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Pourquoi il faut mettre ses cours en ligne

La semaine dernière, ma fille aînée s’est cassé le bras. Elle s’est fait terriblement mal, n’est pas allée en classe et a manqué quelques jours de classe. Elle a dû alors rattraper les cours qu’elle n’avait pas suivis. Or la chose n’est pas aisée. Nombre d’enseignants voudraient le croire, nombre d’entre eux vous expliqueront qu’ils se débrouillaient tout seuls quand ils étaient élèves (éventuellement avec des insultes, mais ils vous l’expliqueront ou, plus précisément, ils vous assèneront leur opinion avec insulte éventuellement).

Il me semble que la plupart des difficultés rencontrées par un élève qui a été absent pourraient disparaître si les cours des enseignants étaient en ligne. Le présent billet ambitionne d’expliquer pourquoi. Un autre expliquera comment.

Mettre ses cours en ligne

En « discutant » sur Twitter, j’ai pu constater un premier quiproquo. Quand je dis « mettre les cours en ligne », j’entends par « cours » tout ce qui pourrait prendre place dans un cahier ou un classeur. Cela comprend les documents que vous auriez pu photocopier ainsi que la leçon que vous avez dictée ou faite en classe, ce qu’on nomme parfois si disgracieusement la « trace écrite ».
Il va de soi que cette « trace » n’est que le pâle reflet de ce qui fait toute la richesse d’un cours : la stratégie pédagogique mise en œuvre, les explications orales, les interventions des élèves, etc. À moins que vous ne soyez jusqu’au-boutiste, vous n’allez tout de même pas placer une webcam dans votre salle pour tout filmer et mettre sur YouTube ! Outre les problèmes que cela pourrait poser (droits, poids du fichier…), ça aurait un petit côté NSA. Notez tout de même que la chose serait assez aisée : placez une tablette, allumez la caméra et diffusez.
Mais, par pitié, n’invoquez pas votre salaire pour ne rien faire. J’expliquerai dans un autre billet comment mettre des cours en ligne en 2 minutes chrono, mais quoi qu’il en soit il faut bien admettre que le numérique ne doit pas constituer nécessairement une charge de travail (ce qui peut bien souvent être le cas), mais au contraire aider l’enseignant à faire les choses mieux, plus vite et plus efficacement. Dans le cas contraire, à quoi serviraient les machines ? Pourquoi avoir des ordinateurs ?

À ce propos, il faut se sortir de la tête l’idée fausse que les machines remplaceront les enseignants. Pascal Labout, dans son documentaire L’école du futur, a bien montré ce qu’il en était quand d’aucuns envisageaient de mettre des élèves sans professeur face à des ordinateurs. Sans véritable contact humain, l’enfant s’appauvrit, déprime et n’apprend pas. Développer ce point m’amènerait assez loin de mon sujet, mais je crois fortement, comme je l’ai lu chez Clive Thompson dans Smarter than you think, que l’homme doit travailler avec la machine. L’homme est alors une sorte de centaure (tenant à la fois de l’humain et de l’ordinateur) dont j’ai un peu parlé dans l’article Dialogue sur le numérique à l’école.

Le cours en ligne

Le cours en ligne ne se substitue pas au véritable cours (comment le pourrait-il ?), mais constitue un prolongement assez banal du processus d’apprentissage, le même qui fait qu’un élève possède un cahier. C’est d’ailleurs là la fonction de l’écriture, celle de permettre d’inscrire durablement les choses dans la mémoire. Rien de neuf depuis Socrate. Un élève a besoin d’apprendre lorsqu’il rentre chez lui, et sa mémoire n’étant pas infaillible, il a besoin de noter ce qui a été dit.
Il peut avoir mal noté, il peut avoir oublié de noter quelque chose, il peut avoir mal compris, il peut n’avoir pas noté et ce sont alors les parents qui auront peut-être le besoin de savoir ce qui a été noté, si d’aventure l’enfant essaie de se dérober à la charge de travail qui lui incombe. Et s’il a été absent, il n’a évidemment rien noté du tout.

Il y a donc une réelle nécessité, pour telle ou telle raison, de pouvoir accéder au travail qui a été fait. La technique le permettant aisément, il n’y a aucune raison pour qu’on ne donne pas cet accès. Cela d’autant plus que le cours en ligne se partage, il se diffuse, il s’enrichit des commentaires des visiteurs. Et en cela, il y a du neuf depuis Socrate : l’écrit ne fixe plus une pensée qui abandonne la richesse du dialogue (1). Vous pouvez alors nuancer, expliquer à nouveau et même vous corriger. Quand on partage un cours sur Evernote, par exemple, un élève ou un parent peut à tout moment poser une question. À ce propos, je peux vous affirmer que depuis le temps que je donne mon adresse email, personne n’en a abusé. Ma vie privée n’est pas violée, perturbée, envahie par le domaine professionnel. De temps à autre, une question est posée : « Monsieur, c’est bien ça qu’il faut faire ? », « Monsieur, c’est bien ceci qu’il fallait comprendre ici ? », et c’est à peu près tout.

Les élèves présents ont donc besoin de vous, mais si ceux-là ont ce besoin que dire des élèves qui n’étaient pas là ?

Les absents

Ils ont toujours tort. C’est à ce point que, dès qu’on parle d’absent, on pense absentéisme. Même, parfois, ce dernier remplace le premier. On parle d’absentéisme, comme on parle de technologie au lieu de technique, de problématique au lieu de problème, etc. L’absent est suspect. Où était-il ? Était-il absent pour un véritable motif ?
Pire encore. L’enseignant estime bien souvent que l’élève doit se débrouiller pour rattraper les cours. Il estime que c’est LE travail de l’élève. Or rien n’est plus faux. Voici pourquoi.

