Catégories
Éducation Informatique

Comment (et encore pourquoi) mettre ses cours en ligne en 2 minutes ?

Longtemps, j’ai aimé passionnément mettre les mains dans le cambouis, apprendre à écrire une page web en HTML avec, forcément, du CSS et même du JavaScript ou du PHP. Ça devait flatter mon ego d’enseignant que rien ne préparait à cela, je voulais voir si je pouvais y parvenir. Et dans une sorte d’hybris de newbie, je voulais tout faire moi-même.

Des années après, j’ai un peu changé d’avis. Ralentir travaux est devenu une grosse machine manquant de souplesse et je n’ai pas forcément le temps nécessaire à lui consacrer. Qui plus est, je me suis mis à écrire des livres (des ePubs). Mais cette fois, je ne m’y suis pas laissé prendre. J’utilise des logiciels, des apps comme on dit maintenant. Et c’est fabuleux ! Je peux produire un tas de trucs sans avoir à écrire une seule ligne de code. C’est d’ailleurs pour ça que j’estime que l’enseignement de la programmation au collège est superfétatoire, mais c’est une autre histoire…

Bref, aujourd’hui, je suis convaincu par ceci : mon job, c’est d’enseigner et le numérique doit me permettre de faire les choses bien et rapidement. Pour cela, il y a pléthore d’applications. On parle d’iTunes U, de Google for education, de Pronote, d’ENT et de je ne sais trop quoi encore…

Pour ma part, j’utilise Evernote (comme les potes Ghislain et François auxquels ce billet doit beaucoup voire tout), et ça me change la vie.

De quoi s’agit-il ?

Evernote est une application de prise de notes. Je crois même qu’il est inutile de la présenter, mais sachez que cette application tient davantage du traitement de texte que de la petite application genre Notes sur iPhone. Vous trouverez une barre d’outils offrant les principales options de formatage (choix de la police, taille, gras, italique, etc.). On peut même faire des tableaux !

Capture d’écran 2015-10-02 à 10.31.15

J’utilise donc Evernote en classe. J’ai mon ordinateur, et au lieu d’écrire au tableau, j’écris dans Evernote que je projette grâce au vidéoprojecteur que j’ai la chance d’avoir dans ma salle (la plupart des collèges que j’ai vus en sont équipés).

Capture d’écran 2015-10-02 à 11.55.42

Ainsi, le cours est déjà rédigé. De plus, en haut à droite, se trouve une option de partage.

Capture d’écran 2015-10-02 à 10.32.09

Le cours est donc partagé avec les élèves (comme vous partageriez un doc avec Dropbox ou Google). Ceux-ci ou leurs parents m’ont donné leur adresse mail (tout comme je leur donne la mienne). Et comme l’application se synchronise automatiquement en ligne, quand mon cours est écrit, il est déjà sur internet. Les élèves absents, alités par exemple ou même les parents un peu curieux peuvent suivre le cours en cours de rédaction (pas très jolie, la formule). De plus, Evernote s’installe partout : sur mon Mac, sur mon PC, sur mon iPhone ou sur un Android ou un Windows Phone ou sur un navigateur. Je dois confesser que j’aime beaucoup l’idée que mes élèves aient leur cahier dans la poche. Moi même, j’ai mon bureau dans la poche. Je m’ennuie en attendant mes filles qui font des emplettes chez Séphora ou H&M ? Je m’assois dans un coin, sors mon téléphone, lance Evernote et je me mets à rédiger quelques projets, à commencer quelques cours.
Remarquez que la fonction de partage ne se fait pas seulement entre profs et élèves ou parents, mais les élèves (s’ils sont équipés d’ordinateurs, de tablettes ou de leur propre téléphone) peuvent partager entre eux leurs cours. Je peux aussi avoir accès au cahier numérique de mes élèves. Tout le temps, sans avoir rien à ramasser.

Et puis, il y a le chat ! On peut discuter avec les élèves ou les parents. On peut éclaircir tel ou tel point. Quel temps gagné ! Que d’erreurs évitées !

IMG_0645

Un cahier numérique

En effet, Evernote est un véritable cahier numérique. Je m’en sers personnellement depuis 2008 ou 2009, mais ce n’est que tout récemment que j’ai compris l’intérêt que les élèves pouvaient y trouver.
Mes élèves dotés d’un ordinateur prennent leurs cours ainsi. Ils écrivent leurs cours ainsi. Leur cahier, c’est Evernote. Ils écrivent, mais peuvent aussi ajouter des images. C’est ce que je fais moi-même. Je prends le tableau en photo et je mets les photos dans le cours.

