RT Actu Blog Manuels Liens

Séance 8 Définir le réalisme et le naturalisme

Vous êtes ici : > Lycée > Séquences (seconde) > Les romans du crime > Définir le réalisme et le naturalisme

Ombres portées

Le réalisme

Lisez ces trois extraits et tentez de définir le réalisme en réunissant tous les éléments qui vous semble permettre de pouvoir constituer une définition.

Texte 1 Extrait de Le Rouge et le Noir (1830)

Eh, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Et l’homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé d’être immoral ! Son miroir montre la fange, et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt le grand chemin où est le bourbier, et plus encore l’inspecteur des routes qui laisse l’eau croupir et le bourbier se former.

Stendhal

Texte 2 Préface de Germinie Lacerteux (1865)

Le public aime les romans faux : ce roman est un roman vrai.

[…]

Vivant au dix-neuvième siècle, dans un temps de suffrage universel, de démocratie, de libéralisme, nous nous sommes demandé si ce qu’on appelle « les basses classes » n’avait pas droit au Roman ; si ce monde sous un monde, le peuple, devait rester sous le coup de l’interdit littéraire et des dédains d’auteurs qui ont fait jusqu’ici le silence sur l’âme et le cœur qu’il peut avoir. Nous nous sommes demandé s’il y avait encore, pour l’écrivain et pour le lecteur, en ces années d’égalité où nous sommes, des classes indignes, des malheurs trop bas, des drames trop mal embouchés, des catastrophes d’une terreur trop peu noble. Il nous est venu la curiosité de savoir si cette forme conventionnelle d’une littérature oubliée et d’une société disparue, la Tragédie, était définitivement morte ; si, dans un pays sans caste et sans aristocratie légale, les misères des petits et des pauvres parleraient à l’intérêt, à l’émotion, à la pitié, aussi haut que les misères des grands et des riches ; si, en un mot, les larmes qu’on pleure en bas pourraient faire pleurer comme celles qu’on pleure en haut.

Jules de Goncourt et Edmond de Goncourt

Texte 3 Préface de La Comédie humaine (1842)

Quoique, pour ainsi dire, ébloui par la fécondité surprenante de Walter Scott, toujours semblable à lui-même et toujours original, je ne fus pas désespéré, car je trouvai la raison de ce talent dans l’infinie variété de la nature humaine. Le hasard est le plus grand romancier du monde : pour être fécond, il n’y a qu’à l’étudier. La Société française allait être l’historien, je ne devais être que le secrétaire. En dressant l’inventaire des vices et des vertus, en rassemblant les principaux faits des passions, en peignant les caractères, en choisissant les événements principaux de la Société, en composant des types par la réunion des traits de plusieurs caractères homogènes, peut-être pouvais-je arriver à écrire l’histoire oubliée par tant d’historiens, celle des mœurs. Avec beaucoup de patience et de courage, je réaliserais, sur la France au dix-neuvième siècle, ce livre que nous regrettons tous, que Rome, Athènes, Tyr, Memphis, la Perse, l’Inde ne nous ont malheureusement pas laissé sur leurs civilisations, et qu’à l’instar de l’abbé Barthélemy, le courageux et patient Monteil avait essayé pour le Moyen-Âge, mais sous une forme peu attrayante.

Honoré de Balzac

Tableaux impressionnistes

Texte 4 Le réalisme (1857)

La reproduction de la nature par l’homme ne sera jamais une reproduction ni une imitation, ce sera toujours une interprétation. Il est si difficile de s’entendre sur les mots, que je vais essayer de rendre ma pensée plus claire des faits :

Dix daguerréotypes sont réunis dans la campagne et soumettent la nature à l’action de la lumière. À côté d’eux dix élèves en paysage copient également le même site. L’opération chimique terminée, les dix plaques sont comparées ; elles rendent exactement le paysage sans aucune variation entre elles.

Au contraire, après deux ou trois heures de travail, les dix élèves (quoiqu’ils soient sous la direction d’un même maître, qu’ils aient subi ses principes bons ou mauvais), étalent leurs esquisses les unes à côté des autres. Pas une ne se ressemble.

Cependant tous les dix ont copié avec toute l’exactitude possible les mêmes arbres, la même prairie, la même colline. Il y a même de telles dissemblances que l’herbe des champs qui paraît verte à celui-ci, a été peinte rousse par celui-là ; le site est riant et gai, quelques-uns l’ont vu mélancolique et sombre. À quoi tient cette différence ? À ce que que l’homme, quoi qu’il fasse pour se rendre l’esclave de la nature, est toujours emporté par son tempérament particulier qui le tient depuis les ongles jusqu’aux cheveux et qui le pousse à rendre la nature suivant l’impression qu’il en reçoit.

