’épaisseur au bas mot. Et c’est un seul ouvrage ! Partez en voyage avec d’autres ouvrages de Dumas et il vous faudra faire l’acquisition d’une valise supplémentaire.
  2. On trouve les livres facilement. Certains aiment se déplacer chez leur libraire favori. C’est un luxe que je n’ai pas toujours eu. Si vous habitez dans un lieu isolé comme une île, vous savez de quoi je parle. Télécharger un livre et l’obtenir instantanément devient alors une commodité dont on se passe mal une fois qu’on l’a goûtée.
  3. Le crayon devient inutile. Avec une liseuse, on souligne avec son doigt. Cela peut paraître complètement anodin, mais il me plait de voir mon index gagner quelques capacités supplémentaires. La possibilité de souligner est liée à d’autres fonctions que je développerai par la suite.
  4. Le dictionnaire intégré et la traduction m’ont permis d’affronter des ouvrages en langue anglaise que je n’aurais ou pas même ouverts ou lus avec beaucoup plus de difficultés. On se rit parfois des enfants qui, habitués aux écrans tactiles et à la manipulation au doigt de l’interface, reproduisent ces modes d’interaction avec des machines qui ne requièrent pas ces usages, mais je peux vous assurer que je fais pareil quand j’ai entre les mains un ouvrage papier. Je voudrais cliquer sur le mot pour obtenir des informations supplémentaires. Je confesse avoir envie de zoomer également quand d’aventure les caractères sont trop petits.
  5. Synchroniser ses appareils vous permet de lire partout tout le temps. Commencez votre lecture sur la liseuse et poursuivez sur votre téléphone si c’est tout ce que vous avez sous la main. Infiniment pratique dans les transports en commun.
  6. Lire dans le noir. C’est un argument amusant parce qu’il renverse ou neutralise celui des fervents partisans du papier qui vous expliquent doctement qu’il faut charger sa liseuse alors que pour le livre dit « normal » cela ne serait pas nécessaire. D’une part, la batterie d’une liseuse tient des semaines et d’autre part, pour lire la nuit, vous avez besoin d’électricité ! On ne se rend jamais bien compte à quel point nos activités reposent sur la technologie.
  7. Trouver un mot ou une phrase en quelques secondes est probablement, pour moi, l’argument ultime. Je me souviens quand je préparais des cours et que je cherchais un exemple, une phrase, une figure de style et que je passais des heures à chercher le bon ouvrage, la bonne page. Parfois, ma recherche n’était couronnée d’aucun succès, et j’avais cherché en vain. Avec une liseuse, on a l’équivalent du ctrl + f sur une page web. On tape les mots que l’on cherche et ceux-ci apparaissent instantanément.

Les liseuses sont donc, pour toutes ces raisons, des appareils précieux. Et nous n’avons pas même mentionné toutes les fonctionnalités d’accessibilité. Pourtant, je ne regarde plus ma Kindle avec les yeux de Chimène, et je lui préfère à présent mon iPad mini. Que s’est-il passé ? Pourquoi abandonner une machine réunissant tant de qualités ? Je vous l’explique.

En route pour la pomme

Il y a désormais un peu plus d’un an, j’ai acheté la nouvelle Kindle d’Amazon, la Kindle Scribe. C’était un achat prometteur. J’avais déjà eu plusieurs Kindle. J’avais une Oasis. J’étais plutôt comblé.

Mais le grand format de la nouvelle liseuse annonçait des heures heureuses de lecture de PDF et peut-être de BD également. Le stylet qui l’accompagnait me laissait envisager des prises de notes nombreuses, inscrivant mes réflexions sur le vif, avec célérité et efficacité. On pourrait toujours exporter, utiliser un OCR, etc.

kindle sur la plage

Las ! Les possibilités d’export sont quasi nulles. L’application de prise de notes est d’une pauvreté affligeante, le copier coller – comme au temps de l’iPhone premier du nom – n’existe pas et les mises à jour qui vous procurent tout de même quelque maigre espoir sont aussi rares que les cheveux sur le crâne d’un vieillard touchant à sa centième année.

Je regrettais mon achat et maudissais le choix qui m’avait fait repousser la reMarkable quand je comprenais que je ne serais pas plus heureux avec une telle tablette. Là aussi, les possibilités d’export sont minces. Faites votre choix : Google Drive, OneDrive ou Dropbox. C’est pourtant essentiel et ce d’autant plus que la reMarkable est vendue avec 8 maigres petits gigaoctets. Certes, les livres au format ePub ne pèsent généralement pas lourd, mais les PDF peuvent l’être 1.

Je lorgnais alors du côté de la BOOX Tab Ultra C qui offre deux arguments de poids : l’encre électronique est en couleur et, comme c’est une version d’Android (bien ancienne malheureusement), on peut installer des applications, ce qui me permettait d’envisager des applications de prises de notes plus riches que celles d’Amazon (pas dur) et même de télécharger d’autres applications de lecture qui viendraient enrichir l’expérience. Las (encore) ! La tablette s’avérait être un véritable veau. Sa lenteur était désespérante. C’en était trop. Ma décision était prise et je me dirigeai d’un pas alerte vers l’Apple Store le plus proche, acquérir un iPad mini.

