Catégories
Éducation Humeur Informatique

Comment j’ai nourri le web

Une expérience réussie

J’ai beaucoup ri en lisant l’article Comment j’ai pourri le web. J’ai ri d’un rire primesautier, sans trop porter d’attention à l’objet de ma lecture, une parmi tant d’autres lors d’un mercredi après-midi. J’ai d’ailleurs trouvé l’idée de cette expérience excellente. L’idée de montrer aux élèves qu’ils ne devaient pas se fier aveuglément à ce qu’ils trouvent sur internet, l’idée de leur montrer la vénalité et l’inanité des sites qui vendent des commentaires ou des dissertations, l’idée enfin que la paresse est un bien vilain défaut, tout cela me plaisait. Mais je ne m’attendais pas à une telle conclusion. L’auteur y affirmait qu’internet creuse «la tombe de l’école républicaine», que paradoxalement on ne profite du numérique que quand on a formé son esprit sans lui».

L’école se meurt, c’est la faute à internet

À ce moment de ma lecture, ces réflexions me chiffonnent. Je les ai déjà lues quelque part. D’ailleurs, en parcourant la liste de liens en regard de ce texte, je ne m’y trompe plus, je suis bien en présence d’un lecteur de Néoprofs, de Bonnet d’âne, probablement membre de Sauver les lettres, etc. Ce n’est pas bien grave. Ce sont mes réacs préférés, mais je sais à quoi m’en tenir. Je suis donc en présence d’un article pour lequel l’auteur va consacrer toute son intelligence à vouloir démontrer une chose : l’école meurt, et le numérique est son virus. Je me garderai bien de récolter un point Godwin si tôt, mais enfin le parallèle avec la décadence (le corps qui dépérit), le mal localisé, incarné… On a là tous les poncifs de la pensée réactionnaire. Il ne manque plus que le nivellement par le bas, le bon sens, et on y est.

Évidemment, je ne vais pas entamer un paragraphe pour expliquer l’innocuité du numérique à l’école. Dans la majorité des écoles, collèges et lycées de France et de Navarre, le numérique se réduit à une misérable salle informatique pour des centaines d’élèves. Ce n’est pas ça qui est mortifère. À lire le contempteur des usages informatiques, les élèves paresseux et pas très futés seraient les fautifs. Mais il faut dire que ces pauvres enfants, à qui l’on confie des bijoux technologiques dès leur plus tendre âge, ont des enseignants qui préfèrent se gausser de leur nullité plutôt que leur apprendre à s’en servir.
Et que dire de ce prétendu paradoxe dont la formulation ne se pare des plumes de la rhétorique que pour masquer son indigence ? Des phrases comme celle-là, je vous en ponds à la dizaine : «On ne profite du sport que quand on a formé son corps sans lui» ou encore «On ne profite de l’informatique que quand on n’a jamais utilisé un ordinateur ». Ah ! mince ! Celle-là a déjà été faite…

Une manipulation un rien perverse

Et puis, tout de même, quelque talentueuse que soit la démonstration, elle n’est pas dépourvue d’une certaine perversité. Semer des erreurs sur un texte et un auteur dont les élèves ignorent tout ; attendre d’eux, dénués qu’ils sont, qu’ils se fourvoient dans le piège tendu pour ensuite jeter le blâme sur des procédés auxquels on s’attendait qu’ils s’adonnent et qu’on a même favorisés, si cela n’est pas de la manipulation, de la perversité… Les voix de la pédagogie étant inextricables, la chose était concevable si elle amenait à prendre en compte l’usage des sources sur internet, à poursuivre la démonstration par un travail sur le bon usage des sources sur internet ou ailleurs. Parce qu’il n’y a qu’un naïf pour prétendre que le plagiat éhonté est l’apanage de notre époque. Pour autant que je sache, les élèves ont toujours puisé où ils le pouvaient des réflexions toutes prêtes, leur épargnant ainsi le moindre effort de pensée. Ce n’est franchement pas une nouveauté. Je ne développe pas ce point ; on ne va pas ergoter pour savoir si aujourd’hui c’est plus facile ou si, avant, prendre le stylo pour recopier était d’un quelconque profit. Tout au plus fera-t-on remarquer que si l’on ne veut pas, lors d’un devoir, qu’un élève en classe prenne son iPhone pour butiner des réponses toutes faites, on peut aussi se donner la peine de le surveiller.

Pour conclure

Achevons. L’idée est de battre en brèche l’usage d’internet, de le pourrir annonce le titre. La conclusion est évidemment sans appel : «Leur servitude [celle des élèves] à l’égard d’internet va même à l’encontre de l’autonomie de pensée et de la culture personnelle que l’école est supposée leur donner.» Ainsi l’école serait l’opposée d’internet, l’école émancipe tandis qu’internet asservit. Je n’ai vu aucune démonstration permettant d’aboutir à ce constat. J’ai vu en revanche des lycéens paresseux, mais est-ce que cette paresse s’origine dans l’usage d’internet ? Très sincèrement ? La question ne m’intéresse même pas. Ce qui m’intéresse, c’est ce que ce prof clame haut et fort : «Je pourris internet». Et plus je lisais cet article, plus je me disais que je faisais exactement le contraire. Depuis cinq ans, je m’efforce de nourrir internet, d’y apporter tout ce qui permettrait à mes élèves d’apprendre, de comprendre, de se documenter, d’obtenir de l’aide, de s’entraîner, de réfléchir, etc. Ma démarche est exactement l’inverse de celle prônée par l’auteur de cet article. Je veux que mes élèves n’aient pas à s’inscrire ni à payer pour obtenir une information qui plus est erronée. Je veux que mes élèves sachent où chercher, raison pourquoi je mets tous les liens des sites qui me semblent fiables. Je veux que mes élèves puissent me contacter dès qu’ils achoppent sur une notion, qu’ils puissent retrouver tous mes cours, faire des exercices, etc. Tout cela s’appelle Ralentir travaux, et certainement pas Pourriture du web.

Catégories
Éducation Humeur Informatique

SCONET

Dans notre établissement, pendant quelques années, nous avons utilisé Campus pour remplir et éditer les bulletins. Las de dépenser des milliers d’euros pour une prestation peu satisfaisante, il a été décidé que nous adopterions SCONET (Scolarité sur le Net).

SCONET, nous dit Wikipédia, est une application nous permettant «via un simple navigateur sur un réseau sécurisé» de rentrer nos notes et nos appréciations.

Pour y accéder, nous avons reçu une clé OTP (One Time Password). Cette clé affiche un code qui change toutes les minutes.

Clé OTP

Dès lors, on est confronté à un grand moment d’informatique. Qui peut, en effet, savoir que dans la zone de saisie dite «Passcode OTP», l’utilisateur est convié à entrer non seulement le code fourni par la clé OTP mais aussi le code PIN qui a été demandé auparavant ?

SCONET (capture 1)

Si j’en crois mon expérience en matière d’informatique, je n’ai jamais eu à rentrer deux codes en une seule case, mais peut-être me trompé-je… Quand on pense à quel point l’informatique peut avoir ce côté anxiogène, on se dit vraiment qu’on est con de ne pas y avoir pensé… Mais pouvait-on seulement y penser ?

Bref, on rentre son code PIN et le code OTP qui a eu le temps de changer plusieurs fois avant qu’on ait compris quoi que ce soit, et l’on parvient à cette page :

SCONET (capture 2)

À ce moment, on se dit qu’on a loupé quelque chose. C’était quand même bien la peine de nous faire rentrer un double code si c’est pour aboutir à une page dont le certificat n’est pas valide ! À ce sujet, en matière de sécurité, le navigateur Chrome est assez prolixe :

SCONET (capture 3)

Évidemment, on passe outre l’avertissement ; on veut rentrer ses notes, et bon an mal an on arrive sur cette page (avec un beau https) :

SCONET (capture 4)

Le hasard me fait cliquer sur Portail ARENB. Bingo ! Et on arrive là :

SCONET (capture 5)

Et là, avant de comprendre que si l’on veut rentrer ses notes il faut cliquer sur Rechercher, il se passe un certain temps. De clic en clic, on arrive sur une page dans lequel un petit bouton + est niché. C’est lui le Graal :

SCONET (capture 6)

Enfin ! On s’acquitte de sa tâche. On valide et tout et tout. On nous dit qu’on a bien fait tout ce qu’il fallait… et qu’on peut quitter notre navigateur :

SCONET (capture 7)

Pour ma part, même si le message m’évoque fortement les Guignols («Vous pouvez retrouver une vie normale»), je ne peux m’empêcher de protester et de penser que je vais peut-être rester et continuer à flâner sur le net.

