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Itinéraire d’un lecteur gâté : Du papier à la machine à lire

Introduction

Épisode 1 Podcast

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Chronique en 10 épisodes

Ami lecteur, toi qui commences la lecture de ces quelques mots, tu t’apprêtes à lire une série d’articles tous consacrés à la lecture numérique et ce que tu lis en est l’introduction. Apprends donc dans quoi tu t’embarques : dix longs articles narrant l’expérience d’un lecteur ayant éhontément abandonné le papier pour lire sur une tablette. Il n’est pas trop tard pour faire demi-tour.

Kindle Oasis

Quelques considérations avant de commencer

Cette série d’articles n’a pas pour ambition de te convaincre. Il ne s’agit pas de t’inviter à délaisser les livres papier. Si tu aimes les objets encombrants jaunissant avec le temps, prenant la poussière, sentant l’acarien, perdant leurs pages, portant le témoignage d’un doigt effaçant sans vergogne l’encre bon marché, alors je n’ai évidemment pas mon mot à dire. Tu fais ce que tu veux. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, disait l’autre.

En réalité, cette série d’articles dont tu commences aujourd’hui la lecture n’a pas d’autre ambition que de proposer le témoignage d’un lecteur heureux ayant le sentiment d’être devenu un meilleur lecteur du fait de son adoption du numérique. Mais, encore une fois, peut-être es-tu parfaitement heureux avec les livres tels que tu les utilises, et je ne vois pas du tout pourquoi je m’efforcerais de te les faire abandonner. En revanche, si tu aimes le plastique bon marché, les nuances de gris, les objets condamnés à une obsolescence non programmée mais inéluctable et préfères les GAFAM aux libraires, tu te laisseras peut-être convaincre à adopter une liseuse ou faire de ta tablette ce que j’ai appelé La machine à lire.

L'iPad, la machine à lire

Et si tu n’as pas été rebuté par les quelques provocations ci-dessus, tu seras peut-être intéressé à l’idée de découvrir les raisons qui m’ont amené à totalement abandonner les livres dans leur version papier pour adopter pleinement des appareils du type liseuse ou tablette.

Mais encore ?

Si je ne veux pas te convaincre et que j’entends te laisser en paix avec tes habitudes, quels objectifs se donnent ces articles ? Pourquoi se donner la peine de produire une dizaine d’articles sur des pratiques forcément personnelles et donc subjectives ? Ne s’agit-il que de te raconter comment je lis ? Est-ce là un simple témoignage ?

À dire vrai, j’entreprends aussi de faire un sort à quelques idées reçues. Il n’est pas rare de lire des articles ayant toutes les apparences du plus grand sérieux et se faisant l’écho de LA recherche et qui entonnent des couplets bien connus : le papier, c’est mieux. Les écrans, c’est mal. On peut le lire aujourd’hui 1. On le lisait déjà il y a dix ans 2, et on paraît ressasser la chose à l’envi, redécouvrant encore et encore les mêmes refrains. Après tout, des figures d’autorité comme Umberto Eco n’ont-elles pas expliqué que le livre était comme la roue ou la cuillère ? Ce sont, ce seraient, des objets dont la forme est parfaite et de ce fait indépassable 3. Fin du débat !

Je suis justement souvent abasourdi par la pauvreté de certains arguments quand on discute d’un tel sujet. En général, un amateur du papier croit pouvoir plier ledit débat en affirmant sa préférence pour l’objet physique et son besoin de toucher ou tourner les pages. En fait, pourquoi pas ? Mais, en général, une personne recourant à cet argument semble se prévaloir d’une tradition pluricentenaire qui lui vaudrait la supériorité du collectionneur féru de beaux ouvrages, laissant le partisan du numérique dans le camp peu enviable des pervers férus du plastique produit par des entreprises assoiffées de DRM, une sorte d’irresponsable qu’on peut réduire à quia en lui faisant comprendre que le beau et le bon sont d’un côté et pas de l’autre.

Pire encore, personne n’est assez patient pour écouter les arguments de celui qui s’aventurerait à décrire les contours d’un écosystème invisible qui est le propre de la lecture numérique, laquelle est protéiforme, omniprésente et riche de possibilités innombrables et inédites que son jumeau de papier n’est pas en mesure d’offrir. Mais n’anticipons pas. Nous y viendrons.

Évolution des pratiques de lecture

Avant de t’exposer tout cela, essayons de nous représenter la chose suivante. Ce que nous appelons « lecture » est une pratique qui n’est pas immuable. Certes, pour beaucoup, elle semble être parvenue à une forme que l’on n’éprouve pas le besoin de changer. Tant et si bien qu’elle ressemble à la représentation qu’en donne le peintre Fragonard. Pourtant, la forme que nous attribuons au livre, le symbole que représente le livre n’est rien moins que figé. Du volumen (le livre enroulé) au codex (le livre à feuilleter), il y a là une belle histoire que la BNF s’est empressée de raconter.