Je vous explique, dans le prochain épisode, pourquoi le bonheur (onéreux) était à portée de pomme.

Notes

1 : Je sais bien que ce n’est pas le cas de la majorité des PDF, mais je viens de télécharger sur Gallica Le Larousse du XXe siècle. 717,12 Mo le volume !

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Itinéraire d’un lecteur gâté : Du papier à la machine à lire

Introduction

Épisode 1 Podcast

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Chronique en 10 épisodes

Ami lecteur, toi qui commences la lecture de ces quelques mots, tu t’apprêtes à lire une série d’articles tous consacrés à la lecture numérique et ce que tu lis en est l’introduction. Apprends donc dans quoi tu t’embarques : dix longs articles narrant l’expérience d’un lecteur ayant éhontément abandonné le papier pour lire sur une tablette. Il n’est pas trop tard pour faire demi-tour.

Kindle Oasis

Quelques considérations avant de commencer

Cette série d’articles n’a pas pour ambition de te convaincre. Il ne s’agit pas de t’inviter à délaisser les livres papier. Si tu aimes les objets encombrants jaunissant avec le temps, prenant la poussière, sentant l’acarien, perdant leurs pages, portant le témoignage d’un doigt effaçant sans vergogne l’encre bon marché, alors je n’ai évidemment pas mon mot à dire. Tu fais ce que tu veux. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, disait l’autre.

En réalité, cette série d’articles dont tu commences aujourd’hui la lecture n’a pas d’autre ambition que de proposer le témoignage d’un lecteur heureux ayant le sentiment d’être devenu un meilleur lecteur du fait de son adoption du numérique. Mais, encore une fois, peut-être es-tu parfaitement heureux avec les livres tels que tu les utilises, et je ne vois pas du tout pourquoi je m’efforcerais de te les faire abandonner. En revanche, si tu aimes le plastique bon marché, les nuances de gris, les objets condamnés à une obsolescence non programmée mais inéluctable et préfères les GAFAM aux libraires, tu te laisseras peut-être convaincre à adopter une liseuse ou faire de ta tablette ce que j’ai appelé La machine à lire.

L'iPad, la machine à lire

Et si tu n’as pas été rebuté par les quelques provocations ci-dessus, tu seras peut-être intéressé à l’idée de découvrir les raisons qui m’ont amené à totalement abandonner les livres dans leur version papier pour adopter pleinement des appareils du type liseuse ou tablette.

Mais encore ?

Si je ne veux pas te convaincre et que j’entends te laisser en paix avec tes habitudes, quels objectifs se donnent ces articles ? Pourquoi se donner la peine de produire une dizaine d’articles sur des pratiques forcément personnelles et donc subjectives ? Ne s’agit-il que de te raconter comment je lis ? Est-ce là un simple témoignage ?

À dire vrai, j’entreprends aussi de faire un sort à quelques idées reçues. Il n’est pas rare de lire des articles ayant toutes les apparences du plus grand sérieux et se faisant l’écho de LA recherche et qui entonnent des couplets bien connus : le papier, c’est mieux. Les écrans, c’est mal. On peut le lire aujourd’hui 1. On le lisait déjà il y a dix ans 2, et on paraît ressasser la chose à l’envi, redécouvrant encore et encore les mêmes refrains. Après tout, des figures d’autorité comme Umberto Eco n’ont-elles pas expliqué que le livre était comme la roue ou la cuillère ? Ce sont, ce seraient, des objets dont la forme est parfaite et de ce fait indépassable 3. Fin du débat !

Je suis justement souvent abasourdi par la pauvreté de certains arguments quand on discute d’un tel sujet. En général, un amateur du papier croit pouvoir plier ledit débat en affirmant sa préférence pour l’objet physique et son besoin de toucher ou tourner les pages. En fait, pourquoi pas ? Mais, en général, une personne recourant à cet argument semble se prévaloir d’une tradition pluricentenaire qui lui vaudrait la supériorité du collectionneur féru de beaux ouvrages, laissant le partisan du numérique dans le camp peu enviable des pervers férus du plastique produit par des entreprises assoiffées de DRM, une sorte d’irresponsable qu’on peut réduire à quia en lui faisant comprendre que le beau et le bon sont d’un côté et pas de l’autre.

Pire encore, personne n’est assez patient pour écouter les arguments de celui qui s’aventurerait à décrire les contours d’un écosystème invisible qui est le propre de la lecture numérique, laquelle est protéiforme, omniprésente et riche de possibilités innombrables et inédites que son jumeau de papier n’est pas en mesure d’offrir. Mais n’anticipons pas. Nous y viendrons.