Cette petite aventure au pays de l’Éducation nationale s’achèvera lors du conseil de classe par un beau plantage avec l’indicible écran bleu de la mort :

SCONET (capture 8)

Catégories
Humeur Informatique

Orange Ô désespoir ou l’incroyable histoire de mon abonnement internet

Contrairement à ce que laisse entendre le titre, cette diatribe ne vise pas uniquement Orange mais aussi SFR. Ladite diatribe aurait d’ailleurs aussi pu s’intituler Comment j’ai eu internet dans ma cambrousse ?

Laissez-moi vous raconter cette histoire.

Le haut débit sous les cocotiers

L'ADSL en Nouvelle-Calédonie

Quand j’ai quitté la Nouvelle-Calédonie, j’avais internet. Pas du bas débit, de l’ADSL s’il vous plaît (en 2004 il me semble). Certes en 256 ko/s mais de l’ADSL quand même. Une fois mon séjour achevé et conformément à la loi, le fonctionnaire que je suis a été prié – au terme d’une durée de quatre ans – de retourner sur le territoire de ses ancêtres (en 2006, ça c’est sûr). Dont acte. La somme de mes points m’a permis d’obtenir la Champagne-Ardenne. Quel chanceux je fais ! Quand je pense que j’aurais pu avoir Biarritz ! Je m’y installe et pense déjà à ma future connexion internet. Las ! je découvre que je ne pourrai avoir que du bas débit ! Misère…

Quid facimus ? pensais-je in petto.

Bah rien…

En plein travaux de rénovation de la bâtisse que j’ai acquise que la banque possède, je reçois un coup de fil. Une voix doucereuse venue du service commercial d’Orange me déclare, avec la certitude de celui qui sait, que je vais – contrairement à ce qui m’avait été dit – pouvoir jouir du haut débit. Et aussitôt de dégainer ma carte bleue. On me dit alors que je recevrai une Livebox, etc.

Les jours passent, les semaines, les mois aussi d’ailleurs, mais d’internet haut débit point du tout.

Bien sûr, je m’enquiers auprès des services compétents. On n’en sait rien, On va voir, On vérifie, Attendez, On vous rappelle, On ne sait plus, Qui vous a dit ça ? etc. Qu’importe la personne à qui j’ai lâché mon numéro de carte bleue, cette personne s’est évanouie dans les limbes du démarchage d’abonnements à internet. La seule solution consiste à contracter un abonnement en bas débit. Et ça, c’est l’horreur. Il ne me reste plus qu’à maugréer et à déplorer en un silence plein d’aigreur le désintérêt des fournisseurs d’accès à internet pour les paysans isolés que nous sommes.

Enfin le haut débit en France métropolitaine

Antenne me permettant de recevoir internetLe temps passe. Et puis un jour, j’apprends que je vais avoir le haut débit.

Je manque de défaillir.

Il y a même une réunion à la mairie où on nous explique comment cela va se passer. À l’approche des élections (nous sommes alors à l’aube de 2007), il ne sera pas dit qu’on aura laissé des gens sans accès au haut débit. Internet devient un droit fondamental, en passe de devenir inaliénable, il faut que les paysans que nous sommes aient internet. Le conseil général se sort alors les doigts du… du… du porte-monnaie et met du pognon là où l’opérateur historique ne saurait le faire (merde, ce sont des paysans en nombre insuffisant quand même).

Là, je déchante : pour la modique somme d’une quarantaine d’euros, on aura du 512 voire du 1 Mo. Mais il faut voir comment ! On tire une ligne classique qui parvient jusque dans l’église. Dans la sacristie, on place un routeur et sur le faîte, à côté du coq, on met une antenne diffusant les précieux kilo-octets par Wi-Fi que l’on reçoit avec une antenne géante ! Ça s’appelle le Pack Surf Wi-fi. Alléluia ! Comment ne pas croire en dieu ? Malheureusement, comme le disait un jour le créateur du feu Nabaztag dans l’émission Plein écran, le Wi-Fi, c’est de la merde. Le moindre truc vous dévie une onde et vous prive de votre connexion, vous savez celle que vous avez acquise à prix d’or sans les communications illimitées, la télé et tutti quanti. J’oubliais ! Sans la box (bon sang ! que je déteste ce mot) non plus. Il faut faire l’acquisition d’un routeur, mais j’y reviendrai plus tard.

L’internet du pauvre pour un prix de riche

Quelle que soit la qualité de ma connexion, j’ai le haut débit. Pas du 18 Mo comme à dix kilomètres pour un prix inférieur avec les communications téléphoniques, et tout et tout mais le haut débit quand même. Nos élus voulaient pouvoir affirmer que tout le monde a le haut débit, mais ils omettent de dire que tout le monde n’a pas le même haut débit : par Wi-Fi avec les aléas qui lui sont inhérents ou par Satellite avec des quotas ou encore par les fils de cuivre avec les avantages que cela présente, par la fibre…

Après un début très difficile (ça ne marchait vraiment pas), je suis souvent amené à me plaindre de déconnexions, parfois fort longues, fort ennuyantes, en général réglées plus ou moins rapidement. Raison pour quoi, je rêve d’avoir une connexion normale par les petits fils de cuivre de mon téléphone.

Et SFR vint

C’est à ce moment que SFR intervient. Ceux-là, je ne les apprécie guère, mais je me range à leurs arguments. Avec eux, j’aurai une connexion classique. Je souscris donc à un abonnement chez SFR. Je reçois les identifiants puis la «box», et je n’ai plus qu’à attendre le raccordement qui m’apportera enfin la paix intérieure. Malheureusement, en dépit de l’éligibilité à laquelle il semble que je puisse prétendre, je reçois un courrier m’informant que les services techniques n’ont pas été en mesure de me satisfaire. Il faut donc que je renvoie la «box».

Box SFR

Pas grave. Le Wi-Fi, avec mon antenne géante changée entre-temps, me satisfait plus ou moins. Ce n’est pas extraordinaire, mais ça marche. De temps à autre, j’appelle le service technique toujours pour des problèmes de déconnexion, mais en principe cela est réglé plus ou moins vite. À condition que l’inopinée déconnexion ne se produise pas un week-end (que je ne veux pas écrire weekend).

Un beau jour, je reçois un coup de fil de… SFR : «Coucou, c’est nous. On a fait des travaux. Vous êtes éligible et blabla, blabla». Moi : «Non merci, on m’a déjà fait le coup. Je reste chez Orange». SFR : «Si, si. Sur mon ordinateur, etc. Et puis si je vous le dis, etc.» Bref, je décline. On en reste là.

Et puis un autre beau jour, non pas un beau jour, paf ! Plus de connexion. Me piquant d’être un peu geek tendance Nerd à pulsion No-life, je bidouille. On débranche. On ping. On change de chaîne. On change même les DNS. On vérifie tout et tout. Mais il faut se rendre à l’évidence, force est de constater que ça ne marche plus. Rien n’y fait. Et le service technique d’avouer au téléphone son impuissance et de m’annoncer la nécessité d’une intervention technique… dans trois semaines.

J’en tombe de ma chaise. Je frémis, je brûle, je bous ! Ni une ni deux, je me connecte (de mon établissement scolaire) et je cherche quelles solutions s’offrent à moi. Après tout, du temps a passé, peut-être suis-je vraiment à nouveau éligible.

Et après ?

Vous connaissez l’art de la temporisation ? Dans un roman, cela consiste à différer la suite de l’histoire en racontant autre chose afin d’impatienter le lecteur, de piquer sa curiosité et de le pousser – in fine – à lire la suite.

