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Le Horla

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« Le Horla » de Guy de Maupassant (1887)

Le personnage est hanté par un être invisible qui le vampirise et le force à dépérir en se nourrissant de son énergie. Cet être manifeste sa présence en buvant l’eau de son verre ou en cueillant une fleur à ses côtés. Toutes les tentatives pour échapper à son emprise ayant échoué, le narrateur décide de lui tendre un piège afin de le tuer.

CourbetJe le tuerai. Je l’ai vu ! Je me suis assis hier soir, à ma table ; et je fis semblant d’écrire avec une grande attention. Je savais bien qu’il viendrait rôder autour de moi, tout près, si près que je pourrais peut-être le toucher, le saisir ? [… ]
En face de moi, mon lit, un vieux lit de chêne à colonnes ; à droite, ma cheminée ; à gauche ma porte fermée avec soin, après l’avoir laissée longtemps ouverte, afin de l’attirer ; derrière moi, une très haute armoire à glace, qui me servait chaque jour pour me raser, pour m’habiller, et où j’avais coutume de me regarder, de la tête aux pieds, chaque fois que je passais devant.
Donc je faisais semblant d’écrire, pour le tromper, car il m’épiait lui aussi ; et soudain, je sentis, je fus certain qu’il lisait par-dessus mon épaule, qu’il était là, frôlant mon oreille.
Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber. Eh bien ?…. on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace ! Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière ! Mon image n’était pas dedans… et j’étais en face, moi ! Je voyais le grand verre limpide du haut en bas. Et je regardais cela avec des yeux affolés ; et je n’osais plus avancer, je n’osais plus faire un mouvement, sentant bien pourtant qu’il était là, mais qu’il m’échapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait dévoré mon reflet.
Comme j’eus peur ! Puis voilà que tout à coup je commençai à m’apercevoir dans une brume, au fond du miroir, dans une brume comme à travers une nappe d’eau ; et il me semblait que cette eau glissait de gauche à droite, lentement, rendant plus précise mon image, de seconde en seconde. C’était comme la fin d’une éclipse. Ce qui me cachait ne paraissait point posséder de contours nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque, s’éclaircissant peu à peu.
Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant.
Je l’avais vu ! L’épouvante m’en est restée, qui me fait encore frissonner.

Questions

Les personnages

1. Quelle est la classe grammaticale du mot « je » ? Qui désigne-t-il ?
2. Comment est désigné l’être invisible ? Citez quelques exemples et dites pourquoi il est appelé ainsi.
3. Quels sentiments le narrateur éprouve-t-il ? Trouvez un champ lexical qui confirme votre réponse.
4. À quel endroit précis du texte voit-on que le narrateur est paralysé par la peur ? Quels mots et quels moyens grammaticaux le montrent ?

Décrire l’invisible

5. Relevez le champ lexical de la vision.
6. Pourquoi l’être invisible est-il si effrayant ?
7. Comment le narrateur a pu voir l’être invisible ?
8. Relevez des mots traduisant l’incertitude du narrateur.

Le genre du texte

9. Le lecteur est-il obligé de croire à l’existence de cet être invisible ? Quelles interprétations peut-on proposer de cette histoire ?
10. Cet extrait est-il fantastique ? Justifiez précisément votre réponse en vous aidant de vos réponses précédentes.

Réponses

Les personnages

1. « je » est un pronom personnel désignant le protagoniste de l’histoire, qui en est aussi le narrateur.

2. L’être invisible est désigné par le pronom personnel « il » ou « le ».

Le pronom « il » est parfois appelé le pronom de la non-personne (en général, dans une conversation, « il » est celui qui n’est pas là).
On peut penser qu’il est appelé ainsi, car il n’a pas de nom. En effet, un être invisible est innommable. On ne sait même pas s’il existe. Plus tard, le narrateur l’appellera « le Horla », mot composé de la préposition « hors » et de l’adverbe « là ». Ainsi, le Horla est celui qui est là sans y être (il est hors de là).

3. Le personnage est effrayé. Les termes « affolés », « peur », « épouvante » et « frissonner » appartiennent au champ lexical de la peur.

4. Au quatrième paragraphe, le narrateur est paralysé par la peur. De nombreux indices le montrent.
On peut, tout d’abord, remarquer la ponctuation. Les phrases exclamatives et la phrase interrogative montrent les sentiments mêlés de stupéfaction, de doute qui s’emparent du narrateur (« Eh bien ? », « j’étais en face, moi ! »). Les points de suspension traduisent un silence que les mots ne peuvent combler. Muet d’étonnement, le narrateur ne peut parler. La double répétition du verbe « oser » et de la négation « ne...plus » peuvent être lus comme une sorte de bégaiement dû à la peur (« je n’osais plus avancer, je n’osais plus faire un mouvement »). Cette répétition traduit également la peur et l'incompréhension. Enfin, on peut noter l'utilisation abondante de la conjonction de coordination « et ». Les phrases sont coordonnées, ne s'arrêtent pas, traduisant le débit rapide de celui qui raconte la peur qu'il a eue et dont il éprouve encore les effets (« et je ne me vis pas... », « et j’étais en face... », « Et je regardais cela... », « et je n’osais plus... »).

Décrire l’invisible

5. Les mots « vu », « regarder », « épiait », « voyait », « vis », « voyais », « regardais », « yeux », « vapercevoir », « distinguer », « regardant » appartiennent au champ lexical de la vision.

6. L'être invisible est effrayant précisément parce qu'on ne le voit pas.

7. Le narrateur a vu l'être invisible, car il ne voyait plus son reflet dans la glace. Il pensait donc qu'entre lui et la glace se trouvait le Horla. En somme, il l'a vu en ne se voyant pas.
Plusieurs figures de style sont employées pour désigner l'invisible. Tout d'abord, une métaphore (« je commençai à m’apercevoir dans une brume »), puis deux comparaisons (« comme à travers une nappe d’eau », « C’était comme la fin d’une éclipse »), enfin un oxymore (« une sorte de transparence opaque »).

8. Le verbe « paraissait » traduit l'incertitude du narrateur, tout comme l'emploi de phrases interrogatives (« Eh bien ? », « je pourrais peut-être le toucher, le saisir ? » ), de l'adverbe « peut-être » ou du conditionnel (« je pourrais », « échapperait »).

Le genre du texte

9. Nous ne sommes pas obligés de croire en l'existence du Horla (le narrateur lui-même est dans l'incertitude, sauf à la fin).
Comme nous n'avons que le seul témoignage du narrateur qui est aussi le personnage principal de l'histoire, nous ne pouvons que nous en remettre à ce qu'il dit. Nous ne percevons l'histoire qu'à travers son point de vue. On ne sait pas s'il est fou (ce qui serait une explication rationnelle) ou s'il est réellement victime d'un être maléfique (ce serait un explication irrationnelle).

10. Cet extrait est fantastique. Or on ne peut privilégier aucune explication (rationnelle ou irrationnelle). Dans le cas contraire, on sortirait du fantastique pour entrer dans un genre voisin (l'étrange, le surnaturel, le merveilleux ou l'heroic fantasy). On ne saura donc jamais si le Horla existe réellement ou si le narrateur est fou.

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