Évolution des pratiques de lecture

Avant de t’exposer tout cela, essayons de nous représenter la chose suivante. Ce que nous appelons « lecture » est une pratique qui n’est pas immuable. Certes, pour beaucoup, elle semble être parvenue à une forme que l’on n’éprouve pas le besoin de changer. Tant et si bien qu’elle ressemble à la représentation qu’en donne le peintre Fragonard. Pourtant, la forme que nous attribuons au livre, le symbole que représente le livre n’est rien moins que figé. Du volumen (le livre enroulé) au codex (le livre à feuilleter), il y a là une belle histoire que la BNF s’est empressée de raconter.

La liseuse de Fragonard

Au reste, au XIIe siècle, la plupart des gens ne savent pas lire. La lecture est de fait essentiellement orale. Au Moyen Âge, un roman est alors un ouvrage en vers écrit en langue romane (d’où son nom). Il est lu à voix haute généralement durant un banquet où on écoute l’histoire. Près de dix siècles plus tard (c’est-à-dire maintenant), on retrouve un peu de cette dimension orale à travers les audiobooks.

Aujourd’hui, la lecture est une activité qu’il est difficile de définir. On ne lit pas que des livres. On vient de le dire, on les écoute également. C’est surprenant mais ce qui était auparavant purement audio peut à présent être lu. Apple Podcast permet maintenant de lire la transcription de chaque épisode, un peu comme on affiche les paroles d’un morceau de musique. De plus, la lecture ne se résume pas à celle des livres. On lit aussi des articles sur le web, des flux RSS (enfin je l’espère), des PDF, des newsletters, des tweets (que je m’obstinerai à appeler ainsi). Souvent ce qui sépare l’un de l’autre est assez flou. On peut en effet légitimement se demander ce qui sépare un thread sur Twitter d’un article de blog.

Apple Podcast

Il est donc bien hasardeux de prétendre que la lecture ne se fait que par les livres. De fait, il nous faut trouver les supports idoines, au risque d’avoir une lecture fragmentée, disparate, dispersée, mais de cela aussi, je te parlerai longuement dans les lignes qui vont suivre.

Du papier à la liseuse, de la liseuse à l’iPad

Pourtant mes propres pratiques ont évolué assez récemment.

En fait, la chose n’allait pas de soi. À dire vrai, la lecture sur papier a longtemps été pour moi le dernier bastion, le dernier résistant dans la bataille que se livraient, dans mon petit cœur de geek, le numérique et le papier. Comme vous le voyez dans mon tout premier post Instagram ci-dessous, la lecture a longtemps été pour moi synonyme de papier et puis un jour j’ai découvert un objet que je tenais à distance, qui faisait de ma part l’objet d’un injuste mépris quand je comparais son plastique médiocre à l’objet rutilant que constituait l’iPad. Pourtant, dès le début (nous sommes en 2010), l’iPad ne me paraissait pas approprié à la lecture. Et c’est précisément cet iPad qui est aujourd’hui ce que j’appelle, non sans une pointe d’émotion, ma machine à lire.

Mon premier post Instagram

Alors que s’est-il passé ? Comment suis-je passé du livre de poche à la liseuse puis à l’iPad ? Quels sont les avantages d’une lecture totalement numérisée ? Y a-t-il des inconvénients et si oui, est-il possible de les surmonter ? C’est ce que je te propose de t’expliquer dans une série d’articles dont le premier fera le récit palpitant qu’est l’irruption de la Kindle dans ma vie.

Pour que tu saches ce qui vient ensuite, voici une brève description des articles qui s’en suivront.

Après cette passionnante introduction (1re partie), après donc avoir discuté des intérêts de la liseuse mais aussi de ses manques (2e partie), je te parlerai ensuite de confort et de capacité de concentration, histoire de battre en brèche quelques idées reçues (3e partie). Ce n’est qu’ensuite que nous ferons le détail des applications qui se trouvent sur ma tablette (4e partie). À la suite de quoi, l’on verra comment conserver, trier, retrouver, mémoriser ces choses innombrables qu’on lit et oublie aussitôt (5e partie). Deux applications constituant le point d’orgue de mon édifice seront ensuite évoquées. Au cas où le suspense serait absolument intolérable, sache qu’il s’agit d’Obsidian et de Readwise (6e partie). Subséquemment, nous nous poserons la question suivante : la lecture devient-elle une affaire de geek ? Il sera alors question d’automatisation, d’intelligence artificielle, de scripts (7e partie). Dictionnaires et applications de traduction seront l’objet de l’article suivant (8e partie). Afin de ne point être accusé d’ignorer les problèmes qui ne manquent pas d’émailler nos vies numériques, l’avant-dernière partie est intitulée Les maux du numérique (9e partie donc). On en profitera pour voir comment les affronter. Il sera alors temps de conclure (et c’est la 10e partie).

Notes

1: Voir par exemple Les écoles doivent privilégier le papier et le crayon dont le sous-titre est « La lecture à l’écran est nuisible alors que la prise de notes au clavier n’apporte aucun avantage, selon un rapport de l’INSPQ. »
2: Lire sur support papier, meilleur pour la compréhension des textes ?
3: Lire mon article intitulé Umberto Eco et le livre indépassable