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Lire ou ne pas lire Guy Môquet ?

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Il est demandé aux enseignants des lycées de lire la lettre de Guy Môquet.
Qui s’étonnera que ces enseignants n’aient pas envie de la lire ?
Pour commencer, qui peut comprendre qu’un gouvernement de droite invite à la lecture d’un communiste ? Quel enseignant peut avoir envie de répondre à l’injonction présidentielle ? Faudra-t-il lire Maurice Barrès si l’idée vient à l’esprit d’un de nos élus ?
N’y a-t-il pas un programme ? L’enseignant n’a-t-il pas élaboré un projet pédagogique ?
Il faut donc lire la lettre ? Débattre ensuite ?
D’accord. Arrêtez tout !
Au collège, qu’est-ce que cela donnerait ?
« Voyons, mardi, il y a une intervention sur la violence au cinéma, jeudi j’avais prévu d’aller au CDI, et puis vendredi il y a le cross du collège… Bon heureusement, l’intervention de la gendarmerie sur les conduites à risque n’aura pas lieu cette semaine… Ah ! mais, j’oubliais ! Il y a collège au cinéma ! »
Évidemment, on pourrait faire un effort, au point où on en est…
Mais, le pire est encore de considérer que l’enseignant n’a qu’un droit : obéir. En tant que fonctionnaire, l’enseignant voudra bien s’abstenir de fournir la moindre réflexion et s’exécuter :
« Les enseignants ont un devoir […] c’est de faire leur métier d’enseignant, donc d’obéir aux directives »
On doit cette belle phrase à Henri Guaino, le conseiller spécial de l’Élysée.
On admirera la tournure tautologique : les enseignants doivent faire leur métier d’enseignant. Jusque-là, je n’apporterai pas la contradiction à ce brillant penseur élyséen. En revanche, la conclusion me semble plus que sujette à caution. Faire son métier consiste donc à « obéir aux directives » ! Selon moi — mais je ne suis qu’un petit fonctionnaire provincial mal payé — l’enseignant qui fait son devoir a d’autres ambitions que celles d’exécuter des ordres. Au reste, si les nouveaux programmes revendiquent fièrement la liberté pédagogique, ce n’est tout de même pas pour la battre en brèche dès qu’un conseiller prend cette parole tout emprunte de rhétorique présidentielle, composée de phrases courtes à tournure emphatique.
Tout cela est certes regrettable, mais on est susceptible dans la profession.

Il est demandé aux enseignants des lycées de lire la lettre de Guy Môquet.

Qui s’étonnera que ces enseignants n’aient pas envie de la lire ?

Pour commencer, qui peut comprendre qu’un gouvernement de droite invite à la lecture d’un communiste ? Quel enseignant peut avoir envie de répondre à l’injonction présidentielle ? Faudra-t-il lire Maurice Barrès si l’idée vient à l’esprit d’un de nos élus ?

N’y a-t-il pas un programme ? L’enseignant n’a-t-il pas élaboré un projet pédagogique ?

Il faut donc lire la lettre ? Débattre ensuite ?

D’accord. Arrêtez tout !

Au collège, qu’est-ce que cela donnerait ?

« Voyons, mardi, il y a une intervention sur la violence au cinéma, jeudi j’avais prévu d’aller au CDI, et puis vendredi il y a le cross du collège… Bon heureusement, l’intervention de la gendarmerie sur les conduites à risque n’aura pas lieu cette semaine… Ah ! mais, j’oubliais ! Il y a collège au cinéma ! »

Évidemment, on pourrait faire un effort, au point où on en est…

Mais, le pire est encore de considérer que l’enseignant n’a qu’un droit : obéir. En tant que fonctionnaire, l’enseignant voudra bien s’abstenir de fournir la moindre réflexion et s’exécuter :

« Les enseignants ont un devoir […] c’est de faire leur métier d’enseignant, donc d’obéir aux directives »

On doit cette belle phrase à Henri Guaino, le conseiller spécial de l’Élysée.