  • Le travail de l’élève consiste à apprendre, pas à dénicher par tous les moyens le cours. L’élève qui a été absent dépense une énergie considérable (non pas à apprendre) mais à contacter (par téléphone, mail, SMS voire les réseaux sociaux) des élèves susceptibles de lui transmettre les cours.
  • Cette transmission doit se faire le plus souvent avant la reprise des cours. L’élève sérieux aura à cœur d’arriver en classe en ayant rattrapé ce qu’il a manqué. Le weekend est donc dévolu à une lente et parfois infructueuse recherche : tel élève ne répond pas, tel autre ne donne qu’une partie des devoirs. Celui-ci a oublié de transmettre telle info (« Au fait, désolé, j’ai oublié de te dire que là, y a contrôle »), celui-là a délibérément omis de transmettre telle partie du cours, rivalité oblige. Si, si ! Vous pouvez me croire. Je suis et enseignant et parent.
  • La photocopie est frappée d’inanité : elle arrive quand l’élève est revenu. L’élève découvre ce qu’il y avait à faire pour le cours qui va être fait. C’est un non-sens. Le rattrapage des cours est une lutte contre le temps : l’absent rattrape le passé pour suivre ce qui va se passer. Je crois que les choses sont assez compliquées, y compris pour un bon élève, pour qu’on ne le laisse pas se dépatouiller ainsi.
  • On ne peut, pour maintes raisons susmentionnées, s’en remettre à des élèves pour qu’un rattrapage soit effectué. C’est un peu pour la même raison que pour les devoirs : si on estime que c’est hors de l’école que le travail doit être effectué, on délègue. On reconnaît que le travail scolaire se fait hors de l’école. C’est, à mon humble avis, un autre non-sens. Un peu comme si on demandait à un boulanger de finir ses baguettes à la maison… Ça n’a pas vraiment de sens. La direction, c’est celle de l’école, pas celle de la maison.

Ce que fait l’Éducation nationale

L’école se désintéresse de la question du rattrapage. Je dis l’école comme je dirais l’institution. Rien n’est mis en place, rien n’est organisé. On s’en remet à la seule bonne volonté des uns et des autres, des élèves, des enseignants ou des parents. Dans le fond, l’institution s’en fout un peu. C’est peut-être pour ça que 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification. Peut-être qu’une aide leur a fait défaut, leur a certainement fait défaut (je sais bien que tel ou tel enseignant se dira que certaines grosses feignasses ne veulent rien faire… mais on n’est pas obligé d’avoir l’élève en suspicion).
Ma fille aînée, toujours, a eu, après une lourde opération du dos, huit mois d’absence (là, c’était beaucoup plus grave que le coude cassé). Que propose l’Éducation nationale ? Un peu de SAPAD qui n’a pas eu lieu ? Un peu de CNED qui vous explique que quand vous êtes sous morphine, vous n’êtes décidément pas très productif ? En fait, seuls les collègues – mes merveilleux et super collègues que je ne remercierai jamais assez – se sont démenés, sont venus à la maison, à l’hôpital pour apporter à ma fille une aide qui plus est gratuite !
Chacun va donc se débrouiller, faire comme il peut et on verra bien. Et que voit-on ? De l’échec scolaire. Quand on a rencontré les chirurgiens pour notre fille, c’est la première chose que l’on nous a demandée : quel est son niveau scolaire ? Car les difficultés scolaires sont bien souvent le lot de tous ces nombreux élèves hospitalisés (2).
Or il devrait exister une prise en charge des élèves absents, une vraie (pas un simulacre) quitte à créer des emplois, ce qui me semblerait une bonne chose, non ? Parce qu’il faut quand même le reconnaître, le seul argument valable qui m’ait été donné sur Twitter, c’est que l’élève a besoin d’explications, d’une véritable aide, pas seulement d’une photocopie ou d’un cours en ligne. Ne pouvant remonter le temps et ne bénéficiant que du seul cahier, l’absent a manqué d’importants moments. Ces moments ne peuvent être récupérés que par un planning dûment organisé, mais un tel planning n’existe pas ou peu. Il va aussi de soi qu’une absence ponctuelle ne saurait avoir autant d’impact que des absences répétées et que la prise en charge ne saurait être la même.

En somme, le cours en ligne n’est qu’un pis-aller, mais c’est toujours mieux que rien.

Notes

1C’est que l’écriture, Phèdre, a, tout comme la peinture, un grave inconvénient. Les œuvres picturales paraissent comme vivantes ; mais, si tu les interroges, elles gardent un vénérable silence. Il en est de même des discours écrits. Tu croirais certes qu’ils parlent comme des personnes sensées ; mais, si tu veux leur demander de t’expliquer ce qu’ils disent, ils te répondent toujours la même chose. Une fois écrit, tout discours roule de tous côtés ; il tombe aussi bien chez ceux qui le comprennent que chez ceux pour lesquels il est sans intérêt ; il ne sait point à qui il faut parler, ni avec qui il est bon de se taire. S’il se voit méprisé ou injustement injurié, il a toujours besoin du secours de son père, car il n’est pas par lui-même capable de se défendre ni de se secourir. (Phèdre)

1 – Je précise que ma fille n’a aucune difficulté scolaire. Je le précise, car je devine aisément qu’on me reprocherait de l’amertume, de l’aigreur (certains l’ont déjà fait) et qu’on me reprocherait de ne m’intéresser à tout cela qu’en raison des résultats de ma progéniture. Merci. Ils sont très bons, mais l’excellence scolaire est le fruit du travail, pas toujours facilité, et en aucun cas des fées qui se sont penchées sur son berceau.