Capture d’écran 2015-10-02 à 10.43.41

Ainsi, les choses vont très vite. Il faut reconnaître que j’ai la chance d’avoir un double tableau : l’un pour projeter, l’autre pour écrire à la main. Je peux alors profiter du meilleur des deux mondes numérique et analogique. On joue sur les deux tableaux. Tandis que des consignes, des documents, le cours sont affichés à gauche, les élèves peuvent tout de même se rendre au tableau et écrire. Parfois, il est d’ailleurs plus simple d’écrire à la main, de faire un schéma à main levée, etc. Pour ne pas avoir à me faire des nœuds au cerveau en me demandant comment retranscrire tout cela numériquement, je prends donc le tableau en photo.
Ainsi, je n’ai même pas à recopier quoi que ce soit et les cours sont instantanément sur internet.

On peut faire bien d’autres choses encore. L’enseignant ou l’élève peut annoter des images. C’est la même chose qu’avec Skitch.

Capture d’écran 2015-10-02 à 10.48.06

On peut même écrire à la main si l’on possède l’application Penultimate, mais je m’en sers assez peu.

Et aussi

Deux autres possibilités ont récemment retenu mon attention (je vous en parle, même si cela n’a pas vraiment de lien avec la question des cours en ligne, mais cela peut tout de même vous intéresser) : le Mode présentation et la fonction Enregistrer l’audio.

Le Mode présentation permet de présenter le cours de façon plus lisible, plus séduisante à l’œil, un peu à la façon d’une présentation Keynote ou PowerPoint, mais sans avoir à refaire votre fichier texte pour le transformer en diapositive. C’est encore un gain de temps.

Quant à la fonction Enregistrer l’audio, je l’utilise de diverses manières. Je peux bien sûr l’utiliser pour enregistrer ma propre voix. Ce peut être pour lire un poème ou pour enregistrer une dictée comme je le fais sur Ralentir travaux, mais je préfère encore laisser cette possibilité à mes élèves qui se sont transformés récemment en petits journalistes et qui ont utilisé Evernote comme un dictaphone pour enregistrer leurs interviews.

IMG_0547

Bref, cette application est merveilleuse. Elle est multiplateforme. Elle est gratuite (seule la fonction Présentation est réservée au modèle Pretium), et je vous assure que ce billet n’est pas un publireportage.

Vous n’êtes toujours pas convaincu ?

Allez ! Une dernière chose.
J’ai pris l’habitude de ne pas faire confiance au réseau du collège. J’ai pris également l’habitude de ne pas laisser les élèves errer vainement sur le web à la recherche d’infos. C’est pourquoi, quand je donne un travail de recherches à faire, je fais une sélection des sites que les élèves devront visiter. À cet effet, je place dans un carnet une sélection de sites que les élèves liront.

Capture_d’écran_2015-10-02_à_11_42_46

Mais mieux encore, je télécharge, aspire toutes les pages, vidéos, PDF que les élèves devront lire. Le carnet est partagé, les données téléchargées par les élèves (ou par moi) et on gagne un temps fou !

Elle est pas belle, la vie ?

Catégories
Éducation Humeur Informatique

Pourquoi il faut mettre ses cours en ligne

La semaine dernière, ma fille aînée s’est cassé le bras. Elle s’est fait terriblement mal, n’est pas allée en classe et a manqué quelques jours de classe. Elle a dû alors rattraper les cours qu’elle n’avait pas suivis. Or la chose n’est pas aisée. Nombre d’enseignants voudraient le croire, nombre d’entre eux vous expliqueront qu’ils se débrouillaient tout seuls quand ils étaient élèves (éventuellement avec des insultes, mais ils vous l’expliqueront ou, plus précisément, ils vous assèneront leur opinion avec insulte éventuellement).

Il me semble que la plupart des difficultés rencontrées par un élève qui a été absent pourraient disparaître si les cours des enseignants étaient en ligne. Le présent billet ambitionne d’expliquer pourquoi. Un autre expliquera comment.

Mettre ses cours en ligne

En « discutant » sur Twitter, j’ai pu constater un premier quiproquo. Quand je dis « mettre les cours en ligne », j’entends par « cours » tout ce qui pourrait prendre place dans un cahier ou un classeur. Cela comprend les documents que vous auriez pu photocopier ainsi que la leçon que vous avez dictée ou faite en classe, ce qu’on nomme parfois si disgracieusement la « trace écrite ».
Il va de soi que cette « trace » n’est que le pâle reflet de ce qui fait toute la richesse d’un cours : la stratégie pédagogique mise en œuvre, les explications orales, les interventions des élèves, etc. À moins que vous ne soyez jusqu’au-boutiste, vous n’allez tout de même pas placer une webcam dans votre salle pour tout filmer et mettre sur YouTube ! Outre les problèmes que cela pourrait poser (droits, poids du fichier…), ça aurait un petit côté NSA. Notez tout de même que la chose serait assez aisée : placez une tablette, allumez la caméra et diffusez.
Mais, par pitié, n’invoquez pas votre salaire pour ne rien faire. J’expliquerai dans un autre billet comment mettre des cours en ligne en 2 minutes chrono, mais quoi qu’il en soit il faut bien admettre que le numérique ne doit pas constituer nécessairement une charge de travail (ce qui peut bien souvent être le cas), mais au contraire aider l’enseignant à faire les choses mieux, plus vite et plus efficacement. Dans le cas contraire, à quoi serviraient les machines ? Pourquoi avoir des ordinateurs ?

