Interrogation

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Exercice d’observation

  • Relevez toutes les phrases interrogatives.
  • Comment construit-on le plus souvent une phrase interrogative ? Sont-elles toutes construites de la même façon ? Lesquelles ?
  • Quelles phrases vous semblent les mieux formulées ? Au contraire, lesquelles vous semblent moins bien formulées. Expliquez pourquoi.

— Dis donc, mon oncle ?
— Mon ami...
— Tu sais pas ?... Si t’étais bien gentil ?...
— Si j’étais bien gentil ?
— Oui... Eh ben, tu me ferais mettre un article dans le Chat Noir.
— Qu’entends-tu par te faire mettre un article ?
— Eh Ben, me faire imprimer une histoire que j’ai faite, pardi !
— Comment ? Tu fais de la littérature, toi ?
— Pourquoi pas ?... et pas plus bête que la tienne, tu sais.
— Prétentieux !
— Prétentieux ?... Prétentieux parce qu’on se croit aussi malin que monsieur !... Oh ! là, là, ce que tu te gobes, mon vieux !
— Et alors, tu veux débuter dans la presse ?
— Oui, j’ai écrit une petite histoire, je veux te la donner, tu la feras imprimer. Je ne la signerai pas, parce que maman ferait des histoires à n’en plus finir. Toi, tu la signeras mais nous partagerons la galette.
— À la bonne heure, tu es pratique !
— Dame, si on n’est pas pratique à sept ans, je me demande un peu à quel âge qu’on le sera.
— Où est-il, ton chef-d’œuvre ?
— Tiens, le voilà :

[...]


— Hein ! mon oncle, qu’est-ce que tu dis de cette histoire-là ?
— Très intéressante, mais ta jeune lampiste me fait l’effet d’être un jolie petite rosse.
— Pour sûr !
— Eh bien ! Alors ?
— Alors quoi ? T’as donc pas compris que c’est une histoire ironique ?... Eh bien ! là, vrai ! je ne te croyais pas si daim !
(Le bruit d’un coup de pied dans le derrière retentit.)


Alphonse Allais, À se tordre

Leçon

La phrase interrogative est l’un des quatre types de phrase : déclaratif, exclamatif, injonctif (et donc interrogatif). La phrase interrogative exprime une demande d’information adressée à un interlocuteur. C’est une question qui appelle généralement une réponse et dont la construction est conditionnée par les registres de langue et marqué par l’opposition entre l’oral et l’écrit. On distingue l’interrogation directe et l’interrogation indirecte, c'est-à-dire que l’interrogation peut être posée directement ou indirectement par l'intermédiaire d’un verbe :

  • Que veux-tu ? (interrogation directe)
  • Je me demande ce que tu veux. (interrogation indirecte)

Par ailleurs, l’interrogation peut être totale ou partielle.

L’interrogation totale porte sur l’ensemble de la phrase et appelle une réponse du type « oui » ou « non ». Elle équivaut alors à la reprise affirmative ou négative de la question posée :

Faut-il ramener du pain ? Non, il ne faut pas ramener du pain.

L’interrogation partielle porte sur une partie de la phrase. Une partie de la phrase interrogative est présentée comme étant non connue ou non identifiée et c’est donc sur cette partie que porte la demande d’information formulée au moyen d’un mot interrogatif :

  • L’interrogation porte sur l’identité du sujet

Qui a utilisé ma voiture ? Olivier l’a utilisée.

  • L’interrogation porte sur le repérage temporel du reste de la phrase

Quand prend-il la voiture ? Il la prend demain.

L’interrogation totale

La phrase interrogative possède une intonation ascendante (➚) qui se traduit à l’écrit par le point d’interrogation. Le sujet est alors placé après le verbe : As-tu besoin d’une feuille ? Mais cette inversion du sujet est surtout réservée à l’écrit. À l’oral, seule l’intonation permet de distinguer l’interrogation de l’affirmation : Tu as besoin d’une feuille ?

Selon la nature du sujet, on distingue deux types d’inversion :

L’inversion simple

Le sujet est simplement placé immédiatement après le verbe. Dans l’interrogation totale, cette inversion s’applique à des pronoms personnels sujets (je, tu, il, etc.) ou au pronom démonstratif ce :

As-tu apporté mon livre ? Est-ce ta voiture ?