On admirera la tournure tautologique : les enseignants doivent faire leur métier d’enseignant. Jusque-là, je n’apporterai pas la contradiction à ce brillant penseur élyséen. En revanche, la conclusion me semble plus que sujette à caution. Faire son métier consiste donc à « obéir aux directives » ! Selon moi — mais je ne suis qu’un petit fonctionnaire provincial mal payé — l’enseignant qui fait son devoir a d’autres ambitions que celles d’exécuter des ordres. Au reste, si les nouveaux programmes revendiquent fièrement la liberté pédagogique, ce n’est tout de même pas pour la battre en brèche dès qu’un conseiller prend cette parole tout emprunte de rhétorique présidentielle, composée de phrases courtes à tournure emphatique.

Tout cela est certes regrettable, mais on est susceptible dans la profession.

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Éducation

Parents et enseignants

Parfois, les élèves sont drôles, un peu malgré eux, mais ils sont drôles.

Hier, j’ai vu un ancien élève qui est en cinquième à présent. À la vie scolaire, on lui demande s’il est en étude, il répond le plus sérieusement du monde : « Non, je suis en permanence ».
Peut mieux faire. Écoutez ceci.
Une élève, qu’un collègue a envoyée à la vie scolaire dire quelque chose à la CPE, revient. Ledit collègue demande à l’élève si elle a vu la CPE. Et l’élève de répondre : « Oui, mais elle n’était pas là » !

Joli non ?

Mais, il n’y a pas que les élèves qui sont drôles. Les parents le sont parfois aussi, mais dans un sens un peu différent.

Voilà.

Certains parents ont un avis sur l’éducation et ne manquent pas de vous le faire savoir au moment où vous vous y attendez le moins. Pourtant, parfois, ils en manquent à ce point — je veux dire d’éducation — qu’ils se montrent tout à fait discourtois. Je suppose que leurs convictions ne souffrant aucune contradiction, ils ne pensent pas une seconde qu’éventuellement, peut-être, l’éducation, c’est votre métier, que vous êtes en somme un professionnel de l’éducation.
Non.
En fait, tout parent a son avis sur l’éducation.
Je suppose que c’est tout à fait normal. Le parent est un éducateur. Un éducateur qui a — en principe — délégué sinon son rôle du moins une partie de son rôle d’éducateur à une tierce personne. Et puis le géniteur qui a ses idées sur l’éducation, il est passé par l’école lui aussi. Donc il sait ce que c’est l’école. Il a son avis sur la question, et, disais-je, il le vous fait parfois savoir.
C’est là un phénomène assez curieux. Jamais dans mon existence, je n’ai dit à un professionnel quel qu’il soit, ce qu’il devrait faire ou ce que je pense qu’il devrait faire. Je n’ai jamais commenté ses choix.
Imaginons.
Je me vois bien débarquer dans une boulangerie, et donner mon avis sur la confection des baguettes. Je pourrais pourtant avoir plein de choses à dire. Au reste, il y a plein de choses que j’aime faire et sur lesquelles j’ai un avis : la musique, l’informatique, le jardinage, la maçonnerie, et que sais-je encore… Autre exemple. Un passager, dans un avion, quitte son siège, frappe à la porte de la cabine du pilote, et commente le pilotage. Outre que c’est interdit pour des raisons assez évidentes, je suis sûr que ce serait incongru si la chose était possible. On lui dirait : « Mais de quoi vous mêlez-vous ? »

