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Le sonnet

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Définition

Le mot « sonnet » provient du verbe « sonner » et signifie, au XIIe siècle, « petite chanson ».
Le sonnet est une forme poétique qui a connu un incroyable succès à travers les siècles. Il nous vient très probablement d’Italie, et a été popularisé par le poète Pétrarque au XIVe siècle. En France, il est introduit par Clément Marot au XVIe siècle. Ronsard et Du Bellay l'adopteront à leur tour.

Le sonnet est composé de quatorze vers répartis en quatre strophes : deux quatrains et deux tercets. Les deux quatrains ont des rimes qui suivent la combinaison abba, abba. Les deux tercets ont la combinaison ccd, eed (1), mais il existe en réalité une grande variété de possibilités.

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, a
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, b
Et puis est retourné, plein d'usage et raison, b
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! a

Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village a
Fumer la cheminée, et en quelle saison b
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, b
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ? a

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux, c
Que des palais romains le front audacieux, c
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine, d

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin, e
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin, e
Et plus que l'air marin la doulceur angevine. d

Le mètre utilisé est généralement l’alexandrin, mais certains sont écrits en décasyllabes.

Boileau, dans son Art poétique, définit le sonnet ainsi :

On dit, à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre (2),
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois (3),
Inventa du Sonnet les rigoureuses lois ;
Voulut qu'en deux quatrains, de mesure pareille,
La rime, avec deux sons, frappât huit fois l'oreille ;
Et qu'ensuite six vers, artistement rangés,
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout, de ce Poème il bannit la licence[^4] ;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence ;
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Du reste, il l'enrichit d'une beauté suprême
Un sonnet sans défaut vaut seul un long Poème.

Le sonnet élisabéthain

Il existe différentes formes de sonnets dont le sonnet élisabéthain, qui est composé de trois quatrains à rimes croisées (différentes à chaque quatrain) suivis d’un distique final à rimes redoublées : abab cdcd efef gg ou abba cddc effe gg.

Exemple de sonnet de Stéphane Mallarmé :

La chevelure

La chevelure vol d'une flamme à l'extrême
Occident de désirs pour la tout éployer
Se pose (je dirais mourir un diadème)
Vers le front couronné son ancien foyer

Mais sans or soupirer que cette vie nue
L'ignition du feu toujours intérieur
Originellement la seule continue
Dans le joyau de l'œil véridique ou rieur

Une nudité de héros tendre diffame
Celle qui ne mouvant bagues ni feux au doigt
Rien qu'à simplifier avec gloire la femme
Accomplit par son chef fulgurante l'exploit

De semer de rubis le doute qu'elle écorche
Ainsi qu'une joyeuse et tutélaire torche

Exemple de sonnet de William Shakespeare :

En anglais

Shall I compare thee to a summer’s day?
Thou art more lovely and more temperate:
Rough winds do shake the darling buds of May,
And summer’s lease hath all too short a date:
Sometime too hot the eye of heaven shines,
And often is his gold complexion dimmed;
And every fair from fair sometime declines,
By chance, or nature’s changing course, untrimmed:
But thy eternal summer shall not fade,
Nor lose possession of that fair thou ow’st;
Nor shall Death brag thou wand’rest in his shade
When in eternal lines to time thou grow’st,
So long as men can breathe or eyes can see,
So long lives this, and this gives life to thee.

En français

Te puis-je comparer à un beau jour d’été ?
Ta nature est bien plus aimable et tempérée ;
Des vents brutaux secouent les chers bourgeons de mai,
Et le bail de l’été a trop courte durée.
Parfois de l'œil du ciel l’éclat est trop ardent ;
Souvent, l’or de son teint se ternit et se brouille :
Toute beauté déchoit quelque jour de son rang
Quand le cours de Nature ou le Sort la dépouille.
Mais ton été sans fin ne se peut point faner,
Ni perdre la beauté qui t’échut en partage ;
Dans ses ombres la Mort ne te saurait compter
Si ces vers éternels du Temps te font l’image :
Tant que vue ou haleine aux hommes n’est ravie ;
Ce poème doit vivre, et te donner la vie.

Baudelaire voit dans le sonnet une forme idéale par sa brièveté :

Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense. Tout va bien au sonnet : la bouffonnerie, la galanterie, la passion, la rêverie, la méditation philosophique. Il y a, là, la beauté du métal et du minéral bien travaillés. Avez-vous observé qu’un morceau de ciel aperçu par un soupirail, ou entre deux cheminées, deux rochers, ou par une arcade, donnait une idée plus profonde de l’infini que le grand panorama vu du haut d’une montagne ? … Quant aux longs poèmes, nous savons ce qu’il en faut penser : c’est la ressource de ceux qui sont incapables d’en faire de courts. Tout ce qui dépasse la longueur de l’attention que l’être humain peut prêter à la forme poétique n’est pas un poème.
Lettre à Armand Fraisse (février 1860)

Au reste, il prend avec le sonnet de nombreuses libertés. Il écrit, par exemple, des sonnets inversés (voir la leçon sur la modernité de Baudelaire) dans lesquels les tercets précèdent les quatrains.

Bien loin d'ici

C'est ici la case sacrée
Où cette fille très parée,
Tranquille et toujours préparée,

D'une main éventant ses seins,
Et son coude dans les coussins,
Écoute pleurer les bassins:

C'est la chambre de Dorothée.
— La brise et l'eau chantent au loin
Leur chanson de sanglots heurtée
Pour bercer cette enfant gâtée.

Du haut en bas, avec grand soin.
Sa peau délicate est frottée
D'huile odorante et de benjoin.
— Des fleurs se pâment dans un coin.

Notes :

1 - On pourrait aussi considérer que les tercets forment un distique à rimes plates (cc) suivi d’un quatrain à rimes embrassées (deed).
2 - Ce dieu bizarre : Apollon.
3 - Les rimeurs françois : les français qui font des rimes (des poèmes).
4 - La licence : la licence poétique, c'est-à-dire la possibilité de changer l'orthographe de certains mots pour avoir le nombre voulu de syllabes.

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