Ce que je vais faire.

Trois semaines sans internet. Évidemment, dans mon collège, je pouvais assouvir mes pulsions technophiles. Je n’ai donc souffert que le minimum. Et puis j’avais mon iPhone… C’est d’ailleurs à cette période que j’ai lu l’article sur la 4G. On y disait que les opérateurs s’engagent à couvrir plus de 90% du territoire. Ce qu’ils avaient fait pour la 3G (s’engager je veux dire)… S’étaient-ils engagés à faire de même pour l’Edge ? En tout cas, dans ma cambrousse, je n’ai ni l’un ni l’autre. Ni Edge ni 3G. Ah si ! j’ai un réseau Edge. Un sous-réseau, un truc indéfinissable probablement commun à tous les opérateurs, quelque chose d’une telle lenteur que le bas débit fait office de rêve de geek. Si si ! Voyez plutôt cette vidéo montrant le temps qu’il faut pour afficher entièrement un site pourtant adapté à un téléphone mobile (je vous préviens, c’est la vidéo la plus ennuyante du net) :

Alors quand je reçois un coup de fil m’annonçant avec grand fracas que les clés 3G c’est vachement bien, je pouffe et je raccroche.

Bref, c’est cette maigre connexion qui me permet de patienter trois semaines. Et je vous l’ai dit, je me suis demandé que faire. Sur internet, je n’ai pas trouvé grand-chose. Orange ne permet pas de prétendre au haut débit de façon classique, mais SFR oui. Je m’en étonne, mais ils sont formels. Le désespoir suspend mes doutes, et malgré ma déplorable expérience passée, je souscris. Je me dis que cette fois, c’est la bonne. Alors je reçois mes identifiants, la «box», et je n’ai plus qu’à attendre le raccordement. J’ai bon espoir, je suis naturellement et benoîtement confiant.

J’attends.

Je n’ai plus internet, mais j’attends.

Et le couperet tombe. Un courrier venant de SFR m’informe que les services techniques n’ont pas été en mesure d’établir la connexion demandée. Je dois donc renvoyer à nouveau leur putain de «box». À ce moment, je me pose quand même une question : soit ils sont cons, et ça m’étonnerait un peu, soit ils ne sont pas cons, et ça m’étonnerait beaucoup. Ils s’amuseraient à prétendre des choses fausses, à distribuer des «box» et à se les faire renvoyer à leur frais ? J’ai des doutes… Lors de mon abonnement, on m’a demandé si je voulais basculer entièrement chez SFR, et ne plus dépendre en aucun cas d’Orange, ce que j’ai décliné. Si j’avais accepté, je n’aurais pas l’ADSL, mais mes communications téléphoniques seraient payées à SFR… Est-ce le but de la manœuvre ? Nous forcerait-on un peu la main en faisant miroiter un prétendu abonnement internet impossible pour faire souscrire à un nouvel abonnement téléphonique ? Je me pose la question… Ça me semble un peu tordu comme raisonnement, mais enfin…

Abonnement possible

Abonnement impossible

Quoi qu’il en soit, j’ai eu la réparation par Orange de ma connexion. Leur nouvelle installation n’a pas été sans problème d’ailleurs. Tout marchait à nouveau, excepté que ladite installation était incompatible avec mon routeur Netgear. On m’a conseillé un Belkin, ce que j’ai fait sans sourciller tant j’étais désireux de retrouver enfin une connexion. Évidemment, j’ai dépensé une quarantaine d’euros pour un nouveau routeur alors que l’ancien fonctionne très bien, mais pas avec ma nouvelle installation. Passons.

Jusqu’au prochain problème, tout ça ne sera certainement qu’un méchant souvenir, mais franchement j’ai ri à gorge déployée quand j’ai reçu ce mail de SFR :

Mail de SFR

Y a-t-il un sens du comique chez les FAI ?

Mon problème est-il réglé pour autant ? Il y a quelques jours, j’ai reçu un courrier de la mairie.

Courrier de la mairie

Ils le font exprès ?

Catégories
Humeur Informatique

Logiciels payants et logiciels libres

Kernel Panic J’ai eu récemment quelques soucis avec Mac OS X Lion m’obligeant à procéder à une réinstallation totale du système. C’est ce qu’on appelle faire une clean install. Soit. Désireux de chasser impitoyablement le moindre bug, j’ai évité de réimporter toutes mes petites données via Time Machine. Il a donc fallu tout réinstaller à la main, à l’ancienne : télécharger les logiciels (je ne les garde plus sur un disque externe, il est tellement plus simple de tout retélécharger), les installer, les enregistrer, les activer, et tout le tralala.

J’installe Photoshop Element. Je possède la version 6 de ce logiciel que j’ai acheté il y a quelque temps, soucieux que j’étais de ne plus utiliser une version complète d’un logiciel dépassant mes moyens et intellectuels et financiers (vous voyez ce que je veux dire). J’ai d’ailleurs failli acheter la dernière version de Photoshop Element, mais l’essai de 30 jours que j’ai pu en faire ne m’a que très peu convaincu, et surtout un bug gênant m’a dissuadé de me délester de plus d’une soixantaine d’euros (être enseignant, ça a parfois des avantages), un bug que j’espérais voir disparaître avec ma toute récente réinstallation (d’ailleurs ça m’a rappelé la première installation de Windows XP au début du siècle quand je n’utilisais pas encore Mac OS) : avec un compte non administrateur, certaines palettes d’effets ne s’affichent pas, elles ne fonctionnent donc plus ! J’ai essayé, j’ai repassé mon compte en admin, Photoshop Element fonctionne très bien bien. On peut dire «bien», pas «très bien» : c’est comme ça que ça fonctionne chez Adobe : il y a un bug ? N’espérez pas un correctif ! achetez la prochaine version et priez pour que le bug soit corrigé. Dans le cas qui me préoccupe, les versions 7, 8 et 9 ne changent rien à l’affaire. Photoshop Element veut fonctionner sur un compte admin. Eh bien non ! C’est un principe : je n’utilise pas un compte administrateur !

Du coup, j’utilise Pixelmator que j’ai acheté il y a longtemps déjà et dont je n’ai pas payé une seule mise à jour. Évidemment, une version 2 étant prête à voir le jour, je vais peut-être repasser à la caisse. Cela dit, quand on voit (ce qu’on voit, dirait Coluche) la dernière version de The Gimp, il est permis d’avoir quelques hésitations…

Mais ce qui m’a vraiment exaspéré, lors de cette réinstallation de Mac OS, c’est Parallels Desktop, un logiciel qui permet la virtualisation d’un autre système (vous pouvez installer une distribution Linux ou un Windows sur votre Mac au sein même de Mac OS X). Cette possibilité est apparue avec les processeurs x86 quand Apple a abandonné le Power PC (vous avez déjà émulé Windows, au fait, sur un PowerBook ?). Le premier a avoir publié son programme, ce n’est pas VMWare, qui s’est fait griller la priorité, mais Parallels ! C’est même l’un des premiers logiciels que j’ai acheté pour mon premier MacBook Pro avec processeur Intel en 2006. L’année d’après, j’ai acheté la mise à jour, j’ai donc acheté la version 2, puis la version 3 l’année suivante, et la version 4 l’année d’après. Déjà quelque peu lassé, j’avais freiné des quatre fers, et puis je ne sais plus comment, j’ai tout de même obtenu la version 5 (dans un bundle, je crois). L’année suivante a vu l’apparition de la version 6, et puis plus récemment de la version 7, et si tout se passe bien en 2050, il y aura eu à peu près autant de versions que d’années dans ce cinquantenaire…

Quoi qu’il en soit, je veux réinstaller Parallels Desktop ! Tout d’abord, je constate la difficulté de se procurer la version 5. Heureusement, j’avais tout de même, dans un coin d’un de mes disques durs, gardé une copie. J’installe et l’installateur me propose de télécharger une version plus récente (que j’espère être la 5 pour laquelle j’ai un numéro de série). La chose se passe avec une lenteur qui indique que leurs serveurs ne sont pas consacrés à permettre au client de rapatrier une version ancienne. Au bout d’un temps interminable (et d’un échec), j’installe la chose… et paf ! Incompatibilité avec Lion ! Hein ? Quoi ? Tout ou presque est compatible ou rendu compatible avec Lion, et là non ? Hein ? Quoi ? Sur le site de l’éditeur, on m’apprend que la version 5 restera incompatible avec Lion, cette version qui marchait très bien avec Snow Leopard, et qui – alors vraiment très curieusement – semblait fonctionner avant formatage du disque sur… Lion.