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Prélevez les empreintes digitales de vos élèves.

empreinte

Rendons à César ce qui appartient à César : cette image a été trouvée chez madame Merlin. J’ignore d’où elle provient. En tout cas, j’ai eu l’idée d’en faire ce petit travail mêlant poésie, autobiographie, art et numérique. Voici le plan de la séance.

Objectifs :

  • Créer une fiche originale de présentation de soi
  • Développer le sens artistique des élèves
  • Favoriser l’écriture poétique et autobiographique
  • Rédiger sans aucune erreur et en structurant son texte
  • Se présenter en écrivant une biographie imitant l’empreinte digitale (au double sens du terme : inclure les réseaux sociaux)
  • Poster l’image sur le réseau social de son choix

Déroulement :

  • Observation du modèle, compréhension de sa structure, de son esthétique
  • Écriture d’un brouillon
  • Réalisation (en arts plastiques) de l’empreinte digitale
  • Publication

Questions à poser :

  • Que voyez-vous ? Que représente, selon vous, ce dessin ?
  • Est-ce seulement un dessin ? Qu’y a-t-il d’autre ?
  • À quoi voit-on que c’est une empreinte digitale ?
  • À quoi servent les empreintes digitales (voir éventuellement l’article de Wikipédia) ?
  • Quels mots sont mis en évidence ? Pourquoi selon vous ?
  • De quoi parle l’auteur de ce dessin (après traduction du professeur) ?
  • Ne voit-on que des lignes de mots ? Qu’y a-t-il d’autre (choisir quelques enluminures et calligrammes à montrer) ?

Vocabulaire à retenir :

  • empreinte (à ne pas confondre avec son homophone « emprunte » du verbe « emprunter ») : marque en creux ou en relief laissée par un corps qu’on presse sur une surface (comme une gravure ou une impression). Les empreintes digitales sont la trace laissée par la pulpe des doigts et dont le dessin est dû aux crêtes papillaires. Elles sont propres à chaque individu. Elles permettent une identification précise d’une personne.
  • digital (souvent confondu avec «  numérique »). Le mot vient du latin « digitus »  qui signifie doigt. « digital » signifie donc qui appartient aux doigts, comme dans « empreintes digitales ». Cependant, l’adjectif « digital » (dans le sens de numérique) vient de l’anglais « digit » (nombre) qui vient… du latin « digitus » ! Peut-être parce que l’on comptait avec les doigts…
  • La poésie est un genre littéraire qui par le vocabulaire, le choix des mots, leur disposition, le rythme, les sons, etc. crée un art du langage. Le mot poésie vient du grec « poiêsis » et signifie « création ».
  • Une biographie consiste à écrire (-graphie) la vie (bio-) de quelqu’un (un écrivain, un personne célèbre…). L’autobiographie consiste à écrire soi-même (auto-) l’histoire de sa vie.

empreintes digitales

Évaluation notée :

  • Le texte est lisible et sans fautes d’orthographe : 5 points
  • La ponctuation est correcte : 1 point
  • Le texte est mimétique de l’empreinte (lignes courbes voire concentriques) : 2 points
  • Le texte est autobiographique, il apporte des renseignements variés, originaux, nombreux, etc. : 4 points
  • Des mots sont mis en valeur (utilisation du gras, de couleurs, jeux typographiques) : 2 points
  • L’ensemble est propre (les lignes et le tour faits au crayon à papier ont été effacés) : 2 points
  • L’empreinte est colorée (notamment le fond) : 2 points
  • Des formes originales agrémentent l’ensemble (dessins, formes, enluminures, etc.) : 2 points

Évaluation par compétences :
À préparer

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Comment faire travailler votre enfant pendant les vacances ?

Comme nous sommes en vacances, je vais tenter d’être concis.

J’ai une forte aversion pour les cahiers de vacances. Pour autant, je suis quand même un peu désireux, en parent soucieux de l’éducation de mes enfants, de faire travailler ces derniers.

Sans pour autant sacrifier à d’impérieuses exigences, j’ai eu envie d’utiliser l’iPad pour à la fois passer un bon moment avec la petite dernière mais aussi pour la faire travailler. J’avais également dans l’idée de reléguer au second plan le travail d’écriture, de graphie ou d’orthographe (lesquels seront largement traités tout au long de la scolarité) et d’accorder davantage d’importance à des points importants parfois délégués à des spécialistes extrascolaires, que ceux-ci soient orthophonistes ou conteurs professionnels : l’élocution, la prononciation, mais aussi l’élaboration et la diction d’un récit. Un point non négligeable était à prendre en compte : le travail réalisé ferait l’objet d’une diffusion d’abord familiale (projection sur la télé), puis d’une mise en ligne sur YouTube.

Pour ce faire, nous avons opté pour le spectacle de marionnettes avec l’application PuppetPals HD. Nous avons élaboré différentes séquences (en général correspondant aux changements de personnages) puis nous avons monté le tout dans iMovie.

Voilà ce que ça donne.

Ce n’est certes pas un spectacle hollywoodien qui nuira au dernier blockbuster, mais avouez que si vous êtes arrivé jusqu’ici, c’est que la chose est quand même plus intéressante qu’un cahier de vacances, que vous n’auriez même pas eu envie de regarder. 🙂

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Dialogue sur le numérique à l’école

Platon et AristoteMais alors, le numérique à l’école ? T’es pour ou t’es contre ?