À la première personne, un verbe du premier groupe voit son « e » final se transformer en « é » : proposé-je, me demandé-je... À la troisième personne, un « t » de liaison euphonique a été intercalé, à partir du XVIe siècle, entre la finale vocalique du verbe et le pronom « il (s) » ou « elle (s) », par analogie avec les formes verbales terminées par un « t » : fait-il, doit-il, finit-il ; parle-t-elle, aimera-t-il.

L’inversion complexe

Quand le sujet est un groupe nominal ou un pronom autre que personnel ou démonstratif, il reste placé avant le verbe mais il est repris après le verbe par un pronom personnel sujet de troisième personne qui s’accorde avec lui  :

Edmond tentera-t-il de s’évader ?
Cette erreur n’était-elle pas la pire qu’il pouvait commettre ?
Quelqu’un a-t-il une question à poser ?

L’interrogation avec « est-ce que »

Cette tournure (considérée comme familière au XVIIIe siècle) est aujourd’hui très utilisée. Elle présente le double avantage de fournir, dès le début de la phrase, une marque de l’interrogation et de permettre le maintien de l’ordre sujet-verbe, évitant ainsi le recours à l’inversion : Est-ce que tu veux de l’eau ?

L’interrogation partielle

Contrairement à celle de l’interrogation totale, l’intonation est descendante (➘), après une prononciation insistante mettant en valeur le terme interrogatif placé en tête de phrase.

Selon les mots qui suivent, l’interrogation partielle s’exprime à l’aide de pronoms, de déterminants ou d’adverbes interrogatifs, qui peuvent être associés à l’inversion du sujet ou renforcés par « est-ce que ».

Les pronoms interrogatifs

Les pronoms interrogatifs « qui », « que », « quoi » et « lequel » sont placés en tête de phrase. Dans ce cas, l’interrogation porte sur le sujet, l’attribut, sur le complément d’objet ou sur un complément non circonstanciel :

  • sur le sujet : Qui est venu ?
  • sur l’attribut : Qui est cet homme ?
  • sur le COD : Que voulez-vous ?
  • sur un complément prépositionnel non circonstanciel (COI/COS/complément d’agent etc.) : À qui penses-tu ?, De quoi parles-tu ? (On remarque que le pronom est précédé d’une préposition.)

La plupart de ces phrases peuvent être renforcées par « est-ce que » : Qui est-ce qui est venu ?, Qu’est-ce que vous voulez ?, De quoi est-ce que tu parles ?...

Les déterminants interrogatifs

Comme tout déterminant, « quel » s'emploie devant un nom : Quelle heure est-il  ?

Cependant, le déterminant « quel », employé seul, concurrence le pronom « qui » : Qui est cet homme ? / Quel est cet homme ?

Les adverbes interrogatifs

Les adverbes interrogatifs portent sur les circonstances de l’action : manière, lieu, cause et temps :

  • Comment allez-vous ?
  • Où allez-vous ?
  • Pourquoi riez-vous ?
  • Quand partez-vous ?

L’emploi de ces adverbes s’accompagne de l’inversion du sujet mais l’interrogation sur les circonstances peut être évidemment renforcée par « est-ce que » placé après l’adverbe interrogatif, ce qui permet d’éviter l’inversion du sujet :

  • Quand est-ce que vous partez ?
  • Pourquoi est-ce que vous riez ?

L’interrogation indirecte

Les propositions subordonnées interrogatives font partie des propositions subordonnées complétives[^3] et sont appelées propositions subordonnées interrogatives indirectes.

En effet, la question Quelle heure est-il ? est posée directement. Dans l’interrogation indirecte, la question est formulée par l’intermédiaire d’un verbe exprimant un manque d’information (se demander, savoir, ignorer, chercher…) : Je me demande quelle heure il est. On dit alors que l’interrogation est indirecte puisque elle est introduite :

  • soit par la conjonction de subordination « si » : Il se demande si Marc viendra.
  • soit par des mots interrogatifs comme le déterminant « quel », les adverbes et les pronoms interrogatifs : Je me demande quelle heure il est, Je ne sais où aller.

On remarque que la proposition subordonnée interrogative est une interrogation totale, qu’il n’y a ni inversion du sujet ni possibilité d’utiliser « est-ce que ». En outre, elle n’admet pas le point d’interrogation que l’on trouve dans l’interrogation directe (Marc viendra-t-il ?).