Dépité, je me fais une raison. Je m’apprête à ressortir une énième fois ma carte bleue mon compte Paypal et dépenser plein d’euros, et puis je me suis dit : «Mais quel con ! Pourquoi ne pas télécharger VirtualBox qui est gratuit ?» Dont acte.

Exit Parallels. Ils sont peut-être polis chez Parallels. Dans les mails qu’ils vous adressent pour vous signaler une mise à jour payante, ils ne s’adressent pas à vous en ces termes : «Chère vache à lait, nous sommes heureux de vous annoncer la mise à jour de, etc., etc.)», mais franchement à prendre les gens pour des cons, un jour les cons, ils s’en vont. C’était pourtant bien Parallels Desktop, nettement plus abouti que VirtualBox, mais pour l’utilisation que j’en fais, ça sera suffisant.

Évidemment, je ne suis pas contre les mises à jour ! C’est génial qu’un programme soit actualisé régulièrement. En revanche, on ne va peut-être pas payer la moindre mise à jour dès qu’on change d’icône ou qu’une option cachée est ajoutée ! Pixelmator est apparu en 2007, je n’ai pas déboursé un centime depuis, et pourtant le programme a évolué très régulièrement. Je prendrai très probablement la version 2. Une mise à jour payante tous les quatre ou cinq ans, ce n’est pas l’horreur. Un éditeur canadien fait de même. C’est Druide pour lequel j’ai payé une seule mise à jour sur des dizaines ! Du coup, leur logiciel Antidote est peut-être un peu cher, mais au regard de ce qu’il permet et de la fréquence des mises à jour offertes, je veux bien payer.

Alors je me demandais ce que j’allais faire : passer au tout libre ou rester sur Mac OS (j’ai quand même réinstallé Ubuntu sur une partition). J’aime trop Lion pour m’en passer, mais je me fais cette réflexion : il y a de plus en plus de logiciels libres sur ma machine : Firefox, LibreOffice, VirtualBox, VLC, etc.

Et je me fais ces réflexions : heureusement que le libre promeut des standards qui vous permettent aisément de passer d’un système à l’autre (iWork, c’est bien ! mais uniquement entre Macs, et ne me dites pas qu’on peut «exporter»). Vive LibreOffice ! Il se lance même plus vite que Pages ! Heureusement que des logiciels libres vous permettent de vous affranchir de la voracité commerciale de certains éditeurs (mais tous ne sont pas à mettre dans le même panier, on l’a vu) ! Heureusement qu’un navigateur – Firefox pour ne pas le nommer – vous offre (littéralement) la possibilité d’avoir une réelle vie privée sur internet grâce à de très nombreuses extensions (dont j’ai déjà parlé dans ce billet : Internet tel que je l’utilise). Heureusement que Linux permet à des logiciels d’exister. L’exemple en fera peut-être sourire quelques-uns, mais Aircrack-ng existerait-il sur une autre plateforme que Linux (ne me dites pas que ça existe sur Windows) ?

En somme, il y en a pour tout le monde : pour ceux qui veulent payer beaucoup, tout le temps, à tort et à travers, un peu, parfois, pas du tout. En tout cas, il faudra tout de même observer qu’Apple (au moins de façon logicielle) l’a compris : on veut bien payer, mais pas des sommes exorbitantes (ça dépend aussi du type de programme, je veux bien le comprendre). Mac OS X Lion coûte moins d’une trentaine d’euros, c’est beaucoup, beaucoup moins que Windows. Certains diront : «C’est beaucoup plus qu’Ubuntu» !

Catégories
Divers Humeur Littérature

On dit «la voiture à ma sœur» ou «la voiture de ma sœur » ?

Nombre d’individus poussent des cris d’orfraie lorsqu’ils surprennent, dans les propos de leur interlocuteur, une erreur de grammaire. Un excès de rigueur les conduit à mépriser l’emploi de «malgré que» (si fréquent chez certains grands écrivains) ou l’emploi du subjonctif après la locution conjonctive «après que». Pour ces gens, l’horreur est à son comble lorsqu’un indélicat mésuse de la préposition «à» et l’emploie à la place de «de». Et aussitôt de s’exclamer : « On ne dit pas la voiture à ma sœur, mais la voiture de ma sœur ». Avec une pointe de suffisance aigre, on fait ainsi valoir son indignation lorsque quelqu’un commet un solécisme disgracieux dû à une banale erreur de préposition.

Parfois, on me demande mon avis, et en tant que professeur de français, je suis sommé de rétablir les droits du bon usage, ce qui me laisse bien souvent perplexe…

Je rétorque que, tout d’abord, je dis la grosse bitte à Dudule, et non la grosse bitte de Dudule. Et toc ! Ou j’évoque, quand je sens que mon entourage ne sera pas sensible à la chansonnette populaire, le Moyen Âge, période pour laquelle on utilisait beaucoup la préposition à là où on emploierait aujourd’hui la préposition de. Ainsi, on trouve dans Aucassin et Nicolette (je puise un exemple au pif) :

Et se tu fenme vix avoir,

je te donnerai la file a un roi u a un conte […]

On lit bien : «la fille à un roi ou à un conte» et non «la fille d’un roi ou d’un conte».

D’ailleurs, comme le fait remarquer Geneviève Joly dans son Précis d’ancien français, «la construction du complément déterminatif du nom à l’aide de la préposition a n’a aucune connotation familière en ancien français. Elle est très représentée encore au XVIe siècle, surtout en poésie» (page 238). Elle cite même deux exemples d’emploi de la préposition appartenant «déjà à un niveau de langue déjà marqué» chez deux écrivains du grand siècle :

Je suis la très humble servante au seigneur Anselme (Molière, L’Avare, I, 4)

La vache a notre femme

Nous a promis qu’elle ferait un veau (La Fontaine, Contes, IV, 11, 72)

De toute façon, au Moyen Âge, le cas régime absolu (très fréquent) se passait complètement de préposition et cela donnait, et donne toujours de curieuses associations, comme en témoigne encore le délicieux nom de la ville de Bourg-La-Reine, ce qui, comme chacun sait, signifie le bourg de la reine, et non une injonction à bourrer la reine (à propos, vous connaissez la blague : Bourg-La-Reine ou Choisy-le-Roi… Le doute m’habite…) !

Il n’en reste pas moins que l’usage, aujourd’hui, ressent comme vulgaire certain usage de la préposition à, ce qui n’a jamais dérangé le bas peuple qui l’utilise depuis fort longtemps, comme en témoigne des locutions comme la bande à Bonnot, la fête à la grenouille, etc.

Il convient cependant de faire un choix. À tout prendre, je mets donc les puristes de mon côté en utilisant la bonne préposition, et en n’attirant pas sur moi la désapprobation des censeurs. Et puis, on ne glisse pas sur une merde à chien, on ne s’exclame pas « Fils à pute », que diantre ! Alors utilisons la préposition «de» !

Catégories
Humeur Littérature

Blâme et éloge de la mouche

« Va-t’en, chétif Insecte, excrément de la terre »

C’est en ces termes que le lion s’adresse au moucheron dans la fable de Jean de La Fontaine. On voit, chez le moraliste toujours, combien le misérable insecte est de surcroît gonflé d’orgueil !

S’il est vrai que la mouche peut s’avérer être un redoutable adversaire que pas même la force léonine ne peut vaincre, tout porte à croire qu’elle s’efforce pourtant de rechercher inlassablement un but unique : se faire exploser à coups de tapette si opportunément dite à mouches.