On ne fait pas de barrage contre le Pacifique. Le numérique est inéluctable.
Même lorsqu’il est contre, un enseignant reconnait forcément l’apport ou la présence du numérique, de la technique, de la teknê (en grec, le « savoir-faire dans un métier »). Il a nécessairement un ordinateur, il utilise un vidéoprojecteur voire un rétroprojecteur et même un photocopieur. L’école est pleine d’objets manufactués et donc techniques. Il faut juste convaincre l’enseignant récalcitrant d’admettre que cette technique n’est pas l’apanage du seul professeur, mais aussi de l’élève, que celui-ci peut y trouver des avantages irréfragables.

Ce ne sont donc que des avantages que le numérique apportera ?

Le numérique n’est pas la panacée. D’ailleurs, celle-ci n’existe pas. Il n’existe d’ailleurs nul remède universel. C’est un mythe. Il ne s’agit donc pas de verser dans l’euphorie ou la phobie, mais se demander comment utiliser au mieux le numérique.

À ce propos, laisse-moi te raconter une histoire. En 1997, le champion d’échecs Garry Kasparov était battu par Deep Blue, un ordinateur conçu par IBM. Fallait-il en conclure que l’homme ne pouvait affronter une machine capable de calculer 200 millions de coups par seconde ? Kasparov eut une réponse intéressante : et si, au lieu d’essayer de battre la machine, l’être humain et l’ordinateur collaboraient ? L’ordinateur apporterait sa capacité à traiter en un instant des millions de possibilités et l’individu son intuition, sa perspicacité, en un mot sa créativité. Ainsi allaient s’affronter deux équipes : un homme et un ordinateur contre un autre homme équipé lui-aussi d’un ordinateur. À ce jeu, Kasparov affronta un autre grand joueur, Veselin Topalov. Ce dernier était moins fort que son adversaire, mais il gagna, ayant mieux exploité les ressources offertes par l’ordinateur.
En 2005, un tournoi opposa des équipes réunissant êtres humains et ordinateurs. Ainsi des professionnels affrontèrent des amateurs. Qui l’emporta ? Deux jeunes amateurs battirent des joueurs d’échecs expérimentés et talentueux parce qu’ils savaient mieux exploiter les ressources de leurs ordinateurs. Littéralement, ils collaboraient avec elles, sachant quand se fier à leurs conseils et quand privilégier des combinaisons jugées peu fiables par la machine mais susceptibles de décontenancer l’adversaire. Ces jeunes sont ce que Clive Thompson appelle des centaures, des créatures hybrides à la fois humaine et technique. Ils allèrent jusqu’à battre Hydra, un ordinateur plus puissant que Deep Blue et qui avait écrasé de grands champions dans un combat que l’on sait désormais vain, un combat homme-machine.

Pourquoi ? Le numérique peut-il donc être nuisible ?

C’est une crainte qui ressortit à la critique marxiste : la technique serait l’instrument du capitalisme permettant d’asservir les travailleurs. Mais comme elle conditionne également notre avenir, force est de constater que son statut est ambivalent. Le numérique apporte confort et sécurité, comme dans nos voitures par exemple. Il nous rend même plus fort. Mais il peut aussi être un moyen d’asservissement des masses, ce que montre le projet de loi sur le renseignement adopté récemment à l’Assemblée. En somme, le numérique est un pharmakon, à la fois remède et poison.

Mais concrètement, à l’école, c’est quoi le numérique ? Qu’apporte-t-il ?

On pourrait passer des heures à répondre à cette question, à laquelle j’ai d’ailleurs déjà essayé de répondre.

Mais, à brûle-pourpoint, voilà ce que je dirais : le numérique apporte l’intelligence (en latin, « interlegere », c’est faire des liens entre les choses), c’est la connexion. Comme les objets qu’elle enrichit (le smartphone, par exemple), le numérique nous rend plus intelligent. Par le numérique, l’élève est lié à son professeur. Il peut l’interroger, lui poser des questions par mail. Ce même professeur rentre plus aisément en contact avec les parents. Un réseau social élargit considérablement les dimensions de la salle des professeurs : la terre entière devient un lieu d’échanges où les idées, les pratiques, les conseils sont transmis d’un bout à l’autre du globe.

En somme, le numérique est un rapport social.

Tout ça est super, mais combien cela va-t-il coûter ? Des millions, des milliards ?

Le numérique va coûter beaucoup d’argent. C’est sûr ! Mais quand il est question d’éducation, n’est-ce pas une nécessité ? Au reste, le numérique, qui induit de nouveaux coûts, en fera disparaître d’autres. Les dispendieux photocopieurs et leur cohortes de rames de papier, de toners n’ont plus de raison d’être. Les manuels scolaires, lesquels coûtent des millions d’euros et ne sont que très partiellement utilisés par les enseignants, peuvent être remplacés par les ressources créées par les enseignants. Un dernier exemple : à quoi sert d’acheter encore et encore le domaine public ? ces Balzac ou Verne à 7 euros l’exemplaire pour 30 élèves ? Ne peut-on pas les lire gratuitement sur des liseuses, lesquelles ont un faible coût ?

D’accord, mais ne laisse-t-on pas entrer le loup dans la bergerie ? Les Apple, Microsoft, etc.