Par ailleurs, le verbe de la subordonnée est soumis à la concordance des temps :

  • Je me demande quelle heure il est.
  • Je me demandai quelle heure il était.

Exercices

1. Classez ces phrases interrogatives selon qu’elles relèvent d’un registre familier ou soutenu.

  • Quand pars-tu ?
  • Quand est-ce que tu pars ?
  • C’est quand que tu pars ?
  • Quand tu pars ?
  • Quand c’est que tu pars ?

2. Transformez ces phrases affirmatives en phrases interrogatives.

  • En inversant tout d’abord simplement le sujet et le verbe.
  • Puis en ajoutant « est-ce que ».


  • Il paraissait enseveli dans une rêverie profonde.
  • Je ne vous ai pas promis que je trouverais des ressources.
  • Il ne préfère point l’État à sa famille.
  • C’est un aveuglement pour elle fatal d’avoir à choisir.


3. Relevez les phrases interrogatives et dites si elles sont totales ou partielles.

Que vous ont fait les Troglodytes ? Ont-ils enlevé vos femmes, dérobé vos bestiaux, ravagé vos cam­pagnes ? Non : nous sommes justes, et nous craignons les dieux. Que demandez-vous donc de nous ? Voulez-vous de la laine pour vous faire des habits ? Voulez-vous du lait pour vos troupeaux ? ou des fruits de nos terres ?

Montesquieu, Lettres persanes, Lettres XIII

4. Transformez les interrogations directes en phrases interrogatives indirectes en commençant par « Nous nous demanderons... ».

  • Qu’est-ce que la monstruosité ?
  • Comment l’auteur montre-t-il l’aspect tragique de ce meurtre ?
  • En quoi le portrait de Gwynplaine est-il une réflexion sur l’art et le rire ?

5. Transformez les interrogations indirectes en phrases interrogatives directes.

  • Nous nous demanderons pourquoi Montaigne nous raconte sa rencontre avec le monstre.
  • Nous montrerons en quoi ce poème expose une poétique des contraires.
  • Nous verrons quel rôle la mythologie joue dans cette scène d’exposition.

Évaluation

Exercice 1

Transformez ces phrases affirmatives en phrases interrogatives en inversant le sujet et le verbe et en faisant toutes les modifications nécessaires. (3 points)

  • Il n'y a pas de raison qu'elle s'arrête maintenant.
  • Les parents de Jeanne riaient un peu de ce prétendant silencieux et maladroit.
  • Quelqu'un a fait sauter la serrure du couloir.

Exercice 2

Relevez les phrases interrogatives et dites

  1. si elles sont totales ou partielles.
  2. si elles sont directes ou indirectes. (8 points)
  • Je me demande pourquoi on écrit si peu sur Tchernobyl. Pourquoi nos écrivains continuent-ils à parler de la guerre, des camps et se taisent sur cela  ? Est-ce un hasard  ? (Svetlana Alexievitch)
  • Pourquoi trembles-tu ? Aurais-je raison ? Sais-tu que Grouchegnka m’a dit : « Amène-le (c’est-à-dire toi), je lui arracherai son froc » ? Et comme elle insistait, je me suis demandé pourquoi elle était si curieuse de toi. Sais-tu que c’est aussi une femme extraordinaire ? (Fiodor Dostoïevski)

Exercice 3

Transformez les interrogations directes en phrases interrogatives indirectes en commençant par « Je me demande... ». (3 points)

  • Qu'as-tu, ce matin ?
  • Est-ce qu’il est mort ?
  • Quel mal y aurait-il à ce qu'il mît sa filleule dans son testament ?

Exercice 4

Transformez les interrogations indirectes (extraites de Vendredi ou les Limbes du Pacifique de Michel Tournier) en phrases interrogatives directes. (6 points)

  • Je m'étais demandé dans mon aveuglement si les terreurs du naufrage suivies d'une longue période de solitude dans une nature hostile ne l'avaient pas ramené à l'état sauvage.
  • Robinson ne savait plus depuis combien de temps il avait abandonné son dernier haillon aux épines d'un buisson.
  • Robinson se demandait si la sorcière n'allait pas s'écrouler asphyxiée avant l'achèvement du rite.