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Séance 4 L’absurde

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Lisez l’extrait ci-dessous d’En attendant Godot et dites en quoi il relève de l’absurde.

Pour vous aider dans votre réflexion, appuyez-vous sur le document Le théâtre de l’absurde ainsi que l’extrait du livre Histoire du théâtre dessinée d’André Degaine.

Regardez également ce sketch de Raymond Devos Parler pour ne rien dire ainsi que ce documentaire intitulé Raymond Devos et l’absurde.

Votre réponse doit être entièrement rédigé en une vingtaine de lignes minimum et doit s’appuyer sur des exemples précis issus entre autres du texte de Samuel Beckett.

Éléments de correction

Je crois que l'absurdité vient de ce que certaines questions — et les principales, les questions essentielles — n’ont pas de réponse et que le monde continue à se poser. [...] D’où venez-vous ? Je n’en sais rien. [...] Qui êtes-vous ? Une espèce de machine chimique, un mélange. Ça fonctionne silencieusement. Et où allez-vous ? C’est le destin. J’en sais rien. [...] Les questions annexes : vous croyez en dieu ? Vous croyez en une autre vie ? [...] Vous avez les question essentielles auxquelles on ne peut pas répondre. À partir de ça, il faut vivre. Raisonnablement. Faut raisonner justement des choses. (Raymond Devos)

D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?
Source

En 1927, Samuel Beckett est agressé par un homme (on disait un « apache » à cette époque-là) qui tente de le poignarder. Beckett a un poumon perforé. On l’emmène à l’hôpital Tenon. Guéri, il tient à revoir son agresseur qui a été arrêté et se trouve en prison. Il lui demande : « Pourquoi l'avez-vous poignardé ? » Le vagabond lui répond : « Je ne sais pas, monsieur ».

Dans En attendant Godot, cette phrase est répétée plusieurs fois par l’enfant. On conçoit alors que certains événements, certains actes n’ont pas d’explication rationnelle, et que le bonheur comme le malheur sont dispensés au hasard, sans qu’il y ait de raisons particulières. C'est aussi le sens à donner à conversation de Vladimir et Estragon au début de la pièce : de tous les malfaiteurs, de tous les millions de criminels qui ont été exécutés au cours de l’histoire, seulement deux eurent la chance de recevoir l’absolution à l’heure de la mort d’une manière certaine et évidente.

Or Godot incarne l’incertitude. Ce dernier peut dispenser sa bienveillance. C’est le sens de ce dialogue à la fin du deuxième acte :

ESTRAGON. — Et s’il vient ?
VLADIMIR. — Nous serons sauvés.

Pour autant, pour Estragon, cette venue peut au contraire être synonyme de perdition :

VLADIMIR (triomphant). — C’est Godot ! Enfin ! (Il embrasse Estragon avec effusion.) Gogo ! C’est Godot ! Nous sommes sauvés ! Allons à sa rencontre ! Viens ! (Il tire Estragon vers la coulisse. Estragon résiste, se dégage, sort en courant de l’autre côté.) [...]
ESTRAGON. — Je suis damné !

Le don fortuit de la grâce divine dépasse donc la compréhension humaine. Il divise l’humanité en deux (comme pour les larrons). On peut également songer à la doctrine janséniste de la grâce efficace : le mérite humain n’a pas de rôle déterminant dans le salut. L’humanité est alors confrontée au hasard ou à la gratuité du don divin. Cela est confirmé par la longue tirade de Lucky :

Étant donné l’existence [...] d’un Dieu personnel quaquaquaqua à barbe blanche quaqua hors du temps de l’étendue qui du haut de sa divine apathie sa divine athambie sa divine aphasie nous aime bien à quelques exceptions près on ne sait pourquoi [...].

En somme, Dieu, avec sa divine insensibilité (apathie), son mutisme (aphasie), ignorant la crainte (hors du temps), incapable d’étonnement (athambie) aime l’humanité à quelques exceptions près qui seront condamnées à l’enfer. Dieu ne communique donc pas avec nous, est incapable d’empathie et nous condamne pour des raisons que nous ignorons.

➝ sentiment d’absurde face au dieu caché, face à l’existence.
Credibile est quia ineptum est = Il faut y croire puisque c’est absurde.

Sans faire pour autant de la pièce une lecture chrétienne, admettons que l’espoir du salut représente une échappatoire à la souffrance et l’angoisse qui naissent avec la prise de conscience de la réalité de la condition humaine.

Je crois qu’il n’y a pas de raison qu’on ne rie pas de l’absurdité, parce que finalement l'absurdité, je trouve qu’elle prête à rire. (Raymond Devos).

Ces propos de Devos peuvent être rapprochés des propos de ceux de Ham dans Fin de partie : « Rien n’est plus drôle que le malheur ». Force est en effet de constater que la misère humaine est risible comme dans le cas d’Estragon voulant se suicider avec son pantalon tombé sur les chevilles ou cette pathétique et dérisoire tentative :

ESTRAGON (pas en avant). — [...] Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
ESTRAGON. — On attend.
VLADIMIR. — Oui, mais en attendant ?
ESTRAGON. — Si on se pendait ?
VLADIMIR. — Ce serait un moyen de bander.
ESTRAGON (aguiché). — On bande ?

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