Tout d’abord, ce serait une erreur de penser que l’école n’est pas un marché. Mal gré qu’on en ait ! Ensuite, c’est aux enseignants voire à l’Éducation nationale de faire les choses correctement : promouvoir les ressources libres, les logiciels libres ou les formats standards qui permettront à l’école d’échapper à la voracité des commerçants. Encore que leur appétit sans limite est, en général, conditionné par un impératif : faire des produits utiles, désirables et de qualité, sans quoi ils n’auraient plus rien à vendre. Or il serait dommage de se priver de tel ou tel logiciel au seul motif qu’il est privatif. L’intérêt pédagogique prévaut dans bien des cas.

Tu me convaincs, mais si, moi, jeune enseignant qui n’y connaît rien au numérique, je souhaite m’y mettre, comment faire ?

Tu feras comme tout le monde. Tu ne feras nulle révolution (ce qui te ramènerait à ton point de départ), mais une évolution petit à petit, selon l’aisance, le plaisir et l’efficacité que tu y trouves. Le numérique à l’école ne signifie pas que tout doit s’y rapporter. Parfois, prendre un livre, le lire avec ses élèves sous un arbre un beau jour de printemps, est un plaisir qu’on ne saurait bouder.
Et puis, si tu te sens seul, désœuvré, découragé, viens sur Twitter. Des milliers d’enseignants t’aideront et t’encourageront.

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L’addiction aux smartphones, ce marronnier

Une nouvelle angoisse

TéléphoneNul doute que le nouveau marronnier journalistique (ce n’est pas un peu tautologique, ça ?) soit l’addiction aux smartphones. Les articles mentionnant notre incapacité à décoller de nos écrans semblent croître de façon exponentielle.

Cela dit, il n’est pas tout à fait étonnant que l’on s’inquiète de la fascination qu’exercent nos téléphones tant il est vrai que la contemplation de nos écrans ne semble jamais prendre fin. Nous serions accros. Twitter par ci, un jeu par là…

Je souscrirais volontiers à une telle affirmation si celle-ci ne me semblait un rien sujette à caution : tout d’abord, n’y a-t-il rien de plus grave que cette addiction ? Au pif, l’alcool ou la drogue ? Enfin, sommes-nous si bêtes que ça ? Un écran suffirait à happer toute notre attention ? Des écrans, il y en a dans tous les foyers depuis des décennies. Le problème n’est donc pas nouveau. Mais il s’est déplacé dans nos poches. La télévision était accusée de tous les maux. À présent qu’on ne la regarde plus, il faut bien trouver un nouveau coupable. L’écran, qui par métonymie change d’objet pour désigner nos smartphones voire notre tablette ou notre ordinateur, est désormais le réceptacle de nos d’angoisses.

Qu’est-ce qu’un écran ?

Mais que recouvre exactement ce terme d’écran ? Étymologiquement, il n’est qu’un paravent, une bête surface. L’humanité n’a pu démériter à ce point qu’elle sombre dans la contemplation béate d’un objet plat.

Alors, en effet, quand je dis « mon écran », c’est affreusement réducteur. Qu’y a-t-il derrière cet écran ? Prenons le cas de mon téléphone. Que regardè-je derrière mon écran ? Mon courrier, les photos que j’ai prises avec l’appareil photo du téléphone (et parfois même je les retouche, les annote…). Je lis beaucoup : des livres (même si je préfère pour ça mon iPad ou ma liseuse). Mais en fait, tout ce qui se lit est sur mon téléphone (ou le vôtre) : la littérature, les dictionnaires, les encyclopédies, même les pages jaunes ! La presse bien entendu et dieu (celui que vous voulez) sait qu’elle s’est étendue depuis l’avènement du web. J’écoute la radio (ça passe mieux via les données cellulaires que via ma bonne vieille radio). Mon calendrier accapare beaucoup de mon temps : je note tout et une double alarme me rappelle ce que j’ai déjà oublié. Je regarde des films, de petites vidéos (sur YouTube par exemple), mais aussi ta télévision (Arte, Netflix que je projette sur ma télé via Chromecast ou l’Apple TV). La musique prend une grande place (surtout en Go). Je prends beaucoup de notes (Evernote, merci d’exister). Accessoirement, je téléphone, mais je n’en abuse pas. Je ne sais plus à quoi ressemble une miss météo. Pour moi, c’est Yahoo ! Mon téléphone me guide lorsque je choisis un des 5 ou 6 GPS que j’ai installés. Le musicien en moi n’est pas encore tout à fait mort, alors le métronome retentit parfois à partir du téléphone. J’y lis même mes partitions. Je joue de temps à autre…

Donc je suis accro à tout ça, non pas à mon écran, mais à tout ça.

Et ce n’est rien.

Je pourrais continuer à multiplier les exemples que le terme écran permet abusivement de résumer : l’activité sportive est quantifiée (le Jawbone est à mon poignet depuis un an). Je pourrais tout aussi bien contrôler ma chaudière depuis mon smartphone. On sait qu’avec la prolifération des objets connectés, je pourrais contrôler mon poids via ma balance, je pourrais ouvrir ma maison à distance pour mes enfants dont le prof est absent et qui sont rentrés plus tôt. Je vais bientôt pouvoir démarrer ma voiture avec le smartphone.

Et on pourrait continuer sur dix pages ainsi.