À ce propos, il faut se sortir de la tête l’idée fausse que les machines remplaceront les enseignants. Pascal Labout, dans son documentaire L’école du futur, a bien montré ce qu’il en était quand d’aucuns envisageaient de mettre des élèves sans professeur face à des ordinateurs. Sans véritable contact humain, l’enfant s’appauvrit, déprime et n’apprend pas. Développer ce point m’amènerait assez loin de mon sujet, mais je crois fortement, comme je l’ai lu chez Clive Thompson dans Smarter than you think, que l’homme doit travailler avec la machine. L’homme est alors une sorte de centaure (tenant à la fois de l’humain et de l’ordinateur) dont j’ai un peu parlé dans l’article Dialogue sur le numérique à l’école.

Le cours en ligne

Le cours en ligne ne se substitue pas au véritable cours (comment le pourrait-il ?), mais constitue un prolongement assez banal du processus d’apprentissage, le même qui fait qu’un élève possède un cahier. C’est d’ailleurs là la fonction de l’écriture, celle de permettre d’inscrire durablement les choses dans la mémoire. Rien de neuf depuis Socrate. Un élève a besoin d’apprendre lorsqu’il rentre chez lui, et sa mémoire n’étant pas infaillible, il a besoin de noter ce qui a été dit.
Il peut avoir mal noté, il peut avoir oublié de noter quelque chose, il peut avoir mal compris, il peut n’avoir pas noté et ce sont alors les parents qui auront peut-être le besoin de savoir ce qui a été noté, si d’aventure l’enfant essaie de se dérober à la charge de travail qui lui incombe. Et s’il a été absent, il n’a évidemment rien noté du tout.

Il y a donc une réelle nécessité, pour telle ou telle raison, de pouvoir accéder au travail qui a été fait. La technique le permettant aisément, il n’y a aucune raison pour qu’on ne donne pas cet accès. Cela d’autant plus que le cours en ligne se partage, il se diffuse, il s’enrichit des commentaires des visiteurs. Et en cela, il y a du neuf depuis Socrate : l’écrit ne fixe plus une pensée qui abandonne la richesse du dialogue (1). Vous pouvez alors nuancer, expliquer à nouveau et même vous corriger. Quand on partage un cours sur Evernote, par exemple, un élève ou un parent peut à tout moment poser une question. À ce propos, je peux vous affirmer que depuis le temps que je donne mon adresse email, personne n’en a abusé. Ma vie privée n’est pas violée, perturbée, envahie par le domaine professionnel. De temps à autre, une question est posée : « Monsieur, c’est bien ça qu’il faut faire ? », « Monsieur, c’est bien ceci qu’il fallait comprendre ici ? », et c’est à peu près tout.

Les élèves présents ont donc besoin de vous, mais si ceux-là ont ce besoin que dire des élèves qui n’étaient pas là ?

Les absents

Ils ont toujours tort. C’est à ce point que, dès qu’on parle d’absent, on pense absentéisme. Même, parfois, ce dernier remplace le premier. On parle d’absentéisme, comme on parle de technologie au lieu de technique, de problématique au lieu de problème, etc. L’absent est suspect. Où était-il ? Était-il absent pour un véritable motif ?
Pire encore. L’enseignant estime bien souvent que l’élève doit se débrouiller pour rattraper les cours. Il estime que c’est LE travail de l’élève. Or rien n’est plus faux. Voici pourquoi.