Mais il en va tout autrement dès que votre métier implique des enfants. Les parents vous les confient, et de facto je serais assez enclin à trouver légitime que l’on me demande des comptes. D’ailleurs, cette situation doit concerner toutes les professions s’occupant des enfants : nourrice, personnel de crèche, pédiatre…
Position délicate que celle de cette profession. Vous êtes le professionnel, vous avez des diplômes, mais pour un instant, lors d’une entrevue, d’une réunion, un parent peut au motif qu’il est parent contester vos décisions, vos choix. Pire vous mettre en porte-à-faux avec votre élève.
Bah oui ! C’est simple à comprendre, cher géniteur d’apprenant. L’enseignant dit quelque chose, le parent en dit une autre. Que fait le gamin ? Si d’aventure, il est présent lors de l’entrevue, l’enfant peu ravi de se trouver au centre de tant d’attention contradictoire, il pleure.
Ne sommes-nous pas là pour cet enfant ? Nous agissons pour son bien. Je ne crois pas qu’il existe beaucoup d’enseignants sadiques, ivres de pouvoir, traumatisant avec délectation une jeunesse encore insouciante.
Simplement, on fait notre travail.
Alors on peut faire des erreurs. Mais ne peut-on en parler calmement sans condamner l’autre à l’avance, en accordant à l’autre le bénéfice du doute, sans mettre de formules péremptoires, discourtoises sur le carnet de correspondance ou sur la copie. Vous savez ces formules de fin de non-recevoir qui coupent court à toute conversation et vous dénient votre propre rôle. 

Et vous savez quoi ? Après cet acte d’ingérence dans votre métier, vous n’insistez pas, vous laissez tomber, vous acquiescez au caprice parental, parce que ce serait prendre l’enfant en otage en vous obstinant.

Mais ne me demandez pas de trouver ça normal.

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Littérature Lu

Hommage de Dumas

Dans Pauline, Alexandre Dumas rend hommage au père du roman historique lorsqu’il fait dire à son héros : « Nous visitâmes, Walter Scott à la main, toute cette terre poétique que, pareil à un magicien qui évoque des fantômes, il a repeuplée de ses antiques habitants, auxquels il a mêlé les originales et gracieuses créations de sa fantaisie ».

Mais comment ne pas y voir le manifeste littéraire de sa propre œuvre ? Ce que Walter Scott a fait en Angleterre, Alexandre Dumas l’a fait à son tour en France.

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Des places pour l’OM

Ça y est, la boîte de Pandore est ouverte, et l’on va découvrir toutes les malheureuses initiatives des uns et des autres pour inciter les élèves à aller en classe.

Le Parisien révèle que le lycée professionnel Le mistral à Marseille propose à ses élèves des places pour assister à un match de foot en guise de récompense.

Cette fois, on touche le fond.

Je ne vais pas ergoter sur la nature de la carotte, de la cagnotte. En revanche, je me demande s’il est vraiment pertinent de proposer ce type de récompense à des élèves qui, apparemment il faut le rappeler, ont parfois la majorité pénale (16 ans) voire la majorité tout court, puisque l’on parle d’élèves de lycée professionnel. S’ils sont censés être des individus responsables, pourquoi les encourager à penser qu’un comportement normal, donc d’adulte responsable puisse être récompensé à la façon d’un enfant qui a été sage. À ce niveau, ce ne sont plus des enfants.

Pire ! Je ne parviens pas à concevoir que l’école ne puisse faire la démonstration à ses élèves du bien-fondé de son existence, et aussi montrer qu’elle est en elle-même une récompense pour des élèves qui n’ont qu’à se donner la peine de s’asseoir sur une chaise et être à peine médiocre pour recevoir l’assentiment d’adultes dépassés par le désintérêt massif dont l’école fait l’objet.

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Qui veut gagner des euros ?

Je lis sur le blog C’est classe cette affirmation, à propos de cette fameuse histoire de cagnotte accordée aux élèves qui veulent bien se donner la peine d’entrer en classe :

«Nous comprenons que cela fasse débat. C’est quelque chose de très nouveau dans le système français. Nous sommes pragmatiques et toutes les idées sont bonnes à prendre : si c’est un bon moyen de limiter le décrochage, si cela déclenche l’assiduité, c’est intéressant».

Je vois dans ces propos une confirmation de ce que je pensais. On est prêt à faire n’importe quoi : « toutes les idées sont bonnes à prendre » pourvu que « cela déclenche l’assiduité » (« si c’est un bon moyen »… convainquons-nous que c’est « bon »). C’est carrément un aveu. Je traduis :

Chers élèves,

En dépit de la gratuité de l’école, et des montants astronomiques alloués en matière d’éducation et prestations diverses, nous prenons bonne note de votre peu de désir de fréquenter l’établissement que la loi vous oblige pourtant à honorer de votre présence. Aussi avons-nous décidé de creuser un peu plus encore les écarts existant entre différents établissements en rémunérant sinon les élèves du moins les classes qui voudraient bien avoir l’extrême obligeance de venir en classe, parce que tout simplement, c’est intéressant.