Multiplicité et nouveauté des usages

Être accro aux écrans, qu’est-ce que ça veut dire in fine ? Dans la mesure où l’écran concentre aujourd’hui tout ce qui était éparpillé hier ? Si grand-pépé, en 1928, avait lu ses journaux, écouté sa musique, vu ses films, lu son courrier sur un écran, vérifié sur son calendrier ses cycles menstruels, ouvert sa porte, etc. qu’aurait-on dit de lui ? Qu’il était accro à tout cela ? Ce ne serait venu à l’esprit de personne. Personne n’y aurait d’ailleurs songé. En vérité, je ne suis ni accro à mon écran ni à l’ensemble de ce qui a été mentionné, simplement cette soi-disant addiction recoupe le temps passé à faire tout ce qui peut être fait, qui nécessitait hier une multitude de supports et qui est aujourd’hui concentré en un seul appareil.

Cependant, force est de reconnaître que les écrans ont fait apparaître des usages qui n’existaient pas hier (je pense aux réseaux sociaux), ont donné accès à des tâches qui étaient réservées à des professionnels (édition, montage vidéo entre autres). Et oui, on y passe donc beaucoup de temps. Trop. Probablement. Mais ce n’est pas en écrivant des articles tout pourris que l’on y changera quoi que ce soit.

Source de l’image : Wikipédia

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Pourquoi un ePub ?

Le manuel de sixième a été publié sur l’iBook Store grâce au logiciel iBooks Author. Cette merveilleuse application ne rend disponible le livre que sur les seuls iPad et Mac. Sont exclus les iPhone et iPod !
En publiant une version ePub du manuel de sixième, celui-ci est désormais accessible sur tout ce qui est pommé et précédé d’un « i », mais aussi sur toute machine lisant l’ePub, c’est-à-dire à peu près tout : Windows, Linux, Androïd, tablette machin truc, tablette machin chose, etc.

Cette version ePub est une version allégée du manuel de sixième (en deux parties : littérature et grammaire). iBooks Author permet de produire des manuels d’une richesse confinant à la nausée : quiz ici, diaporama là, vidéos partout, etc. Mais on perd de vue l’essentiel dans un manuel scolaire destiné au français et à la littérature : les textes.

L’ePub est alors un moyen de revenir à l’essentiel.

Mais ne perdons pas de vue que l’ePub, ce livre numérique, offre de superbes possibilités. En voici quelques-unes.

Agrandir le texte

Cette possibilité est très utile à tous ceux dont la vue rend la lecture difficile. Moi-même, quadragénaire, je l’utilise.

Agrandir le texte

Texte agrandi

Changer la police

Les élèves dyslexiques apprécieront cette possibilité (ainsi que la précédente d’ailleurs). Le texte devient lisible à tous.

Police changée

Énoncer la sélection

Cette fonction est une fonction d’accessibilité : cette fois encore, le livre s’adapte à diverses formes de handicap. Personnellement, j’utilise cette possibilité de faire lire le texte pour écouter un mot de vocabulaire en anglais ou en allemand voire une phrase entière.

Énoncer la sélection

Copier et coller le texte

Cette fonction est très pratique dans tous les exercices pour lesquels on n’aurait pas envie que l’élève perde du temps à réécrire un texte. C’est, par exemple, le cas de tous les exercices sur la ponctuation (recopier un texte en ajoutant la ponctuation), mais aussi lorsque l’on veut effectuer des recherces rapides et prendre des notes.

Copier le texte

Agrandir les images

Les reproductions de tableaux sur photocopie en noir et blanc ayant traumatisé ma sensibilité artistique, je regarde toujours cette option avec émotion. On peut désormais véritablement apprécier une œuvre.

Image agrandie

Utiliser le dictionnaire intégré

On ne quitte pas le livre pour rechercher la définition. La lecture n’est interrompue qu’un bref instant.

Dictionnaire intégré

Prendre des notes

La prise de notes n’est pas réservée au seul support papier. Le numérique permet même l’envoi et donc le partage des notes (via SMS, Twitter ou mail, etc.).

Prendre des notes

Surligner le texte

On a souvent besoin de surligner des passages. Las ! On vous interdit souvent de le faire ou vous vous interdisez vous-même de le faire. Le numérique vous le permet puisque vous pouvez aussi bien supprimer ensuite toute trace de votre passage.

Surligner le texte

Effectuer une recherche

Auparavant, quand je cherchais un passage dans un livre, je feuilletais celui-ci avec l’espoir de trouver plus ou moins rapidement ce que je cherchais. À présent, je recours à cette fonction de recherche par mot clé. Plus rapide et efficace.

Faire une recherche

Bien sûr, il existe de nombreuses autres possibilités…

Télécharger le manuel de sixième

Amazon

Kobo

Google Play

Apple Store

Manuel de sixième :

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Le manuel de 6e partout

Le manuel de 6 toujours libre mais plus gratuit

Manuel de 6eJ’ai longtemps hésité, mais la décision est prise : le manuel de 6e, s’il est toujours libre, n’est plus gratuit. La raison est fort simple : cela m’amusait beaucoup d’élaborer Ralentir travaux (dans lequel s’origine ledit manuel) ; cela me passionnait de réaliser avec iBooks Author ce même manuel ; cela m’a moins amusé de le découper en 8 chapitres afin de permettre à ceux dont la connexion et l’espace insuffisant sur leur iPad ne permettaient pas le téléchargement de ce gros fichier. Enfin, rendre accessible le manuel pour les appareils allant puiser sur Amazon, Kobo et Google Play a achevé de me cheviller cette idée dans la tête : mes petites réalisations ne sont plus un hobby, c’est un véritable travail, avec parfois la nuance étymologique appartenant à ce mot.

Pourquoi un tel développement ?

