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Waterloo

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La charge des cuirassiers français à Waterloo
Source : Wikipédia

Victor Hugo consacre à la bataille de Waterloo tout un livre des Misérables (le premier de la deuxième partie). Dans cet extrait, Napoléon donne l’ordre aux cuirassiers (1) de Milhaud de prendre le plateau de Mont-Saint-Jean. Mais un obstacle imprévu provoque la catastrophe.

Il y eut un silence redoutable, puis, subitement, une longue file de bras levés brandissant des sabres apparut au-dessus de la crête, et les casques, et les trompettes, et les étendards, et trois mille têtes à moustaches grises criant : vive l’empereur ! Toute cette cavalerie déboucha sur le plateau, et ce fut comme l’entrée d’un tremblement de terre.
Tout à coup, chose tragique, à la gauche des Anglais, à notre droite, la tête de colonne des cuirassiers se cabra avec une clameur effroyable. Parvenus au point culminant de la crête, effrénés, tout à leur furie et à leur course d’extermination sur les carrés (2) et les canons, les cuirassiers venaient d’apercevoir entre eux et les Anglais un fossé, une fosse. C’était le chemin creux d’Ohain.
L’instant fut épouvantable. Le ravin était là, inattendu, béant, à pic sous les pieds des chevaux, profond de deux toises (3) entre son double talus ; le second rang y poussa le premier, et le troisième y poussa le second ; les chevaux se dressaient, se rejetaient en arrière, tombaient sur la croupe, glissaient les quatre pieds en l’air, pilant et bouleversant les cavaliers, aucun moyen de reculer, toute la colonne n’était plus qu’un projectile, la force acquise pour écraser les Anglais écrasa les Français, le ravin inexorable (4) ne pouvait se rendre que comblé, cavaliers et chevaux y roulèrent pêle-mêle se broyant les uns sur les autres, ne faisant qu’une chair dans ce gouffre, et, quand cette fosse fut pleine d’hommes vivants, on marcha dessus et le reste passa. Presque un tiers de la brigade Dubois croula dans cet abîme.
[...]
En même temps que le ravin, la batterie (5) s’était démasquée.
Soixante canons et les treize carrés foudroyèrent les cuirassiers à bout portant.
[...]
Les cuirassiers (6) se ruèrent sur les carrés anglais.
Ventre à terre, brides lâchées, sabre aux dents, pistolets au poing, telle fut l’attaque.
Il y a des moments dans les batailles où l’âme durcit l’homme jusqu’à changer le soldat en statue, et où toute cette chair se fait granit. Les bataillons anglais, éperdument assaillis, ne bougèrent pas.
Alors ce fut effrayant.
Toutes les faces des carrés anglais furent attaquées à la fois. Un tournoiement frénétique les enveloppa. Cette froide infanterie demeura impassible (7). Le premier rang, genou en terre, recevait les cuirassiers sur les bayonnettes, le second rang les fusillait ; derrière le second rang les canonniers chargeaient les pièces, le front du carré s’ouvrait, laissait passer une éruption de mitraille et se refermait. Les cuirassiers répondaient par l’écrasement. Leurs grands chevaux se cabraient, enjambaient les rangs, sautaient par-dessus les bayonnettes et tombaient, gigantesques, au milieu de ces quatre murs vivants. Les boulets faisaient des trouées dans les cuirassiers, les cuirassiers faisaient des brèches dans les carrés. Des files d’hommes disparaissaient broyées sous les chevaux. Les bayonnettes s’enfonçaient dans les ventres de ces centaures. De là une difformité de blessures qu’on n’a pas vue peut-être ailleurs. Les carrés, rongés par cette cavalerie forcenée, se rétrécissaient sans broncher. Inépuisables en mitraille, ils faisaient explosion au milieu des assaillants. La figure de ce combat était monstrueuse. Ces carrés n’étaient plus des bataillons, c’étaient des cratères ; ces cuirassiers n’étaient plus une cavalerie, c’était une tempête. Chaque carré était un volcan attaqué par un nuage ; la lave combattait la foudre.

Les Misérables, Deuxième partie (Cosette), Livre premier (Waterloo), Chapitres IX et X

Notes :

1 - Cuirassiers : les soldats d’un régiment de cavalerie lourde.
2 - Les carrés : troupe d’hommes disposée pour faire face à l’ennemi des quatre côtés.
3 - Toises : la toise est une mesure de longueur d’environ deux mètres.
4 - Inexorable : qu’on ne peut éviter, auquel on ne peut se soustraire.
5 - La batterie : les pièces d’artillerie, le matériel nécessaire pour battre l’ennemi, pour tirer sur lui.
6 - Les cuirassiers : ceux qui ont survécu, telle la colonne Delord.
7 - Impassible : calme, imperturbable, impénétrable.

Questions

I - Le chemin creux d’Ohain

1. Dans le premier paragraphe, combien comptez-vous de conjonctions de coordination ? Comment appelle-t-on cette figure de style ? Quel effet produit-elle ?
2. Toujours dans le premier paragraphe, à quoi l’arrivée de la cavalerie est-elle comparée ?
3. Au paragraphe suivant, de quelle « chose tragique » s’agit-il ? Relevez l’adverbe qui annonce cette chose.
4. Relevez, dans le troisième paragraphe cette fois, tous les termes désignant cette « chose tragique ».
5. À quel élément la cavalerie est-elle maintenant comparée ? Que devient alors la cavalerie ? Justifiez votre réponse en citant le texte.

II - À l’attaque des carrés anglais

6. Dans le dernier paragraphe, citez deux expressions soulignant la violence du combat.
7. Relevez le champ lexical du carnage.
8. Quels termes soulignent la grandeur des combattants ?
9. Quels éléments de cette bataille relèvent du merveilleux ?
10. « la lave combattait la foudre »
Dans cet extrait, que désigne la lave ? Que désigne la foudre ?
Comment appelle-t-on cette figure de style ?
11. Quel genre littéraire raconte les exploits guerriers de héros ?

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