Depuis que je vis à la campagne, du printemps à l’automne, il n’est pas un instant qui ne me fait déplorer la si vaine existence du diptère (précisons que d’aucuns – pour rester dans les bornes étroites de la politesse – disent « sodomiser les diptères » pour « enculer les mouches », improbable préoccupation qui a pourtant ses adeptes… ). Pas un jour, disais-je, qui ne me fait regretter l’inopportun insecte : il vrombit systématiquement au plus près de mes tympans lorsque je tente de lire un livre ou de travailler sur mon ordinateur. En ces périodes troublées, je ne peux d’ailleurs pas regarder une vache dans les yeux. J’y vois le désespoir morne et résigné de l’animal envahi, qui n’a pas su inventer la tapette ou le papier tue-mouches pendouillant si inélégamment dans nos cuisines.

Chaque fois que la mouche se rappelle à mon bon souvenir, je m’étonne de l’opiniâtreté de celle-ci : aussitôt chassée, elle revient derechef. Je voudrais alors que la formule jupitérienne (disons sartrienne) ait la capacité de chasser ce symbole du remords : « Abraxas, galla, galla, tsé, tsé ». Mais rien n’y fait. Alors je frappe, petit Jupiter à tapette à mouches (celle dont le milieu est orné d’un visage et dont le rictus ridicule saisit l’ennemi foudroyé au moment de la mise à mort), je frappe et frappe jusqu’à éviscérer mes proies. C’est une hécatombe de petits boyaux qui s’étalent sur les vitres déjà maculées des déjections d’insectes soulagés. Ah ! il porte bien son nom ce scatophage stercoraire (la mouche à merde) dont les menus gastronomiques sont sur papier hygiénique. Quelle image du cycle de la vie puisque La larve de la mouche vit dans les matières organiques en putréfaction (je fais du Michel Houellebecq : je plagie un article sur la mouche) ! Dans la merde tu naquis, dans la merde tu trépasses.

Mais le soulagement est aussi vif que bref. Aussitôt mouches nouvelles de surgir. C’est un véritable fléau biblique. Le dieu des Hébreux avait envoyé des mouches piqueuses et suceuses pour punir les Égyptiens ; je n’ai droit qu’à la mouche à merde. La malignité divine me refuse ses créations les plus subtiles. Je ne désarme pas pour autant. Je suis devenu Sisyphe imprécateur : « Va-t’en, chétif Insecte, excrément de la terre » répété-je à mon tour. Mais l’inanité, la vanité de ma rage me fait repartir la tapette basse, je m’avoue vaincu (« La puissance des mouches : elles gagnent des batailles, empêchent notre âme d’agir, mangent notre corps » écrivait Pascal) et je me souviens que la mouche est éminemment littéraire. L’on a déjà évoqué La Fontaine ou Sartre. Il y a Rimbaud et ses « mouches éclatantes / Qui bombinent autour des puanteurs cruelles ». Il y a aussi William Golding et Sa Majesté des Mouches régnant sur les enfants libres…

Force est de constater que l’insecte fascine, et pas seulement l’entomologiste. Lucien de Samosate en fit même l’éloge. Il faut reconnaître que certains points sont particulièrement convaincants :

Dans ses amours et son hymen, elle jouit de la plus entière liberté : le mâle, comme le coq, ne descend pas aussitôt qu’il est monté ; mais il demeure longtemps à cheval sur sa femelle qui porte son époux sur son dos et vole avec lui, sans que rien trouble leur union aérienne.

Salvador Dali voyait dans les mouches ce qu’il appelait « les fées de la Méditerranée » (l’insecte évoquerait même, parait-il, la méthode paranoïaque-critique). Au reste – et c’est la première fois, si j’ose dire, que j’ai commencé à regarder l’insecte dans les yeux – La mouche (le remake de Cronenberg), est aussi le titre d’un film dans lequel un homme inventant une machine permettant de se téléporter devient un être mi-homme mi-mouche.

Enfin le dictionnaire rappelle, par sa polysémie, la richesse du mot. La mouche n’est pas qu’un vil insecte. C’est également un petit morceau de taffetas noir qui faisait ressortir la pâleur des beautés du grand siècle (Verlaine en parle de cette mouche « Qui ravive l’éclat un peu niais de l’œil »). C’est enfin l’espion (le mouchard) dont les romans de Jean-François Parot offrent un bel exemple : Tirepot, portant deux pots et une ample robe de toile, monnaye au badaud parisien la possibilité de se soulager. Faisant ainsi la causette avec ses clients, il sait beaucoup de choses sur la capitale et devient la mouche du commissaire Nicolas Le Floch.

Et puis le mot « mouche » abonde dans de charmantes expressions : prendre la mouche, faire mouche, faire la mouche du coche, etc.

Mais quelque littéraire que soit la mouche, aussi polysémique soit-elle, que l’on voie en elle des trésors d’imagination, l’insecte ne peut faire oublier l’importunité de son obstinée présence. C’est ce que me rappelle la radio qui diffuse Alanis Morissette qui, voulant chanter l’ironie de la vie, s’écrie : « It’s a black fly in your chardonnay ». Quelle poétesse !

Catégories
Humeur Informatique Non classé

Internet tel que je l’utilise

Paranoïaque ?

Depuis quelque temps, quand j’utilise internet, j’ai le comportement d’un paranoïaque. Je ne sais pas à quoi cela est dû (vraiment je ne vois pas…), mais j’ai une fâcheuse tendance à penser que je ne peux plus faire comme avant, qu’il est temps de changer de comportement.
D’une certaine façon, c’est un peu comme à l’époque où on ne faisait pas de sauvegardes. C’était l’insouciance. Et puis, un jour, il est devenu évident que cela était nécessaire, que si l’on voulait conserver toutes ces précieuses choses que l’on confie à sa machine, il fallait vraiment prendre conscience de la nécessité de les sauvegarder. Pas seulement sur un disque externe quand on veut bien y penser, mais quotidiennement. Une bonne sauvegarde incrémentale et automatique ! Pour ma part, j’en ai deux : une avec Time Machine, une autre avec Personnal Backup. Deux disques durs donc. Et une autre sur internet, car si ma maison brûle, mes sauvegardes également ! Alors j’envoie tout ce à quoi je tiens sur internet. Mais c’est une sauvegarde chiffrée, parce que je ne veux pas que tout le monde puisse intercepter mes données. C’est tellement facile de sniffer le réseau…

Et voilà que je me mets à m’inquiéter de nouveau. Évidemment, on me répondra que pas grand-monde ne s’intéresse aux photos de la petite dernière ou d’ailleurs à tout ce qui m’est personnel. Et, de fait, internet regorge de réflexions de ce genre. Elles pullulent benoîtement : « Je n’ai rien à cacher », « Les VPN servent à cacher que je n’ai rien à cacher », et autres réflexions de ce genre qui justifient toutes les intrusions dans notre vie privée sous le prétexte que nous n’avons rien à cacher.

Pourquoi s’inquiéter ?

Je n’ai donc effectivement rien à cacher, mais c’est encore à moi de déterminer si ce rien doit être exposé ou caché voire exploité dans une base de données à des fins publicitaires. Alors que je me demandais comment chiffrer mes emails, je suis tombé sur cet article expliquant pourquoi nous devrions les chiffrer. L’auteur y explique que, faisant son service militaire dans les transmissions, « les standardistes avaient branché un amplificateur de guitare sur la ligne d’une des cabines publiques »… Et tout le monde de se marrer en écoutant les conversations (voir notamment la partie «Bon, d’accord. Mais qui aurait intérêt à lire mes courriels ? Je n’ai rien à cacher»). Mince alors…

Récemment, la lecture de ces quelques articles a achevé de me convaincre : l’un de Numerama sur les Big Brother conviviaux, l’autre de la CNIL proposant de vous révéler vos traces, un autre enfin de Numerama (encore) sur un rapport de l’ONU non approuvé par la France. Mais, à dire vrai, il n’y a rien de nouveau. Le jour où j’ai découvert tout ce que Google Analytics révélait sur nos visites, j’ai été effaré. Sincèrement, à part votre nom et votre adresse, que manque-t-il ? Je sais combien de temps vous êtes resté sur mon site, comment vous y êtes arrivé, sur quelle page vous avez quitté le site, combien de pages vous avez visitées, je connais votre système d’exploitation, votre navigateur, la résolution de votre écran, la version de flash installé, etc., etc.