Réaliser un manuel avec iBooks Author permettait de produire un contenu certes riche (quiz, exercices interactifs, cours en vidéo, diaporamas, etc.) mais accessible sur les seuls Mac et iPad. Or mes élèves qui semblent avoir pris à la lettre l’injonction du BYOD viennent le plus souvent avec un matériel qui n’est pas pommé. Je voulais donc leur permettre de télécharger (et pour eux, c’est évidemment gratuit) le format adapté à leur matériel. Le PDF, ça va bien un moment…

La simplicité comme impératif

Au reste, avec le temps, j’en suis arrivé à me convaincre que la débauche de moyens techniques offerts par iBooks Author nous éloignait de l’essentiel : l’accès aux textes. Comme le rappelle Jiminy Panoz, Amazon a bâti son empire sur la simplicité et la légèreté du livre. Or la Kindle illustre à merveille le charme de ce petit appareil en noir et blanc qui s’enrichit à lui tout seul de la beauté littéraire. Je n’explique pas autrement le succès d’une telle machine bien loin des séduisantes réalisations de Jony Ive. Ça a d’ailleurs été la tâche la plus émouvante pour moi que de transposer mon manuel sur cette liseuse.

Pour que le livre soit plus aisément manipulable ou lisible, je l’ai scindé en deux : une partie dédiée à la littérature, l’autre à la grammaire. Seule le format iBooks Author offre la totalité en un seule volume avec en prime le contenu multimédia (diaporamas, vidéos, fichiers audio, etc.).

Le manuel quasiment partout

Quoi qu’il en soit, le manuel reste libre, tout entier accessible gratuitement sur Ralentir travaux, dépourvu du moindre DRM, mais payant (une somme qui me semble relativement modique) sur les plateformes suivantes :

Amazon

Kobo

Google Play

Apple Store

Manuel de sixième :

Sur l’Apple Store, on trouve donc deux manuels de 6e, l’un très complet au format iba (donc lisible sur Mac et iPad), l’autre (en deux volumes) au format ePub (donc lisible partout, y compris sur l’iPhone).

Les manuels de 5e et de 4e, quant à eux, sont toujours gratuits. Ils sont disponibles sur l’Apple Store (ou en PDF).

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Éducation Informatique

Créer un widget HTML pour iBooks Author avec Hype

Il y a quelques années j’avais fait un tutoriel expliquant comment créer un widget HTML pour iBooks Author. Il s’agissait alors de le faire à la main en réalisant les divers fichiers qui le composent.
Heureusement, il existe bien plus simple et surtout bien plus élégant, grâce au logiciel Hype.
Voici les explications en vidéo.

P.-S.
À 2 minutes 47, ce n’est pas « récupérer le code » comme je le dis, mais « coller le code » qu’il fallait dire. 🙁

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Ces pédagogos qui ont assassiné l’École

L'Instruction publiqueHier, le collège unique rassemblait tous les élèves, tous ! Le cancre et le génie, le feignant et le courageux, le savant et l’inculte, tous rassemblés au mépris des différences, nivelant par là même les aspirations au savoir de générations entières sacrifiées sur l’autel de la soi-disant bienveillance pédagogique et de la diversité. Ladite bienveillance – euphémisme cachant à peine la haine de l’élitisme – ne cherche rien d’autre qu’à détruire l’école. Imaginez une chimère, ce monstre d’hétérogénéité auquel le valeureux enseignant doit faire face, muni de son seul savoir face à l’ignorance érigée en principe, pire, en modèle sociétal.

Le redoublement, retour à la réalité

Plus récemment, les précieuses ridicules du pédagogisme ont battu en brèche le redoublement. Il n’est désormais plus possible de faire redoubler « l’apprenant ». L’élève en difficulté ne peut plus saisir sa chance, et subir l’humiliation douloureuse mais nécessaire de ne pas suivre ses petits camarades partis s’envoler dans les sphères supérieures du savoir. Supprimer le redoublement, c’est surtout une mise à mal du pouvoir de l’enseignant de dire : « Non, tu ne passeras pas » ! Le redoublement, ce mal pour un bien, ce microtraumatisme doit ramener l’enfant à la réalité : « Tu n’as pas travaillé, tu n’as rien fait, tu ne passeras pas ». Pour quelle raison le paresseux n’ayant pas fourni le travail demandé se verrait-il garantir une injuste ascension et nécessairement un jour limitée par la dure réalité des examens et du marché de l’emploi ? Depuis quand récompense-t-on les enfants ayant démérité ? En a-t-on déjà vu qui progressaient en passant dans la classe supérieure ?

Le numérique, nouvel obscurantisme

Et que dire de cette croyance, cet obscurantisme des temps modernes qui voit dans le numérique la solution à tous nos maux ? Comme si cette prétendue panacée allait sauver l’école, comme si fournir de coûteux objets technologiques à nos enfants allait leur permettre de mieux savoir lire, écrire et compter ! L’on voudrait même que des analphabètes n’ayant jamais approché un livre apprennent les rudiments algorithmiques de la programmation ! Marche-t-on sur la tête au pays de l’Éducation nationale ? Il faut qu’au sommet de l’État l’on soit devenu fou pour brandir cette aveugle foi en la technologie, cette mode se réinventant sempiternellement pour mieux vendre, cette fiction éducative agitée par les marchands du temple que sont Google et Apple, ces ogres des temps modernes venus dévorer et nos enfants et nos impôts.