N.-B. On se marre bien au ministère. On essaie. On est pragmatique.

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Apprendre, oui mais comment ?

Jusqu’où est-on prêt à aller pour donner envie aux élèves de venir en classe ?

J’ai comme le sentiment qu’on est prêt à faire n’importe quoi, mais alors du grand n’importe quoi !

Cet article avait déjà conforté mon opinion, celui-ci me prouve – si besoin était – que non seulement on fera n’importe quoi pour que les élèves aillent en classe, mais qu’en plus l’argent jouera un rôle dans cette vaine tentative d’éduquer, ce qui est navrant.

Mais peut-on encore parler d’éducation ?

En fait, l’idée est simple : on va payer pour que les élèves viennent en classe. C’est donc l’idée de la cagnotte qui a été retenue (la paronomase est facile : c’est la carotte !). S’ils sont en manque d’idée au ministère, je leur suggère le buzzer, afin que les élèves aient le sentiment d’être à la télé. C’est motivant, ça, non ? École, argent, spectacle. Il ne manque plus que le séduisant fonctionnaire pour animer et inciter au gain des rangs de fainéants assoiffés d’argent.

2000 € par classe avec augmentation possible de la cagnotte. 2000 € si l’élève vient en classe et a le bon goût de s’asseoir sur sa chaise sans agonir son voisin ou le  professeur… Pffff…

Je ne sais pas dans quelles conditions cette cagnotte de départ va « prospérer »… Peut-être que si l’élève parvient à faire une phrase intelligible, on pensera à rajouter 1000 €… Ce n’est pas tout. L’année étant découpée en quatre périodes, il y aura donc quatre cagnottes de  2000 €. 1000 € donc !

Ce joli projet pourra s’étendre à 70 classes l’année prochaine si l’expérience s’avère satisfaisante. Le montant s’élèverait alors à 560 000 €… 70 classes, ça fait disons deux ou trois gros établissements.

Calculons. L' »internat d’excellence » de Sourdun (concernant 128 élèves) va coûter 1,5 million d’euros (ce n’est qu’un début) ! Si vous n’avez pas lu l’article auquel je fais référence, sachez que cet argent va servir à faire faire de l’équitation, voyager à Pondichéry ou à Londres 128 élèves qu’encadrent 16 professeurs (1 pour 8 élèves). L’addition n’est pas encore possible (on sait que le million cinq n’est qu’une première tranche), mais on peut se demander combien de millions on va dépenser pour quelques centaines d’élèves, et combien on va dépenser pour les millions d’autres élèves. Pas de cagnotte pour ceux-là.

La conclusion est aisée : outre le fait que payer un élève pour faire son devoir d’élève est insensé, on peut se demander comment on ose ainsi favoriser certains (fussent-ils défavorisés au départ ) au détriment des autres qui vont continuer à aller à l’école parce que sinon c‘est plus d’allocations familiales et puis c’est conseil de discipline si ça va pas mieux. Comment on peut faire des classes de 30 élèves, comment on peut supprimer tant de postes ? Je me demande également combien de temps encore on va accueillir les primo arrivants dans les conditions que nous connaissons. En gros, c’est : « Tu ne me comprends pas, je ne te comprends pas, et puis j’ai 30 élèves derrière qui piaillent ». Je me demande également combien de temps on va devoir utiliser le matériel informatique de l’ex-RDA pour faire passer le B2i à nos élèves ou rentrer nos notes sur les trois machines pour soixante profs. Petit détail rigolo : on utilise désormais un câble USB pour brancher l’imprimante. Le port parallèle peut jouir d’un repos mérité.

Jusqu’où est-on prêt à aller pour donner envie aux profs de venir en classe ?