Au moment même où j’écris ces lignes, je trouve sans cesse de nouvelles raisons de conforter mon opinion (la neutralité du net en une image, L’internet européen à la carte). Et on se prend à constater que les choses ne sont pas prêtes de s’arranger…

La neutralité du web en une image

Au diable les filtres !

Et il existe encore une autre raison de s’interroger sur la manière à laquelle on accède à internet. C’est lorsque l’on est confronté aux filtres. Qui n’a jamais pesté contre un web filtré ? À en juger d’après les nombreuses réactions ou demandes de collègues, on peut penser qu’ils sont nombreux ceux à qui l’on dénie et le plein accès au web et la capacité à décider par eux-mêmes ce qu’ils peuvent voir et ce qu’ils ne peuvent pas voir.

En ce qui me concerne, je ne comprends pas un traitre mot au discours qui m’est tenu à propos du filtrage du net : dans un établissement scolaire, il s’agirait d’empêcher les élèves (et a fortiori les enseignants) d’accéder à des sites qui n’auraient aucun intérêt pédagogique.

Ah !? Parce qu’il y a quelqu’un, quelque part, sachant ce qui revêt un intérêt pédagogique ou pas ? Parce que moi je l’ignore (je ne parle évidemment pas de tout ce que la morale réprouve et qu’il est plutôt facile de bannir). Peut-on même savoir quel chemin l’activité pédagogique va-t-elle emprunter ? Moi, je fais feu de tout bois : Facebook, Twitter, YouTube, un obscur blog, un improbable site, tel ou tel forum nourrissent ma réflexion et stimulent mon désir d’enseigner. En revanche, quand je tombe sur une page m’expliquant que je n’ai pas le droit d’accéder à telle page parce que quelqu’un quelque part en a décidé ainsi, cela me fait sortir de mes gonds. Je me suis déjà vu à plusieurs reprises refuser l’accès à tel ou tel site parce qu’on avait pensé que ce n’était pas pédagogique. Eh quoi ! Raphaël ou Waterhouse ne seraient pas pédagogiques (si si, ça m’est arrivé) ? Une recherche sur les composants vieillissants de la machine qui m’est confiée est interdite ? Que de fois je n’ai pu voir tel ou tel site parce que le filtrage est mal conçu, parce qu’il est inefficace ? Car il faut bien le constater : on trouve durant sa navigation sur le web ce qu’il ne faudrait pas, et on y trouve pas ce qu’il faudrait…

Au diable les filtres donc !

J’ai alors recherché ce qui me permettrait de naviguer sur internet sans laisser tant de traces. J’ai aussi cherché ce qui me permettrait d’utiliser internet sans avoir à subir les limitations imposées par un administrateur réseau. Il faut dire qu’on en parlait  beaucoup au moment des révolutions tunisiennes et égyptiennes. En 2005, Reporters sans frontières avait à ce sujet publié un très intéressant guide, Le Guide pratique du blogger et du cyberdissident qu’il est temps de ressortir ! Quelque temps avant, Hadopi puis Lopsi soulevaient chez les internautes de nombreuses et légitimes questions.

Donc, de manière générale, je veux pouvoir naviguer sur internet en toute sécurité et privauté, cela de façon privée et sans limitation. Comment faire ? Voici quelques réponses. Mais notez bien que mon objectif n’est pas de vous expliquer le fonctionnement des différents logiciels que je vais évoquer, mais de vous indiquer qu’ils existent, et peut-être de vous inciter à les utiliser.

Firefox

Votre navigateur vous permet-il d’accéder à internet sans avertir la terre entière de ce que vous faites ? Rien n’est moins sûr…
Il me semble que la première des choses à faire est d’adopter la recherche SSL. Tout ce que vous recherchez sur Google est alors chiffré (encrypté comme l’on dit si mal). Ni l’administrateur réseau, ni votre fournisseur d’accès à internet ne pourront (a priori) savoir ce que vous faites (pour en savoir plus sur Google SSL).
Ensuite, je vous recommande Firefox, pour lequel il existe une série de plugins destinés aux plus paranos d’entre nous. On ne présente évidemment plus l’indispensable Adblock qui supprime toutes les publicités intempestives. Précisons au passage que si vous utilisez Hotspot Shield (un VPN gratuit), vous ne serez pas gênés par les publicités qu’il vous impose en contrepartie de sa gratuité.

Parce que certains scripts exploitent des failles de sécurité, NoScript ne permet l’utilisation du JavaScript que sur les sites pour lesquels vous avez confiance, BetterPrivacy se charge des cookies divulguant vos habitudes de navigation, HTTPS-Everywhere est à utiliser pour les mêmes raisons que j’ai exposées ci-dessus à propos de Google, mais cette fois étendues aux autres sites : vous utiliserez https pour tous les sites ou presque (remarquez que Twitter propose cela dans les paramètres).

Je vous conseille donc vivement ces plugins, mais sachez qu’il en existe bien d’autres.

Tor

En plus de tout cela, une solution simple consiste à installer Tor sur votre ordinateur. C’est d’une simplicité enfantine, à condition d’avoir un plein accès à votre machine, et non à un espace alloué sur un serveur avec des droits limités. Et encore ! Si d’aventure vous ne pouvez rien installer sur votre ordinateur, vous avez toujours la possibilité d’utiliser Tor sur une clef USB. Il n’y aucune installation. Juste à déplacer ce que vous aurez téléchargé sur ladite clef (pour le reste, voyez la vidéo sur le dernier lien).
Vous pourrez alors surfer (relativement) anonymement durant votre navigation sur le web et accéder à ce que bon vous semble. Comme on peut le voir grâce à cette capture d’écran, la CNIL pense que mon adresse IP est 80.237.226.74 alors que ma véritable adresse est … (je ne vais quand même pas vous donner mon adresse) , et même que je viens de Hambourg !

 

Les traces selon la CNIL

 

Si toutefois vous avez des difficultés à installer Tor – ou plus exactement Vidalia, voyez le site Journal de bord qui vous expliquera à la fois ce qu’est Tor et comment configurer votre réseau, le proxy notamment (les explications sont destinées aux utilisateurs de Macs, mais vous pouvez sans trop de difficultés les adapter à Windows).

Les VPN

Je vous l’ai dit, je ne vais pas vous expliquer tout cela, sans quoi cet article deviendrait excessivement long. Si vous ne savez pas ce qu’est un VPN (Virtual Private Network), lisez l’article de Wikipédia ou encore Le blog du VPN.

 

VPN (wikipédia)

 

Si vous savez que ce «tunnel» vous permet de naviguer de façon confidentielle, vous voudrez peut-être savoir lequel choisir. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a pléthore. Ce site (béni soit-il) vous propose un large éventail de choix. Certains sont payants, d’autres non. J’ai déjà évoqué Hotspot Shield. Il est gratuit. HydeMyNet semble connaître un certain succès. J’utilise actuellement VPNTUNNEL. En tout cas, le mérite du VPN est certain : si vous voyagez en Chine, si vous voulez accéder à des sites de streaming en anglais, le VPN est fait pour vous (pour 5 $ par mois). Attention, on ne vous autorise pas pour autant à faire du P2P (donc du téléchargement illégal).

Les mails

Chiffrer ses mails n’est pas forcément évident. Cet article vous expliquera tout ce que vous avez besoin de savoir. Le meilleur moyen de le faire est GnuPG, mais ce n’est franchement pas simple à mettre en place.
Il est plus sage d’envisager l’achat d’un certificat (ce que Mail ou tout autre logiciel de messagerie gèrent très bien).

Sur Mac, ce petit logiciel (payant) est fort sympathique et fait très bien l’affaire. Si aucune des solutions proposées ne vous convient, vous pouvez encore plus simplement faire une image avec l’Utilitaire de disque (désolé, c’est encore sur Mac) protégée par mot de passe à envoyer en pièce jointe, dans laquelle vous aurez glissé vos messages.

