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L’Odyssée par Isabelle Pandazopoulos

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L’Odyssée
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En classe, j’ai longtemps travaillé avec l’édition de L’école des loisirs, pensant qu’il n’y avait pas mieux que cette adaptation de L’Odyssée qui reprend la traduction de Leconte de Lisle. Mais on a un jour attiré mon attention sur l’adaptation d’Isabelle Pandazopoulos. On me disait même que la fameuse édition de L’école des loisirs n’était pas terrible… Incrédule, j’ai acheté cette traduction et adaptation d’Isabelle Pandazopoulos chez Folio junior. Curieusement, j’ai laissé passer un an, et je l’ai finalement lu ! J’ai bien fait.

Cette adaptation de L’Odyssée ne déroge cependant pas à la règle : se concentrant sur l’histoire d’Ulysse, elle délaisse une grande partie de la télémachie. Elle est toutefois très complète, bien davantage que celle de L’école des loisirs, qui par exemple s’arrête aux retrouvailles d’Ulysse et de Pénélope. L’édition Folio Junior s’achève sur la colère finalement apaisée des parents des prétendants massacrés (ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres).

L’édition de L’école des loisirs est une adaptation dense de L’Odyssée. Cela tient au fait qu’elle fait moins de 160 pages et a recours à une typographie assez grosse. On va à l’essentiel. Foin des détails. L’édition parue chez Folio Junior est plus détaillée et plus longue (160 pages également mais d’une typographie plus petite).

Ces détails sont importants. Ils renforcent l’effet de réel. Si l’on compare certains passages, on ne remarque pas - à première vue - de très grosses différences :

« La flèche l’atteint à la gorge et traverse de part en part son cou délicat. Antinoos bascule, la coupe lui tombe des mains, un épais flot de sang jaillit de ses narines. D’un brusque mouvement de pied, il renverse la table, tous les mets, pain et viandes rôties tombent à terre » (Folio junior, page 150)

« Mais Ulysse le frappa de sa flèche à la gorge ; la point traversa le cou délicat. L’homme tomba à la renverse, lâchant la coupe ; un flot de sang jaillit de ses narines. D’un coup de pied, il renversa la table ; les mets roulèrent à terre » (L’école des loisirs, page 136)

Tout d’abord, le choix du présent me paraît judicieux. Il convient bien au rythme épique et à son caractère oral. On a l’impression de vivre les événements. Enfin, les détails, on l’a dit, renforcent la vraisemblance du récit : la flèche pénètre un «cou délicat». C’est important, car c’est le premier coup donné par le roi mendiant enfin rentré chez lui. Il est sans pitié. Enfin, la mention des « pain et viandes rôties» tombant à terre aide à se représenter la scène, et fait attendre le massacre qui va à présent commencer.

De ce point de vue, Isabelle Pandazopoulos ne dit pas autre chose : «J’ai […] refusé d’édulcorer certains passages. Dans Homère, on tue, on viole, on émascule tout autant qu’on pleure de pitié, d’angoisse ou de joie» (page 167). C’est donc - du moins pour ce que j’en ai lu - la première fois que l’on peut lire dans une adaptation de L’Odyssée le sort réservé à Mélanthios : «Sans pitié, on lui tranche le nez, les oreilles et le sexe qu’on jette aux chiens. Avec la même fureur, on lui coupe les pieds et les mains» (page 156). Enfin, un peu de terreur et de pitié dans les rangs de sixième !

Je n’ai que deux regrets. Je suis déçu de ne pas retrouver dans l’édition Folio Junior la description de la fabrication du radeau par Ulysse chez Calypso (présente dans l’édition de L’école des loisirs). Cette description fait écho à celle de la fabrication du lit à la fin et montre qu’Ulysse n’est pas qu’un époux formidable, un guerrier valeureux et rusé, un père admirable, mais aussi un artisan chevronné.

Enfin, c’est un détail (mais on a vu que je tenais aux détails), j’espérais que l’on parlerait de ce compagnon ivre tombant du toit, chez Circé. Je ne sais pas pourquoi, mais aucune adaptation ne fait état de cet homme qui révèle pourtant que L’Odyssée est une histoire pleine d’aventures, mais une histoire d’hommes et non de surhommes :

Elpénor était un tout jeune homme. Il n’était pas vaillant dans la bataille et n’avait pas l’esprit bien ferme. Loin de ses compagnons, dans la demeure sacrée de Circé, il cherchait la fraîcheur, et s’était couché alourdi par le vin. Entendant l’agitation de ses compagnons, les voix et les pas, il se leva et oublia où il était. Ayant reculé pour descendre vers le grand escalier, il tomba du toit la tête la première, se brisa les vertèbres du cou, et son âme descendit chez Hadès. (édition Classiques Garnier)

Reste que l’édition Folio Junior est riche d’un supplément illustré en couleur qui montre l’écho que L’Odyssée d’Homère a eu dans les arts à travers les siècles (de la poterie au cinéma en passant par la peinture). Enfin, cartes, vocabulaire, et explications de la civilisation hellène procurent des documents précieux. Pas de doute, cette année, je délaisse l’édition de l’école des loisirs.

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