La liseuse de Fragonard

Au reste, au XIIe siècle, la plupart des gens ne savent pas lire. La lecture est de fait essentiellement orale. Au Moyen Âge, un roman est alors un ouvrage en vers écrit en langue romane (d’où son nom). Il est lu à voix haute généralement durant un banquet où on écoute l’histoire. Près de dix siècles plus tard (c’est-à-dire maintenant), on retrouve un peu de cette dimension orale à travers les audiobooks.

Aujourd’hui, la lecture est une activité qu’il est difficile de définir. On ne lit pas que des livres. On vient de le dire, on les écoute également. C’est surprenant mais ce qui était auparavant purement audio peut à présent être lu. Apple Podcast permet maintenant de lire la transcription de chaque épisode, un peu comme on affiche les paroles d’un morceau de musique. De plus, la lecture ne se résume pas à celle des livres. On lit aussi des articles sur le web, des flux RSS (enfin je l’espère), des PDF, des newsletters, des tweets (que je m’obstinerai à appeler ainsi). Souvent ce qui sépare l’un de l’autre est assez flou. On peut en effet légitimement se demander ce qui sépare un thread sur Twitter d’un article de blog.

Apple Podcast

Il est donc bien hasardeux de prétendre que la lecture ne se fait que par les livres. De fait, il nous faut trouver les supports idoines, au risque d’avoir une lecture fragmentée, disparate, dispersée, mais de cela aussi, je te parlerai longuement dans les lignes qui vont suivre.

Du papier à la liseuse, de la liseuse à l’iPad

Pourtant mes propres pratiques ont évolué assez récemment.

En fait, la chose n’allait pas de soi. À dire vrai, la lecture sur papier a longtemps été pour moi le dernier bastion, le dernier résistant dans la bataille que se livraient, dans mon petit cœur de geek, le numérique et le papier. Comme vous le voyez dans mon tout premier post Instagram ci-dessous, la lecture a longtemps été pour moi synonyme de papier et puis un jour j’ai découvert un objet que je tenais à distance, qui faisait de ma part l’objet d’un injuste mépris quand je comparais son plastique médiocre à l’objet rutilant que constituait l’iPad. Pourtant, dès le début (nous sommes en 2010), l’iPad ne me paraissait pas approprié à la lecture. Et c’est précisément cet iPad qui est aujourd’hui ce que j’appelle, non sans une pointe d’émotion, ma machine à lire.

Mon premier post Instagram

Alors que s’est-il passé ? Comment suis-je passé du livre de poche à la liseuse puis à l’iPad ? Quels sont les avantages d’une lecture totalement numérisée ? Y a-t-il des inconvénients et si oui, est-il possible de les surmonter ? C’est ce que je te propose de t’expliquer dans une série d’articles dont le premier fera le récit palpitant qu’est l’irruption de la Kindle dans ma vie.

Pour que tu saches ce qui vient ensuite, voici une brève description des articles qui s’en suivront.

Après cette passionnante introduction (1re partie), après donc avoir discuté des intérêts de la liseuse mais aussi de ses manques (2e partie), je te parlerai ensuite de confort et de capacité de concentration, histoire de battre en brèche quelques idées reçues (3e partie). Ce n’est qu’ensuite que nous ferons le détail des applications qui se trouvent sur ma tablette (4e partie). À la suite de quoi, l’on verra comment conserver, trier, retrouver, mémoriser ces choses innombrables qu’on lit et oublie aussitôt (5e partie). Deux applications constituant le point d’orgue de mon édifice seront ensuite évoquées. Au cas où le suspense serait absolument intolérable, sache qu’il s’agit d’Obsidian et de Readwise (6e partie). Subséquemment, nous nous poserons la question suivante : la lecture devient-elle une affaire de geek ? Il sera alors question d’automatisation, d’intelligence artificielle, de scripts (7e partie). Dictionnaires et applications de traduction seront l’objet de l’article suivant (8e partie). Afin de ne point être accusé d’ignorer les problèmes qui ne manquent pas d’émailler nos vies numériques, l’avant-dernière partie est intitulée Les maux du numérique (9e partie donc). On en profitera pour voir comment les affronter. Il sera alors temps de conclure (et c’est la 10e partie).

Notes

1: Voir par exemple Les écoles doivent privilégier le papier et le crayon dont le sous-titre est « La lecture à l’écran est nuisible alors que la prise de notes au clavier n’apporte aucun avantage, selon un rapport de l’INSPQ. »
2: Lire sur support papier, meilleur pour la compréhension des textes ?
3: Lire mon article intitulé Umberto Eco et le livre indépassable

2 réponses sur « Itinéraire d’un lecteur gâté : Du papier à la machine à lire »

Très bon article pour démarrer cette série. Moi qui passe mon temps à passer du livre à l’iPad midi, en passant par le Kindle (mes yeux ont mal avec cet écran iPadesque), avant de recommencer ce cycle infernal, j’ai hâte de te lire en longueur !

Merci Gaël pour ton commentaire ! J’en avais un peu assez aussi de passer de l’un à l’autre, d’où mon adoption de l’iPad. Le rêve serait une liseuse sur laquelle on peut installer des applications. Ça existe (j’en parle dans la deuxième partie) mais ce n’est pas tellement satisfaisant. Quant au confort de lecture sur l’iPad, ce sera pour la troisième partie.

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