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Humeur Informatique

L’absence de vie privée est un mensonge, même sur internet.

Il n’y a pas que la nudité de Jennifer Lawrence qui s’est affichée sur les réseaux sociaux, il y a aussi et surtout sa vie privée. On pourrait confondre les deux, mais la vie privée ne consiste pas à se mettre nu chez soi ou même à se photographier nu, mais bien à faire ce que l’on veut dans la sphère de l’intimité.

Or c’est à nouveau, un peu à la suite de la NSA, ce droit dont il est question quand une actrice s’en voit privée. D’aucuns pensent que la nature du problème n’est pas le piratage, la faille de sécurité, mais la nudité de l’actrice. C’est un peu, comme ça a été dit ici ou là, la version du : « si elle s’est fait violer, c’est parce qu’elle portait une jupe ».

D’autres estiment qu’il ne saurait y avoir de vie privée sur internet, qu’il ne fallait pas (doit-on leur donner tort, au reste ?) mettre de telles photos en ligne. Malheureusement, c’est oublier un point important : aujourd’hui, internet n’est pas un domaine isolé du monde. Ce n’est pas un bureau de poste où s’effectueraient certaines opérations : c’est l’épicentre de notre monde (je pique l’expression à Glenn Greenwald). C’est là où on se fait des amis, qu’on rencontre son conjoint, c’est là qu’on choisit ses livres, ses films, qu’on organise ses voyages, où l’on expose ses idées, et… où l’on stocke ses données privées. Notre personnalité et notre intimité sont désormais liées au numérique.

Certains, aidés par Google ou Facebook voire la NSA, se sont persuadés que la vie privée n’avait pas d’importance, que si on n’a rien à cacher, on n’a rien craindre. Eh bien l’actualité vient, une fois encore, de prouver le contraire.

La vie privée est importante, et, malheureusement pour elle, une partie se trouve sur internet. Raison pour quoi il va falloir la confier à des entreprises fiables, si tant est qu’elles puissent l’être face à la malveillance d’un pirate quand ce n’est pas une malveillance institutionnelle.

Avant de clore ce billet, je voudrais affirmer encore une fois l’importance de la vie privée y compris sur internet. Et même si Google ou Facebook s’efforcent de nous faire accroire qu’il n’en est rien, il faut le redire : tout le monde a quelque chose à cacher. Vous ne voulez pas que votre employeur sache que vous cherchez un autre emploi, vous ne déballez pas votre vie amoureuse devant vos enfants ou parents. Vous ne communiquez pas vos secrets commerciaux à des concurrents. Vous ne communiquez pas votre numéro de carte bleue sur Twitter. Vous n’avez pas envie que vos photos soient exposées aux quatre vents.

L’absence de vie privée est un mensonge, même sur internet.

2 réponses sur « L’absence de vie privée est un mensonge, même sur internet. »

très bon billet : bref mais efficace!
Sans vouloir sombrer dans un romantisme 2.0 d’un autre âge – où les sex-poker fleurissaient sur nos écrans affichant 16 couleurs – je suis aussi sans voix face à cette dématérialisation du Moi.
Nous sommes partout et nulle part. Ici et ailleurs. Notre Moi s’exportant autant dans les souvenirs que nous transmettons à nos enfants que dans les méandres de l’internet. Cette explosion de la sphère privée ; cette fusion de l’espace intime et de l’espace ultra-publique ; cette interpénétration (hmmmmmm) des instants privés et de ces moments à câbles ouverts… Tout cela est aussi effrayant que renversant. L’être et le néant se rejoignent de manière singulière : et cette croisée des identités peut aboutir à des chocs. D’autant plus violents que ces Moi semblent divergents entre image publique – véritable cadre d’un théâtre comme Musset l’avait brillamment mis en mots – et version intime. J’emploie sciemment le mot de version. Car comme le logiciel, notre identité évolue au fil de nos rencontres, de nos expériences, de notre histoire. Mais aussi des médiasphères dans lesquelles nous nous exprimons. Parfois à nu visiblement.

Merci pour ce très beau et pertinent commentaire. Je pense aussi au titre de Starobinski sur Rousseau, La transparence et l’obstacle. On souhaite une chose et son contraire sur internet : la reconnaissance et l’intimité. Espérons que nous ne soyons pas aussi paranoïaque que Jean-Jacques…

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