Utilitaire de disque

Pour finir

Il existe encore de très très nombreuses façons de procéder. Je ne vous ai fait part que des plus évidentes, de celles que j’utilise le plus souvent. Il existe aussi bien d’autres mesures à prendre : protéger sa session par un mot de passe bien sûr, mais il faut aussi penser à la sécurisation des mots de passe avec un logiciel idoine (j’utilise mSecure, mais il y en a d’autres comme 1Password. On pourrait continuer ainsi longtemps ! Pensez à la frêle clef WEP qui protège votre réseau !

Avouons cependant une chose. En prenant les précautions susmentionnées, que ce soit avec Tor ou un VPN, la qualité de votre de débit de connexion s’en ressentira. Vous aurez inévitablement un ralentissement. C’est le prix à payer.

Pour finir, on pourrait aussi se demander d’où vient ce besoin de discrétion sur le web.

J’ai vaguement mentionné le printemps arabe, et l’importance du numérique lors de ce soulèvement populaire, ainsi que des moyens techniques pour contourner les limitations imposées par les gouvernements encore en place à ce moment. Actuellement, sur certains forums, il n’est pas rare de trouver des demandes d’aide de ressortissants français vivant en Chine (par exemple) ne pouvant accéder à des sites comme Facebook. En France,  les récentes lois Hadopi puis Lopsi ont contribué à faire de la France un pays où internet (en tout cas celui que nous connaissons) est menacé. Aussi nombre de gens se sont-ils demandé comment faire pour échapper à des mesures inquiétantes pour leur  vie privée.
À l’époque d’Hadopi, quelqu’un (je ne sais plus qui, c’était dans Le Monde) avait expliqué qu’une telle loi réussirait à déstabiliser un réseau conçu pour résister à une attaque nucléaire. Plus simplement, et mythe fondateur mis à part, il est plus probable que le tout venant (moi en l’occurrence) s’est intéressé à la cryptographie, ce que ne faisait que les gens en danger ou les malfrats…

Catégories
Humeur Littérature Non classé

Qui fera la part du feu ?

En écrivant cet article sur Céline, j’ai voulu montrer qu’il était nécessaire de montrer (oui, je sais…) que Céline était un grand écrivain, et qu’à ce titre, il était digne d’être célébré, sans que la république n’encourût quelque regrettable flétrissure.

Dans le même temps, j’ai lu çà et que Céline était un immense auteur, mais aussi un sale type, ce qui m’a posé deux problèmes. D’une part, il n’était plus nécessaire de faire la démonstration du génie littéraire de Céline alors que j’ai pourtant souvent lu qu’on lui déniait cette qualité ; d’autre part, il fallait faire un sort à cette accusation biographique réduisant la vie d’un homme à ces deux mots : sale type.

Tout d’abord, l’œuvre. Si elle est géniale, point besoin d’ergoter. Il faut la célébrer en tant que telle. Encore faut-il distinguer l’œuvre littéraire des pamphlets qui sont, eux, absolument illisibles, infects, et n’ont précisément aucun intérêt littéraire.

Ensuite, l’homme. ll faudrait tout d’abord faire la démonstration que Céline est un sale type, ce qui n’est, à mon avis, pas si évident. Et avant même de se demander si l’auteur de Mort à crédit est un sale con, je voudrais qu’on se demande si, avant de lire un livre, on cherche à savoir si l’auteur est un type bien ou non.

Prenons un exemple concret. Ronsard est-il un con ?

Passée l’incongruité de la question, vous vous prêterez comme je l’ai fait à l’exercice, et vous en chercherez un témoignage. Dont acte. Je cite, c’est dans Les Amours :

Je n’aime point les Juifs, ils ont mis en la croix

Ce Christ, ce Messias qui nos pechez efface,

Des Prophetes occis ensanglantés la place,

Murmuré contre Dieu qui leur donna les loix.

Fils de Vespasian, grand Tite tu devois,

Destruisant leur Cité, en détruire la race,

Sans leur donner ny temps, ny moment ny espace

De chercher autre part autres divers endroits.

Jamais Leon Hebrieu des Juifs n’est prins naissance,

Leon Hebrieu, qui donne aux Dames cognoissance

D’un amour fabuleux, la mesme fiction :

Faux trompeur, mensonger, plein de fraudes et d’astuce

Je crois qu’en luy coupant la peau de son prepuce

On luy coupa le cœur et toute affection.

À lire un tel sonnet, je ne pense pas qu’on puisse célébrer les cinq cents ans de la mort du poète en 2085, l’antisémitisme étant trop évident.

Évidemment, je n’ignore pas qu’entre Ronsard et Céline, il y a une différence de taille : le premier n’appelle pas au meurtre (encore que le deuxième quatrain ne me paraît pas innocent). Mais enfin, considérera-t-on un jour que les œuvres du passé sont entachées du poids du passé, un passé insupportable, mais un passé qu’on ne peut refouler, car c’est ce que veut Serge Klarsfeld ; un passé qu’on ne peut censurer (c’est le cas de Tintin au Congo) ; un passé qu’on ne peut réécrire (c’est le cas d’Huckleberry Finn) ; un passé qu’on ne peut ignorer, comme c’est le cas de Jules Verne pour lequel je n’entends nul reproche, et je finirai sur ce sinistre exemple plein d’un racisme aisément circonscriptible à une époque donnée, extrait de L’Île mystérieuse :

Le personnage de Nab est un « Nègre » (p. 16). Il est d’une fidélité canine à toute épreuve (la métaphore est plus que suggérée tout au long du roman) : « Quand Nab apprit que son maître [l’ingénieur Cyrus Smith] avait été fait prisonnier, il quitta le Massachusetts sans hésiter, arriva devant Richmond, et, après avoir risqué vingt fois sa vie, il parvint à pénétrer dans la ville assiégée » (p. 16), ou encore, croyant que son maître était mort, il refuse toute nourriture : « Privé de son maître, il ne voulait plus vivre ! » (p. 32). Quand les rescapés adoptent un singe pour le domestiquer, le serviteur réagit en ces termes :

« – Ainsi, dit Nab, c’est sérieux, mon maître ? Nous allons le prendre comme domestique ? – Oui, Nab, répondit en souriant l’ingénieur. Mais ne sois pas jaloux ! » (p. 135)

Que conclure ? La réponse est difficile, mais je suis persuadé qu’on ne peut pas se débarrasser de la question comme on le fait aujourd’hui avec Céline. La seule question digne aujourd’hui d’être posée est la suivante : l’écrivain qui a écrit ces horreurs sur les Juifs a-t-il pu écrire quelques-unes des plus belles pages de la littérature ?

Catégories
Humeur Littérature

Où l’on voit qu’il faut célébrer Céline

Céline a été exclu des célébrations de l’année 2011. Si l’on veut s’opposer à cette exclusion, il faut mettre en avant le fait que Céline est un grand écrivain, et que ses chefs-d’œuvre l’emportent sur toute autre considération. Malheureusement, il faut encore le prouver. Cette nécessité montre assez, dans le meilleur des cas, la mauvaise lecture qui a été faite de Céline. Dans le pire des cas, il faudra admettre que les contempteurs de Céline en parlent sans l’avoir lu. En effet, trop souvent, les gens balaient d’un simple revers indigné l’œuvre de Céline sous le prétexte que l’auteur est antisémite. Et de s’abstenir de lire.

On ne peut pas le nier. Il suffit de lire les premières lignes de Bagatelles pour un massacre, et l’on comprendra que cet auteur est infréquentable. En d’autres termes, et pour aller vite, c’est un sale con raciste.

Et alors ? Quand bien même ! Suis-je obligé d’admirer l’auteur – et d’agréer dans le même temps toute sa biographie – pour apprécier une œuvre ? La littérature de Socrate à Céline précisément n’est-elle pas un vivier d’individus narcissiques, névrotiques, drogués, racistes, meurtriers, j’en passe et des meilleurs ? La littérature doit-elle d’ailleurs se contenter d’exprimer en un langage fleuri des sentiments délicats qui ne choqueront personne ? Lisez ou relisez La littérature et le mal de Georges Bataille et vous verrez que la littérature ne connaît aucune limite quant au dicible et à l’indicible : elle est « comme la transgression de la loi morale, un danger. Étant inorganique, elle est irresponsable. Rien ne repose sur elle. Elle peut tout dire ».

