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Lu

La fête punitive

Je me souviens avoir vu une adaptation cinématographique de L’Odyssée (fort médiocre au demeurant, l’adaptation naturellement pas L’Odyssée) dans laquelle le personnage de Télémaque était joué par un acteur prépubère au regard méchant, probablement aigri, meurtri, par les années passées en compagnie des prétendants, ce que l’on peut concevoir d’ailleurs. Il y piquait quelques vaines colères qui le rendaient pathétique.

Qu’en est-il réellement de ce personnage ?

Je n’ai pas relu la totalité de L’Odyssée, néanmoins un passage a attiré mon attention. Après que les prétendants ont été dûment massacrés, le fils d’Ulysse et deux serviteurs emmènent Mélanthios, un complice des prétendants.

Que lui font-ils ?

Ils lui coupent le nez, lui tranchent les oreilles, lui arrachent les parties génitales qu’ils jettent aux chiens, puis lui coupent les mains et les pieds.

Je vois Télémaque différemment à présent. Évidemment, l’adolescent est devenu un homme après que son père est revenu. Mais quelle violence !

On pense à Achille, dans L’Iliade, devenu fou de douleur à la mort de Patrocle tué par Hector.  Après que tous les Achéens ont blessé le corps d’Hector mort, Achille lui perce les tendons et fait 3 fois le tour de Troie en traînant le corps sans vie de son adversaire. La folie furieuse d’Achille est la même que celle qu’éprouve Télémaque. Homère dit que le fils d’Ulysse était ivre de colère.

On pense enfin à tous ces châtiments qui relèvent du faste punitif pour reprendre les termes de Michel Foucault dans Surveiller et punir, notamment au supplice de Damien. Accusé de régicide, ce dernier a été torturé. Si ma mémoire est bonne, le bourreau – le fameux Sanson – lui tranchera la main coupable sur laquelle il versera diverses matières brûlantes avant de l’écarteler et de jeter au corps son feu. J’édulcore le récit : il faudrait dire comment le bourreau – les chevaux ne parvenant pas à écarteler la victime – a tranché à la lame les quatre membres.

Pensez aussi au supplice des cent morceaux dont parle Georges Bataille dans Les Larmes d’Éros. Pour celui-ci, on a même des photos du début du siècle (Je ne les montrerai pas, Google vous révélera tout ce que vous pouvez désirer savoir et voir). Dans ce cas précis, le raffinement pénal tient, outre son nom très explicite, au maintien le plus long possible de la conscience du condamné par le truchement de l’opium.

Dans tous ces exemples, le corps est la cible privilégiée de la répression pénale. Aujourd’hui, le complice des prétendants aurait vu ses droits suspendus, une amende pharaonique ainsi qu’une peine de prison. Avec l’approbation des Dieux.

À lire enfin, le jugement des protagonistes de La guerre des boutons revu selon la procédure pénale actuelle sur le site du Monde diplomatique.

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Humeur

La forteresse avec des doigts

Il y a quelques jours, alors que j’accompagnais ma fille Daphné à la piscine et que je l’observais accomplir de spectaculaires progrès en natation, j’ai vu un père lisant Forteresse digitale de Dan Brown. Dan Brown est l’écrivain le plus nul qui m’ait jamais été donné de lire, mais ce n’est pas ce qui a retenu mon attention. En l’occurrence, il s’agissait plutôt du titre. Forteresse digitale… Qu’est-ce que ça veut dire ? Rien en fait. Évidemment, on comprend que le titre a certainement mal été traduit, digital en anglais signifiant numérique, parce que digitale en français et en tant qu’adjectif a rapport aux doigts comme dans emprunte digitale par exemple. En tant que nom, c’est une plante vénéneuse.

En somme, on a parfois l’habitude de mal traduire l’anglais. J’imagine de quelle façon on pourrait ainsi traduire digital camera… Ladite camera est en fait un appareil photo (qui fait aussi caméra) numérique, et non pas une caméra digitale (laquelle pourrait certainement prendre des photos)…

Pour en revenir aux titres, remarquons que parfois on traduit (Forteresse digitale), parfois on ne traduit pas (Da Vinci code). Parfois on fait les deux : on traduit le titre du livre (Le Liseur), on ne traduit pas le titre de son adaptation cinématographique (The Reader).

Bref, je parie que Forteresse digitale est un mauvais roman dont le titre ne veut rien dire.