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Le merveilleux

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Extrait 1

L’empereur Charles décide de poursuivre les Sarrasins responsables de la mort de Roland et de toute l’arrière-garde. La nuit commence à tomber.

L’empereur fait sonner ses clairons ; puis il chevauche, le preux, avec sa grande armée. Ils ont forcé ceux d’Espagne à tourner le dos ; ils tiennent la poursuite d’un même cœur, tous ensemble. Quand l’empereur voit décliner la vêprée (1), il descend de cheval sur l’herbe verte, dans un pré : il se prosterne contre terre et prie le Seigneur Dieu de faire que pour lui le soleil s’arrête, que la nuit tarde et que le jour dure. Alors vient à lui un ange, celui qui a coutume de lui parler. Rapide, il lui donne ce commandement : « Charles, chevauche ; la clarté ne te manque pas. C’est la fleur de France que tu as perdue, Dieu le sait. Tu peux te venger de l’engeance (2) criminelle ! » Il dit, et l’empereur remonte à cheval.

Pour Charlemagne Dieu fit un grand miracle, car le soleil s’arrête, immobile. Les païens fuient, Les Francs leur donnent fortement la chasse.

La Chanson de Roland (laisses CLXXIX et CLXXX, traduction de Joseph Bédier)

Extrait 2

Poursuivant le chevalier gardien de la fontaine, Yvain pénètre dans le château de son ennemi. Malheureusement, la porte tombe au moment où il passe et tranche son cheval en deux. Sain et sauf, Yvain est prisonnier du château. Une jeune fille, Laudine, propose de l’aider.

Elle lui donna l’anneau, et lui dit que celui qui le porte est invisible comme le bois sous l’écorce, mais à condition que la pierre (3) soit cachée dans le poing fermé. Ainsi, celui qui porte l’anneau à son doigt n’a plus rien à craindre. Même en ayant les yeux grands ouverts, on ne pourrait pas l’apercevoir, pas plus qu’on ne voit le bois recouvert par l’écorce.

Cela plut beaucoup à mon seigneur Yvain.

Le Chevalier au lion (Yvain) de Chrétien de Troyes

Extrait 3

Uter Pendragon mourut seize ans plus tard, à la Saint-Martin (4). Comme il ne laissait pas d’enfant, les barons s’assemblèrent et prièrent Merlin de leur désigner l’homme qu’ils devaient élire afin qu’il gouverne le royaume. Mais il se contenta de leur dire d’attendre le jour de la naissance de Notre Seigneur, et jusque-là d’implorer Dieu pour qu’il les éclaire.

La veille de Noël, donc, tous les barons du royaume de Logres vinrent à Londres. Parmi eux, étaient Antor et ses deux enfants, Keu et Arthur, dont il ne savait lequel il préférait. Chacun assista à la messe de minuit, puis à la messe du jour. Et comme la foule sortait de l’église, des cris d’étonnement retentirent : une grande pierre taillée se trouvait au milieu de la place naguère vide. Sur cette pierre, on voyait une enclume de fer, où une épée était fichée jusqu’à la garde.

On avertit aussitôt l’archevêque qui vint avec de l’eau bénite. En se baissant pour asperger la pierre, il déchiffra à haute voix cette phrase gravée en lettres d’or :

« Celui qui sera capable de retirer cette épée sera le roi élu par Jésus-Christ ».

Déjà les hommes les plus puissants et les plus riches se disputaient pour savoir qui tenterait l’épreuve le premier. Mais l’archevêque leur dit : « Seigneurs, quelle manque de sagesse ! Ne savez-vous pas que Notre Seigneur n’a souci de richesse, ni de noblesse, ni de force ? Seul, celui qu’il a désigné réussira, et, s’il était encore à naître, l’épée ne serait jamais ôtée avant qu’il vienne ».

Alors, il choisit lui-même deux cent cinquante prud’hommes pour tenter l’aventure. Mais aucun ne parvint à faire bouger l’épée.

Après eux, et dans la semaine qui suivit, tous ceux qui le voulurent s’y efforcèrent, mais vainement. Et l’on atteignit ainsi le Jour de l’An.

Ce jour-là, on donnait chaque année un grand tournoi aux portes de la cité. Quand les chevaliers eurent assez jouté (5), il y eut une telle mêlée, que toute la ville accourut voir le spectacle. Keu, le fils d’Antor, qui venait d’être fait chevalier à la Toussaint, appela son jeune frère, et lui dit : « Va chercher mon épée à notre hôtel ». Arthur était un bel et grand adolescent de seize ans, fort aimable et serviable. Aussitôt, il piqua des deux vers leur logis, mais il ne put trouver l’épée de son frère ni aucune autre. Il revenait, lorsqu’en passant devant l’église, il pensa qu’il n’avait pas encore tenté l’épreuve : il s’approcha du perron et, sans même descendre de cheval, prend l’épée par la poignée, la tire sans la moindre peine, et l’apporte à son frère, à qui il dit : « Je n’ai pu trouver ton épée, mais je t’apporte celle de l’enclume ».

D’après Merlin de Robert de Boron

Notes :

1 - La tombée du jour, le soir.
2 - Groupe de personnes détestables.
3 - La pierre du chaton, la partie de la bague où s’enchasse une pierre précieuse.
4 - La Saint-Martin est fêtée le 11 novembre.
5 - Lors d’un tournoi, les chevaliers joutent : ils s’élancent l’un sur l’autre afin de désarçonner l’adversaire avec sa lance.



Source : Gallica

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