Mais qu’importe, car les pamphlets de Céline – ce sont ces livres-là qui posent un problème, le reste pouvant affronter l’éternité sans encourir l’ombre d’une flétrissure – ne sont pas de la littérature. Ils ne nous intéressent pas, ils ne nous intéressent plus, ils n’intéressaient même plus leur auteur qui ne souhaitait pas les voir republier. Ils sont tout juste bons à sombrer dans les oubliettes de l’histoire avec la droite maurassienne et le mot nègre si vite retiré des nouvelles éditions américaines d’Huckleberry Finn.

Il nous reste une œuvre, celle-là même qui est publiée dans la pléiade aux côtés de Marcel Aymé ou de D.A.F de Sade. Et cette œuvre tient du chef-d’œuvre. S’il faut encore le prouver, on se demandera ce qu’est un chef-d’œuvre, parce que manifestement il faut encore prouver que les livres de Céline en sont.

Un chef-d’œuvre est une œuvre qui a survécu aux années voire aux siècles, qui s’est enrichie des lectures qui en ont été faites ou même des polémiques. Notre lecture a chargé l’œuvre d’un poids qu’elle n’avait pas. En somme, un livre ne naît pas chef-d’œuvre. Il le devient, mais contient naturellement en lui tout ce qui lui fera franchir les années.

Un chef-d’œuvre est aussi un livre qui, tout en jouant avec les codes d’un genre littéraire, en est à la fois l’accomplissement et l’ouverture sur un autre. Le Voyage au bout de la nuit n’est-il pas tout ça ? N’est-ce pas un livre qui, tout en reprenant le genre du roman picaresque, le renouvelle de fond en comble en étant à la fois une réécriture de Candide de Voltaire (voir à ce sujet le livre magnifique de Marie-Christine Bellosta Céline ou l’art de la contradiction).

Si le livre est un jeu intertextuel, il n’en propose pas moins une lecture de son époque de la guerre, de la psychanalyse, de la colonisation ou du nouvel Eldorado qu’est alors l’Amérique. Et ce qu’il dit, il le dit dans un langage, une musique, un style comme il y en a deux par siècle. Céline, dit-il lui-même, publie alors le roman qu’auraient dû écrire les surréalistes. Et ce roman n’en finit pas de nous parler, de nous faire parler.

C’est un chef-d’œuvre donc, comme Mort à crédit, comme D’un Château l’autre. Il faut les célébrer, malgré qu’on en ait. Et si vous n’aimez pas ces livres, lisez au moins les points de suspension. Encore que même ces signes typographiques ont réussi à choquer…

Catégories
Éducation Humeur Informatique

Le cahier de textes numérique

J’ai trouvé la lecture du Bulletin officiel du 9 septembre 2010 sur le cahier de textes particulièrement instructive, et je ne suis manifestement pas le seul !

Précisant les modalités de sa mise en œuvre, ce bulletin rappelle à notre bon souvenir ce qu’est un cahier de textes aujourd’hui, grâce à l’informatique (il faut dire que le dernier bulletin datait du 3 mai 1961).

Ce qui a le plus choqué, et à juste titre, c’est que l’enseignant soit enjoint à livrer dans le futur cahier de textes numérique « tout document, ressource ou conseil à l’initiative du professeur, sous forme de textes, de fichiers joints ou de liens » ! Il s’agit, en somme, d’envoyer sur internet des fichiers dont nous n’avons pas les droits. C’est à se demander comment il est possible qu’une telle proposition n’ait pas heurté le bon sens des têtes pensantes du ministère !

À lire ce bulletin, on comprend aussi que le cahier de textes sera être un véritable chef-d’œuvre : doivent évidemment y figurer le travail réalisé, mais aussi le travail à faire, le tout accompagné – on l’a vu – de plein de fichiers illégaux (cf. ci-dessus). On nous demande également d’accorder un soin tout particulier à la mise en page : « polices de caractères, soulignement, couleurs, etc. » (au cas où quelqu’un aurait souhaité faire un truc répugnant à l’œil).

En outre, « Les textes des devoirs et des contrôles figureront au cahier de textes, sous forme de textes ou de fichiers joints. Il en sera de même du texte des exercices ou des activités lorsque ceux-ci ne figureront pas sur les manuels scolaires ».

Les manuels scolaires… C’est bien ça… Ce cahier de textes sera un véritable manuel scolaire !

Personnellement, ça ne me dérange pas plus que ça. Évidemment, ça va râler dans les salles de profs ou les forums d’enseignants, et je le comprends. Malheureusement, la mauvaise foi de certains d’entre eux est malvenue. J’ai lu la réaction d’un enseignant qui disait : « et maintenant il faudrait que j’utilise mon abonnement internet et mon ordinateur pour remplir des cahiers de textes ». Ah ! Comme si on payait encore un forfait à la connexion ! Comme si notre ordinateur allait souffrir de la nouvelle (j’ai écrit « nouvelle » ?) nécessité de remplir son cahier de textes !

Mais ont-ils vraiment tort ces enseignants qui rechignent ? Pas tout à fait. Les enseignants sont énervants à râler dès qu’on leur demande quelque chose, mais je dois quand même reconnaître ceci : on demande toujours plus à l’enseignant, sans pour autant revaloriser un salaire sans rapport avec les vicissitudes de la vie. Au reste, la dernière fois qu’un inspecteur est venu me voir, il n’en avait rien à faire de mon cahier de textes numérique. Même pas regardé ! Pourtant il y avait tout : la mise en page, les liens, et tutti quanti !

J’ai plus ou moins abandonné finalement, essentiellement parce que le collège a depuis investi dans un logiciel à l’interface archaïque et peu ergonomique qui ne permet pas tout à fait ce que demande le Bulletin officiel. Et, compte tenu des travaux que connaît notre établissement, on ne peut pas encore l’utiliser (le serveur déménage).

À propos d’informatique, quelques mots pour finir. Je veux bien admettre la nécessité d’évoluer dans nos pratiques. Ce qui me gêne, cependant, est le peu de matériel figurant dans les collèges. Dans la salle des profs, il y a trois ordinateurs que l’ex-RDA aurait méprisés (je le redis, juste pour le plaisir, où diable le Conseil général est-il allé chercher des écrans à tube cathodique ?) pour une cinquantaine de profs. S’il n’y a pas d’ordinateurs, comment fait-on ? En somme, on met la charrue avant les bœufs, mais le ministère se dit peut-être que les bœufs sont déjà là…

Il se trouve que les bœufs ont pratiquement tous un ordinateur portable. En revanche, ils n’ont pas tous envie de l’utiliser ou même de l’amener. Encore une fois, ça se comprend : chez nous, il n’y a pas de serrure dans notre collège rénové, mais pas fini (quelqu’un a oublié de commander les barillets)… Alors, moi, mon ordinateur, je l’ai sur moi en permanence, même pour aller aux toilettes.

Pour finir ce billet (je ne voudrais pas que l’on pense que je suis rétif au cahier de textes numérique), je voudrais donner un modeste aperçu de ce à quoi devrait ressembler un cahier de textes (si j’ai bien tout compris) :

Mercredi 8 septembre 2010

Séance 1° (fin)

Leçon 1 : La chanson de geste

Lecture du poème de Victor Hugo

Distribution du texte et du questionnaire de la séance suivante pour ceux qui veulent se mettre en avance.

Pour le lundi 13 septembre, apprendre la leçon 1

Qui voudrait faire un tel travail pour le même salaire ? Si je le fais, c’est parce que j’en ai envie, mais on ne saurait contraindre qui quoi que ce soit à réaliser ce travail de cénobite. Qui a envie d’utiliser les mochissimes logiciels scandaleusement vendus pour faire cela ? Ne pourrait-on trouver un logiciel élégant, simple, ergonomique ? Libre ? J’avoue ne pas m’être penché sur la question.