Champfleury

Le naturalisme

Lisez ces deux extraits et tentez de définir le naturalisme en réunissant tous les éléments qui vous semble pouvoir constituer une définition.

Texte 1 Préface de La Fortune des Rougon (1871)

Arbre généalogique des Rougon-Macquart

Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d’êtres, se comporte dans une société, en s’épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus, qui paraissent, au premier coup d’œil, profondément dissemblables, mais que l’analyse montre intimement liés les uns aux autres. L’hérédité a ses lois, comme la pesanteur.

Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d’un homme à un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand j’aurai entre les mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe à l’œuvre, comme acteur d’une époque historique, je le créerai agissant dans la complexité de ses efforts, j’analyserai à la fois la somme de volonté de chacun de ses membres et la poussée générale de l’ensemble.

Les Rougon-Macquart, le groupe, la famille que je me propose d’étudier, a pour caractéristique le débordement des appétits, le large soulèvement de notre âge, qui se rue aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d’une première lésion organique, et qui  déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils partent du peuple, ils s’irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes les situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses classes en marche à travers le corps social, et ils racontent ainsi le second empire, à l’aide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup d’État à la trahison de Sedan.

Depuis trois années, je rassemblais les documents de ce grand ouvrage, et le présent volume était même écrit, lorsque la chute des Bonaparte, dont j’avais besoin comme artiste, et que toujours je trouvais fatalement au bout du drame, sans oser l’espérer si prochaine, est venue me donner le dénouement terrible et nécessaire de mon œuvre. Celle-ci est, dès aujourd’hui, complète ; elle s’agite dans un cercle fini ; elle devient le tableau d’un règne mort, d’une étrange époque de folie et de honte.
Cette œuvre, qui formera plusieurs épisodes, est donc, dans ma pensée, l’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire. Et le premier épisode : la Fortune des Rougon, doit s’appeler de son titre scientifique : les Origines.

Émile Zola

Texte 2 Le Roman expérimental (1880)

Dès ce jour, la science entre donc dans notre domaine, à nous romanciers, qui sommes à cette heure des analystes de l'homme, dans son action individuelle et sociale. Nous continuons, par nos observations et nos expériences, la besogne du physiologiste, qui a continué celle du physicien et du chimiste. Nous faisons en quelque sorte de la psychologie scientifique, pour compléter la physiologie scientifique ; et nous n'avons, pour achever l'évolution, qu'à apporter dans nos études de la nature et de l'homme l'outil décisif de la méthode expérimentale. En un mot, nous devons opérer sur les caractères, sur les passions, sur les faits humains et sociaux, comme le chimiste et le physicien opèrent sur les corps bruts, comme le physiologiste opère sur les corps vivants.

[…]

Sans me risquer à formuler des lois, j'estime que la question d'hérédité a une grande influence dans les manifestations intellectuelles et passionnelles de l'homme. Je donne aussi une importance considérable au milieu. Il faudrait sur la méthode aborder les théories de Darwin ; mais ceci n'est qu'une étude générale expérimentale appliquée au roman, et je me perdrais, si je voulais entrer dans les détails. Je dirai simplement un mot des milieux. Nous venons de voir l'importance décisive donnée par Claude Bernard à l'étude du milieu intra-organique, dont on doit tenir compte, si l'on veut trouver le déterminisme des phénomènes chez les êtres vivants. Eh bien ! dans l'étude d'une famille, d'un groupe d'êtres vivants je crois que le milieu social a également une importance capitale. Un jour, la physiologie nous expliquera sans doute mécanisme de la pensée et des passions ; nous saurons comment fonctionne la machine individuelle de l'homme, comment il pense, comment il aime, comment il va de la raison à la passion et à la folie; mais ces phénomènes, ces faits du mécanisme des organes agissant sous l'influence du milieu intérieur, ne se produisent pas au dehors isolément et dans le vide. L'homme n'est pas seul, il vit dans une société, dans un milieu social, et dès lors pour nous, romanciers, ce milieu social modifie sans cesse les phénomènes.

[…]

J'en suis donc arrivé à ce point: le roman expérimental est une conséquence de l'évolution scientifique du siècle; il continue et complète la physiologie, qui elle-même s'appuie sur la chimie et la physique ; il substitue à l'étude de l'homme abstrait, de l'homme métaphysique, l'étude de l'homme naturel, soumis aux lois physico-chimiques et déterminé par les influences du milieu ; il est en un mot la littérature de notre âge scientifique […].

Émile Zola

Les caricatures de Zola

Regardez ces dessins caricaturant l’écrivain Émile Zola et voyez la nature des reproches qui lui étaient adressés.

Caricature de Zola

Caricature de Zola

Partager

À voir également