Le baromètre d’une école malade

Aujourd’hui, l’école, menacée de la ruine, une ruine orchestrée par des décennies de réformes, est l’objet d’une nouvelle attaque pédagogique : il ne s’agirait rien moins que d’interdire les notes. La note traumatiserait les élèves ! La note, ce baromètre du niveau déjà bien bas, ne fournirait qu’une piètre indication et ne proposerait aucune remédiation ! Las ! L’on veut supprimer tout instrument de mesure pour mieux cacher la maladie qui s’est emparée du système scolaire. Ainsi, après que la loi Haby a créé des générations entières d’illettrés, on voudrait nous cacher les effets délétères d’une éducation à vau-l’eau. Si la note stigmatise le vaurien, elle récompense fièrement le travail bien fait. Il est vital que notre système scolaire ne soit pas un lieu où le plaisir se loverait comme un serpent en son nid. Il est vital que le travail, cette torture fructueuse de l’esprit, fasse naître devant l’adversité, devant la difficulté, devant l’ennui (oui, l’enfant doit s’ennuyer, c’est essentiel) heur et malheur. Eh ! croit-on tout réussir tout le temps partout ? Croit-on que tout le monde puisse réussir ? Qui voudrait d’une société où tout le monde réussit ? Cette idéologie post-soixante-huitarde où il est interdit d’interdire, qui prône la jouissance et l’absence d’effort doit définitivement être éradiquée. Ou alors la fabrique du crétin aura accouché d’une nation de dégénérés…

Réagissons

Le chant des partisans

Pour cette raison, exigeons la fin du collège unique, rétablissons le redoublement et ne cédons pas à cet appel des Sirènes, ce mirage de bienveillance éducative. Nous n’avons nul besoin de votre numérique que nous laisserons au placard. Armés de nos seules craies, nous vous disons bien haut quelle est l’école que nous voulons et que nous défendrons. Il ne sera pas dit qu’un élève ait passé une journée agréable à découvrir le monde qui l’entoure grâce à une école qui vivrait en harmonie avec la société qui l’anime. L’école est un sanctuaire. L’élève est un moine des temps modernes, il porte un cilice de papier qui lui rappelle chaque jour qu’on n’a rien sans rien. Et l’enseignant, ce croisé antipédagogo, boute la compétence. Il refuse les élèves tous nuls et à égalité. Il prône la culture, le savoir et la transmission, en un mot, le retour à l’Instruction publique.

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Divers Éducation Informatique

La dictée encore et toujours, oui mais…

On parle beaucoup d’orthographe ces derniers temps, notamment sur Twitter.

Je me suis souvent demandé comment l’évaluer tant il est vrai que l’ancestral recours à la dictée est désastreux surtout si ladite dictée fait l’objet d’une note.

Pour l’instant, j’en suis là dans mes pratiques et réflexions que je vous livre :

  1. Je ne peux plus – ou ne veux plus – proposer à mes élèves une dictée unique que le seul enseignant que je suis délivre à l’ensemble de la classe censée suivre comme un seul homme. Le numérique apportant la possibilité d’être un peu plus soucieux des rythmes des uns et des autres, j’ai opté depuis plusieurs années pour la dictée que j’ai enregistrée au format mp3 et que je mets sur Ralentir travaux (exemple en 5e).
  2. Ainsi, chaque élève fait la dictée à son rythme et à son niveau. S’il faut une heure à l’élève pour préparer sa dictée, il prend une heure. S’il peut la faire en 10 minutes, eh bien, c’est parfait ! Il peut ensuite se consacrer à autre chose.
  3. Cette dictée est faite par un élève (sur sa tablette ou sur l’ordinateur). Il travaille seul ou avec son voisin. Je ne veux voir la dictée que lorsqu’elle a été dûment corrigée par l’élève lui-même. Ainsi la méthode est la suivante : il écoute la dictée, il l’écrit puis il fait toutes sortes de vérifications. La conjugaison des verbes est vérifiée dans le Bescherelle, le vocabulaire fait aussi l’objet d’une vérification dans le dictionnaire (le Larousse par exemple). Certains élèves, notamment les plus en difficulté, trouvent un réconfort dans l’utilisation d’un traitement de texte, mais aussi dans un correcteur orthographique, qu’il soit celui du traitement de texte ou ceux proposés, entre autres, par Scribens ou le Bon patron. Ces derniers fournissent des explications quant aux erreurs commises.
  4. Alors seulement, je regarde et corrige le texte avec le ou les élèves pour les aider à corriger tel ou tel point qu’il n’est parvenu à orthographier seul. Si le besoin s’en fait ressentir, une correction peut-être faite en classe avec un vidéoprojecteur en partant d’une copie (d’un volontaire naturellement) permettant de traiter des fautes les plus fréquemment faites.
  5. Dictée projetée avec Explain everything pour iPad
    Dictée projetée avec Explain everything pour iPad
  6. Une dictée est, en général, assortie d’exercices d’approfondissement ou de révision (exemple pris en 6e). S’il apparaît qu’il est nécessaire de revoir le passé simple, l’élève peut relire la leçon ou faire des exercices interactifs.
  7. Enfin, la dictée fait l’objet d’une évaluation. L’on voit ainsi ce qui a été retenu et appris. Cumulant les dictées, on possède alors un vivier de textes dans lesquels on pioche au hasard, l’élève devant être capable – désormais – d’écrire correctement n’importe lequel d’entre eux, ce qui n’est pas rien quand on en a déjà fait une dizaine.

Dernier point, à l’attention des contempteurs du numérique, cette proposition de travail de l’orthographe n’est pas la panacée, elle n’apporte pas de solution miracle, elle n’est pas non plus l’unique et ultime solution. Personne n’a dit ça. Simplement, il me semble que c’est un moyen de faire, et que l’élève y trouve généralement son compte.