  • Le travail de l’élève consiste à apprendre, pas à dénicher par tous les moyens le cours. L’élève qui a été absent dépense une énergie considérable (non pas à apprendre) mais à contacter (par téléphone, mail, SMS voire les réseaux sociaux) des élèves susceptibles de lui transmettre les cours.
  • Cette transmission doit se faire le plus souvent avant la reprise des cours. L’élève sérieux aura à cœur d’arriver en classe en ayant rattrapé ce qu’il a manqué. Le weekend est donc dévolu à une lente et parfois infructueuse recherche : tel élève ne répond pas, tel autre ne donne qu’une partie des devoirs. Celui-ci a oublié de transmettre telle info (« Au fait, désolé, j’ai oublié de te dire que là, y a contrôle »), celui-là a délibérément omis de transmettre telle partie du cours, rivalité oblige. Si, si ! Vous pouvez me croire. Je suis et enseignant et parent.
  • La photocopie est frappée d’inanité : elle arrive quand l’élève est revenu. L’élève découvre ce qu’il y avait à faire pour le cours qui va être fait. C’est un non-sens. Le rattrapage des cours est une lutte contre le temps : l’absent rattrape le passé pour suivre ce qui va se passer. Je crois que les choses sont assez compliquées, y compris pour un bon élève, pour qu’on ne le laisse pas se dépatouiller ainsi.
  • On ne peut, pour maintes raisons susmentionnées, s’en remettre à des élèves pour qu’un rattrapage soit effectué. C’est un peu pour la même raison que pour les devoirs : si on estime que c’est hors de l’école que le travail doit être effectué, on délègue. On reconnaît que le travail scolaire se fait hors de l’école. C’est, à mon humble avis, un autre non-sens. Un peu comme si on demandait à un boulanger de finir ses baguettes à la maison… Ça n’a pas vraiment de sens. La direction, c’est celle de l’école, pas celle de la maison.

Ce que fait l’Éducation nationale

L’école se désintéresse de la question du rattrapage. Je dis l’école comme je dirais l’institution. Rien n’est mis en place, rien n’est organisé. On s’en remet à la seule bonne volonté des uns et des autres, des élèves, des enseignants ou des parents. Dans le fond, l’institution s’en fout un peu. C’est peut-être pour ça que 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification. Peut-être qu’une aide leur a fait défaut, leur a certainement fait défaut (je sais bien que tel ou tel enseignant se dira que certaines grosses feignasses ne veulent rien faire… mais on n’est pas obligé d’avoir l’élève en suspicion).
Ma fille aînée, toujours, a eu, après une lourde opération du dos, huit mois d’absence (là, c’était beaucoup plus grave que le coude cassé). Que propose l’Éducation nationale ? Un peu de SAPAD qui n’a pas eu lieu ? Un peu de CNED qui vous explique que quand vous êtes sous morphine, vous n’êtes décidément pas très productif ? En fait, seuls les collègues – mes merveilleux et super collègues que je ne remercierai jamais assez – se sont démenés, sont venus à la maison, à l’hôpital pour apporter à ma fille une aide qui plus est gratuite !
Chacun va donc se débrouiller, faire comme il peut et on verra bien. Et que voit-on ? De l’échec scolaire. Quand on a rencontré les chirurgiens pour notre fille, c’est la première chose que l’on nous a demandée : quel est son niveau scolaire ? Car les difficultés scolaires sont bien souvent le lot de tous ces nombreux élèves hospitalisés (2).
Or il devrait exister une prise en charge des élèves absents, une vraie (pas un simulacre) quitte à créer des emplois, ce qui me semblerait une bonne chose, non ? Parce qu’il faut quand même le reconnaître, le seul argument valable qui m’ait été donné sur Twitter, c’est que l’élève a besoin d’explications, d’une véritable aide, pas seulement d’une photocopie ou d’un cours en ligne. Ne pouvant remonter le temps et ne bénéficiant que du seul cahier, l’absent a manqué d’importants moments. Ces moments ne peuvent être récupérés que par un planning dûment organisé, mais un tel planning n’existe pas ou peu. Il va aussi de soi qu’une absence ponctuelle ne saurait avoir autant d’impact que des absences répétées et que la prise en charge ne saurait être la même.

En somme, le cours en ligne n’est qu’un pis-aller, mais c’est toujours mieux que rien.

Notes

1C’est que l’écriture, Phèdre, a, tout comme la peinture, un grave inconvénient. Les œuvres picturales paraissent comme vivantes ; mais, si tu les interroges, elles gardent un vénérable silence. Il en est de même des discours écrits. Tu croirais certes qu’ils parlent comme des personnes sensées ; mais, si tu veux leur demander de t’expliquer ce qu’ils disent, ils te répondent toujours la même chose. Une fois écrit, tout discours roule de tous côtés ; il tombe aussi bien chez ceux qui le comprennent que chez ceux pour lesquels il est sans intérêt ; il ne sait point à qui il faut parler, ni avec qui il est bon de se taire. S’il se voit méprisé ou injustement injurié, il a toujours besoin du secours de son père, car il n’est pas par lui-même capable de se défendre ni de se secourir. (Phèdre)

1 – Je précise que ma fille n’a aucune difficulté scolaire. Je le précise, car je devine aisément qu’on me reprocherait de l’amertume, de l’aigreur (certains l’ont déjà fait) et qu’on me reprocherait de ne m’intéresser à tout cela qu’en raison des résultats de ma progéniture. Merci. Ils sont très bons, mais l’excellence scolaire est le fruit du travail, pas toujours facilité, et en aucun cas des fées qui se sont penchées sur son berceau.